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Chapitre II : Cadre conceptuel et état de la question

2.3. La rétroaction

2.3.2. La rétroaction efficace

La rétroaction efficace porte à la fois sur des facteurs cognitifs et motivationnels, car elle fournit aux étudiants l’information dont ils ont besoin pour savoir où ils en sont dans leur apprentissage et ce qu’ils doivent faire par la suite (Brookhart, 2010b). Brookhart affirme qu’une rétroaction efficace contient des informations utiles à l’apprentissage et elle s’insère dans une démarche d’évaluation en classe où les apprenants voient d’un bon œil les critiques constructives et comprennent que cette pratique est indispensable à l’apprentissage.

Selon Brookhart (2010b), Nicol et Marfalane-Dick (2006), Valdivia (2014) et Wiggins (1993, 1998), les caractéristiques et les fonctions d’une rétroaction efficace sont:

a. Être immédiate afin de permettre à l’apprenant d’améliorer son travail et de rediriger son processus d’apprentissage ;

b. Être descriptive pour donner suffisamment d’information à l’apprenant afin de l’orienter dans son apprentissage ;

c. Préciser les points forts de son travail et indiquer clairement ce qu’il doit améliorer ; d. Permettre à l’apprenant de faire une autoévaluation de son travail ;

e. Permettre à l’enseignant de faire des ajustements de son enseignement ;

f. Habiliter de développer un dialogue constant entre l’apprenant et l’enseignant ; g. Soutenir la motivation de l’apprenant ;

h. Évaluer le progrès de l’apprenant sans faire de comparaison avec d’autres étudiants du même niveau.

Ces caractéristiques d’une rétroaction efficace répondent à trois questions formulées par Hattie et Timperley (2007) qui sont utilisées en évaluation formative et qui doivent être bien comprises par l’étudiant :

a. Où je m’en vais ? Quel est le but visé ? l’intention ? (feed up), signifie qu’on doit informer l’étudiant s’il est en train d’atteindre les objectifs d’apprentissage du cours et de chaque activité en particulier.

b. Comment vais-je m’y rendre ? m’y prendre ? (feed back), suggère des stratégies à l’étudiant pour qu’ils fassent les ajustements pertinents dans son apprentissage.

c. Qu’est-ce que je vais faire par la suite ? Dans quel contexte réinvestir ou transférer ce que j’ai appris ? (feed foward), a un lien avec le transfert, c’est-à-dire si les stratégies proposées sont transférables à d’autres situations, car chaque activité d’apprentissage est liée à la suivante.

De plus, ces trois questions interagissent à quatre niveaux : la tâche, le processus, l’autorégulation et la personne:

a. La tâche. Elle consiste à fournir à l’apprenant l’information nécessaire pour qu’il identifie ce qu’il a réussi, reçoive les orientations nécessaires et analyse son travail selon ce qui est attendu afin de clarifier et renforcer quelques aspects de son apprentissage (Hattie et Timperley, 2007). Par exemple, « Chaque paragraphe doit contenir une idée

principale et elle doit se retrouver dans le sujet de la phrase » (Brookhart, 2010b, p. 23).

b. Le processus. La rétroaction sur le processus vise à fournir de l’information sur la manière dont les apprenants ont abordé une tâche, sur la relation entre ce qu’ils ont fait et la qualité de leur travail et sur les stratégies de rechange possibles qui auraient pu également être utiles (Hattie et Timperley, 2007). Par exemple, « Cette argumentation

n’aurait probablement pas convaincu une personne qui ne croit pas à la peine de mort, qu’aurais-tu pu faire d’autre pour avoir une argumentation plus convaincante ? »

(Brookhart, 2010b, p. 23).

c. L’autorégulation. La rétroaction sur l’autorégulation est la manière dont l’apprenant dirige son propre apprentissage et elle est efficace si elle augmente la connaissance des apprenants (Brookhart, 2010b ; Hattie et Timperley, 2007). Selon ces mêmes auteurs, elle s’intéresse aux éléments métacognitifs utilisés par les apprenants pour autoréguler leur apprentissage, par exemple, « Est-ce que tu as fait un plan d’écriture avant de

commencer à écrire ? ».

d. La personne. La rétroaction sur la personne sert à apporter un commentaire positif ou négatif qui touche l’affectif de la personne (Hattie et Timperley, 2007). Le type positif est celui qui indique que l’apprenant est sur la bonne voie et qui vient renforcer l’apprentissage (Brookhart, 2010b ; Ramaprasad, 1983 ; Wiliam, 2010), par exemple,

« Bravo ! Tu as écrit un texte intéressant ! ». Pour les mêmes auteurs, le type négatif est lorsque l’apprenant reçoit des appréciations critiques qui peuvent le démobiliser ou l’inciter à faire mieux, par exemple, « Ton rapport est en retard ! Qu’est-ce qui ne va

pas ? ». Hattie et Timperley (2007) ajoutent aussi que la rétroaction sur la personne a

lieu lorsque le professeur intervient sur l’effort de l’étudiant, la qualité de son travail, sa persévérance et sa motivation.

Selon Brookhart (2010b) et Hattie et Timperley (2007), la rétroaction sur la personne même si elle est appréciée par l’étudiant sur le moment n’est pas très convenable ni très efficace et elle a peu ou pas d’effet sur la progression, car elle ne contient aucune information permettant à l’étudiant de poursuivre son apprentissage. Elle ne lui donne pas de piste sur la correction de la tâche et elle contribue à renforcer l’idée selon laquelle son intelligence est fixe, ce qui sous- entend que la réussite échappe à son contrôle.Toutefois, Hattie et Timperley (2007) indiquent que les élèves préfèrent les rétroactions, qu’elles soient positives ou négatives, qui s’adressent spécifiquement à eux. Dans leur méta-analyse, Kluger et DeNisi (1996) mentionnent que des recherches montrent que les étudiants font plus d’efforts lorsqu’ils reçoivent une rétroaction négative et ainsi, ils augmentent leur motivation pour arriver à atteindre l’objectif fixé dans leur apprentissage. Cependant, d’autres recherches montrent que les étudiants qui reçoivent une rétroaction positive augmentent leur motivation et améliorent leur performance. Les auteurs constatent aussi que l’aspect culturel est un facteur qui intervient dans l’acceptation du type de rétroaction. Par exemple, différentes recherches au Japon et dans les sociétés asiatiques montrent qu’il existe plus d’accord à recevoir une rétroaction négative qu’une rétroaction positive. Ils affirment aussi que les deux types de rétroaction contribuent à l’apprentissage et à l’amélioration de la performance des étudiants, car la rétroaction positive renforce le comportement correct et la rétroaction négative punit le comportement incorrect. Lipnevich et Smith (2009b) ajoutent que les recherches montrent que ce type de rétroaction est le plus courant dans le travail des étudiants. Cependant, deux points de vue opposent ce type de rétroaction. D’un côté, elle influe sur l’auto-estime, la motivation et la performance des étudiants et d’un autre côté, l’impact de ce type de rétroaction sur la performance n’est pas très consistant. Dans la recension des écrits d’Evans (2013), l’auteur mentionne que la rétroaction positive a un impact sur la motivation et la confiance chez les apprenants dans certaines recherches, tandis

que d’autres constatent que ce type de rétroaction n’a pas beaucoup d’impact dans l’apprentissage.

Pour leur part, Hyland et Hyland (2001) ont réalisé une recherche avec deux enseignants et six étudiants universitaires d’anglais langue seconde d’une université en Nouvelle Zélande sur l’impact de la rétroaction écrite : positive, négative et critique constructive. Les rétroactions ont été collectées dans les 10 travaux de la classe A et dans les 7 travaux de la classe B. Trois travaux de chaque classe ont suivi une étape de révision, c’est-à-dire les étudiants ont rédigé un premier brouillon et puis, ils l’ont réécrit selon la rétroaction donnée. Les enseignants ont participé à un entretien sur la manière de fournir une rétroaction écrite et sur ce qu’ils attendent des étudiants après la rétroaction. 495 rétroactions écrites ont été identifiées dans les 51 travaux. Les résultats montrent que 44% des rétroactions sont positives, 31% sont négatives et 25% sont constructives. Les deux enseignants considèrent que la rétroaction positive est importante pour valoriser ce qui est bien. L’enseignante A a formulé 109 rétroactions constructives contre 15 de l’enseignante B. Cette situation est due à la croyance que chaque enseignant porte sur la rétroaction et aussi à la manière dont les enseignants fournissent de la rétroaction. Pour la première, la rétroaction sert à guider l’apprenant dans son apprentissage en lui signalant ce qui est bien et ce qu’il doit améliorer et elle se sert d’une grille composée de différents indicateurs (organisation, introduction, conclusion, conventions linguistiques, etc.) pour fournir de la rétroaction. Pour la deuxième, elle écrit directement les rétroactions sur la copie de l’étudiant et elle considère que la rétroaction doit rendre de manière globale ce que l’étudiant a fait. En ce qui concerne la rétroaction fournie pour le cas où les étudiants devaient retravailler leur production écrite après la rétroaction, les auteurs trouvent que dans le premier brouillon, la plupart sont des rétroactions négatives et, par contre, dans la version finale, la plupart sont des rétroactions positives pour motiver les étudiants dans leur prochain travail. Quant à la nature de la rétroaction, elle se centre sur : les idées, la qualité de la langue, la procédure d’écriture et les aspects généraux de l’essai. En plus, 75% des rétroactions positives sont accompagnées d’une rétroaction négative pour créer un équilibre entre les deux types de commentaires, par exemple, « Le vocabulaire est bien, mais la grammaire n’est pas convenable et cela rend difficile la

compréhension de vos idées ». 15% des rétroactions négatives sont accompagnées d’une

manière de commencer le texte, vous devez présenter une idée plus générale pour introduire le thème ». Les auteurs constatent aussi que la rétroaction la plus fréquemment utilisée par les

enseignants suit la forme suivante : positive-négative-constructive « Le contenu est intéressant,

mais c’est difficile de comprendre, je pense que vous devez demander à quelqu’un d’autre de lire votre production écrite pour voir s’il la comprend ». Les auteurs constatent que 76% des

rétroactions négatives et 64% des rétroactions constructives sont souvent accompagnées d’un élément (utilisation des questions, des précautions discursives et des attributions personnelles) pour les atténuer. Les enseignants disent qu’ils utilisent ce type d’élément pour maintenir une bonne entente avec les étudiants. Quant à la perception des étudiants sur la rétroaction positive, les avis sont partagés. D’un côté, quelques étudiants considèrent qu’elle n’est pas très utile, car elle n’indique pas comment ils peuvent s’améliorer. D’un autre côté, quelques-uns considèrent qu’elle les motive. On retrouve des rétroactions qui ne sont pas claires pour les étudiants, car ils ne savent pas ce qu’ils doivent faire et comment améliorer ce que les enseignants avaient signalé. Pour conclure, les auteurs considèrent que la rétroaction est très importante et utile pour aider les étudiants à améliorer leur production et pour maintenir une bonne relation interpersonnelle avec eux, mais elle est parfois confuse pour les étudiants, car elle ne précise pas la façon de procéder.

La recherche de McGrath, Taylor et Pychyl (2011) est intéressante car elle ne se limite pas à décrire les types de rétroaction utilisées mais examine l’efficacité de la rétroaction élaborée et sous-élaborée17 dans les productions écrites des étudiants. Dans cette recherche, 30 étudiants universitaires canadiens ont répondu à deux questionnaires à deux moments différents du semestre. Les questionnaires comprennent 15 items portant sur l’efficacité de la rétroaction avec une échelle Likert. Les étudiants trouvent (1) que les rétroactions élaborées comme « Bonne

utilisation des matériels académiques pour illustrer les arguments », « Excellent exemple pour décrire les applications pratiques de la recherche dans la vie quotidienne » ont été plus utiles

que les rétroactions sous-élaborées comme « Bien », « Excellent » ; (2) que les rétroactions

17 D’après ces auteurs, la rétroaction élaborée est celle qui propose une description de ce qui a été réussi ou non

réussi. Par contre, la rétroaction sous-élaborée est celle qui touche seulement l’aspect affectif sans proposer d’autres pistes aux apprenants.

élaborées sont moins encourageantes et motivantes que les rétroactions sous-élaborées et (3) que les rétroactions sous-élaborées comme « Vague » ne sont pas utiles et elles démotivent. Les chercheurs ont aussi observé l’influence des rétroactions élaborées sur les productions écrites des étudiants et ont constaté qu’elles n’ont pas d’influence significative dans la qualité de la production des étudiants au niveau de la notation.

Selon les différentes recherches identifiées, il n’existe pas une position claire sur les bénéfices ou les inconvénients d’une rétroaction positive et négative, car les résultats sont partagés. D’un côté, les recherches nous montrent que la rétroaction positive est une source de motivation, mais elle n’est pas toujours très utile pour aider les étudiants à améliorer leur production. D’un autre côté, la rétroaction négative démotive, mais il n’existe pas de résultats qui montrent que ce type de rétroaction influe sur l’apprentissage des étudiants. Ce qui est intéressant de mentionner est que la rétroaction, qu’elle soit positive ou négative, est souvent accompagnée d’un autre commentaire plus spécifique pour guider l’apprenant dans son apprentissage et il semble que ce type de rétroaction est plus utile qu’un simple mot du type « bien », « vague », etc. C’est ainsi que dans notre prochaine section, nous aborderons, de façon détaillée, les différents types de rétroactions écrites.

2.3.3. La rétroaction écrite

Comme nous l’avons déjà mentionné dans notre premier chapitre, la rétroaction écrite a lieu lorsque l’enseignant écrit un commentaire ou laisse des traces de sa correction sur le travail d’un étudiant (Brookhart, 2010b ; Roberge, 2008). La rétroaction écrite a été longtemps considérée comme une partie intégrale du développement de la production écrite chez les apprenants (Alvira, 2016 ; Correa Pérez, Martínez Fuentealba, Molina de la Barra, Silva Rojas et Torres Cisternas, 2013 ; Duijnhouwer, Prins et Stokking, 2012 ; Storch et Tapper, 1997). Gerbault (2010) définit la rétroaction écrite comme une information en retour sur un comportement langagier spécifique de l’apprenant et qui peut être sur la forme ou le contenu ou les deux à la fois en lui donnant la possibilité de l’évaluer et de le rectifier. La rétroaction écrite est un élément fondamental du processus d’écriture, car elle aide les étudiants à réviser leur