• Aucun résultat trouvé

La rétention de sûreté

Dans le document Santé mentale et responsabilité pénale (Page 112-115)

Section 2. Pénalisation judiciaire de la santé mentale

B. La rétention de sûreté

Cette mesure extrême consistant dans une privation de liberté de sûreté (2) est soumise à de strictes conditions, ne pouvant être prononcée qu‘à « titre exceptionnel » (art. 706-53-13, al. 1er C. Pr. Pén.) (1).

1. Les conditions.

- La particulière dangerosité. La personne doit présenter une « particulière

dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elle souffre d’un trouble grave de la personnalité » (art. 706-53-13, al. 1er C. Pr. Pén.). Rappelons que cette dangerosité doit s’entendre d’une dangerosité criminologique c’est-à-dire liée au risque très élevé de récidive. Notons tout de même que malgré cela, le code établit aussi un lien entre la dangerosité et le « trouble grave de la personnalité ». La dangerosité conditionne la

179

Rapport sur la mission parlementaire confiée à J.- P. Garraud, déc. 2006« Dangerosité et la prise en charge des individus dangereux ».

180

112

rétention de sûreté ce qui est logique puisque la dangerosité, nous l’avons vu, est le fondement des mesures de sûreté. Elle conditionne d’ailleurs expressément le prononcé du placement sous surveillance judiciaire et du placement sous surveillance électronique mobile181. L’article 706-53-13 exige néanmoins une « particulière gravité », la rétention de sûreté représentant une mesure de sûreté « extrême » et unique car privative de liberté.

- Une condamnation. Le droit français a toujours été réticent aux mesures de sûreté

ante delictum c’est-à-dire totalement détachées de la commission d’infractions antérieures.

L’article 706-53-13 prévoit que la rétention de sûreté ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’une personne ayant été condamnée à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze ans. A cette condition, le code en ajoute une relative à la nature de l’infraction commise. Ce ne sont, tout d’abord, que des crimes, et ces derniers doivent relever d’une particulière gravité. Le projet de loi ne visait que trois crimes : le meurtre ou l’assassinat, les tortures et actes de barbarie, le viol et ce, seulement lorsque la victime était un mineur de quinze ans. La loi est plus large mais toujours restrictive. L’enlèvement et la séquestration ont été ajoutés à la liste ; l’âge de la victime a été élevé à dix huit ans ; et enfin, les victimes majeures ont été intégrées mais seulement en cas d’assassinat ou pour les autres crimes cités, en présence d’une cause d’aggravation expressément visée. Notons que la toute récente loidu 10 mars 2010182 a elle aussi élargi le champ d’application de l’article 706-53-3 en intégrant dans les causes d’aggravation pouvant justifier une application aux victimes majeures, la cause générale d’aggravation qu’est la récidive!

Le champ d’application de la rétention de sûreté est donc subordonné à une double gravité de l’infraction, quant à la sanction prononcée et quand à sa nature. La tendance est néanmoins à son élargissement en admettant de nouveaux crimes et de nouvelles victimes.

- Conditions de mise en œuvre procédurales. La rétention de sûreté doit avoir été

prévue par la juridiction de jugement. Selon l’article 706-53-13, elle ne peut être prononcée que si « la cour d’assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la

181

Voir art. 723-31 et 763-10 C. Pr. Pén.

182

Loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir me risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (JO, 11 mars. n° 0059).

113

personne pourra faire l’objet à la fin de sa peine d’un réexamen de sa situation en vue d’une éventuelle rétention de sûreté ». Cette condition a été prévue pour satisfaire l’article 5§1 de

la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui dispose que « nul ne peut être privé de sa liberté, sauf […] s’il est détenu

régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ».

La seconde condition a trait à la nécessaire recommandation de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. L’article 706-53-14 prévoit qu’ « au moins un an

avant la date prévue pour leur libération », la situation des condamnés doit être réexaminée

par cette dernière qui devra évaluer leur dangerosité. Pour ce faire, l’intéressé est placé pendant au moins six semaines « dans un centre spécialisé183 chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d’une expertise médicale réalisée par deux experts » (art. 706-53-14, al. 2 C. Pr. Pén.). Suite à cette

évaluation, la commission peut estimer que le condamné présente une « particulière dangerosité » et rendre un avis motivé en faveur de la rétention de sûreté. Néanmoins un tel avis est doublement subordonné : tout d’abord les obligations résultant de l’inscription de l’individu au FIJAIS184, ou d’une obligation de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile doivent apparaître insuffisantes pour éviter une récidive, et ensuite, mais cela est un peu redondant, la rétention doit être le seul moyen de prévenir une telle récidive (art. 706-53-14, al. 4 et 5 C. Pr. Pén.). La rétention de sûreté est donc subsidiaire. Si la commission estime au contraire, que l’ensemble de ces conditions ne sont pas réunies, mais que l’intéressé lui paraît néanmoins dangereux, elle doit renvoyer le dossier au juge de l’application des peines qui pourra alors décider de l’opportunité d’un placement sous surveillance judiciaire.

Enfin, suite à un avis positif et motivé, la rétention doit être décidée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté. Selon l’article 706-53-15 cette juridiction est saisie par le procureur général près la cour d’appel sur proposition de la commission pluridisciplinaire au moins trois mois avant la date de la libération du condamné. Cette décision doit par ailleurs être précédée d’un débat contradictoire avec l’assistance d’un avocat. Une contre expertise est de droit si elle est demandée par le condamné (art. 706-53-15, al. 2). La détention doit être « spécialement motivée » (al. 3) et ne peut donc se contenter de reprendre l’avis de la

183

Ce centre est en fait le centre national d’observation de Fresnes.

184

Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes créé par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 d’orientation et de programmation pour la justice (dite « Loi Perben II »), (JO, 10 mars, n°59).

114

commission même si, en pratique, elle s’en inspirera nécessairement.

2. L’exécution de la rétention de sûreté.

- La portée de la décision de placement. La décision est « exécutoire immédiatement

à l’issu de la peine du condamné » (art. 706-53-15, al. 4 C. Pr. Pén.). Des recours sont par

ailleurs prévus devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté composée de trois conseillers de la Cour de cassation désignés pour trois ans par le premier président, et seulement ensuite, devant la Cour de cassation. Enfin, la mesure est valable un an (art. 706- 53-16 C. Pr. Pén.) mais peut être renouvelée chaque année en cas d’avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et dès lors que les conditions de l’article 706-53-14 sont toujours remplies. En théorie, la rétention de sûreté peut donc durer infiniment.

- Le contenu de la rétention de sûreté. Le projet de loi indiquait que la « la mesure

de rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressé en centre fermé en vue de sa prise en charge médicale et sociale ». Plus aboutie, la loi dispose quant à elle

que « cette mesure consiste dans le placement de la personne intéressée dans un centre

socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposé de façon permanente une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de cette mesure » (art. 706-53-13,

al. 3 C. Pr. Pén.). Ces centres ont donc une double finalité de neutralisation et de soins, là où le « manicome criminel » des positivistes ne visait que l’élimination. Ces centres sont, en outre, placés sous la double tutelle du ministère de la Justice et du ministère de la Santé, l’administration pénitentiaire assurant la sécurité et la prise en charge sociale à travers les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les services de santé fournissant, quant à eux, les prestations de soins nécessaires.

Dans le document Santé mentale et responsabilité pénale (Page 112-115)