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Une collaboration difficile

Dans le document Santé mentale et responsabilité pénale (Page 34-36)

Section 2. Pénalisation judiciaire de la santé mentale

B. Une collaboration difficile

- Une collaboration en principe discrétionnaire. Hormis les cas cités, le recours à

l’expertise relève de la faculté pour le juge. Selon les termes de l‘article 156 du Code de procédure pénale, « Toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le cas où se pose

une question d'ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d'office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise ». Même dans le cas d’une expertise

demandée par les parties, le juge peut ne pas y faire droit à condition toutefois de « rendre

une ordonnance motivée au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande ».

La liberté du juge dans le recours à l’expertise trouve son corollaire dans la liberté du choix de l’expert. Ce dernier doit toutefois figurer dans « la liste nationale dressée par la

Cour de cassation ou sur une des listes dressées par les cours d’appel dans les conditions prévues par la loi n°71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires ». Ce n’est qu’à

titre exceptionnel et par une décision motivée, que les juridictions peuvent choisir un expert ne figurant pas sur la liste.

Cette liberté est parfois critiquée en ce qu’elle impliquerait une désignation parfois partiale de la part du juge qui choisirait tel ou tel expert selon sa réputation à déclarer plus ou moins facilement l’abolition ou l’altération du discernement ou du contrôle des actes.

Enfin, la liberté du juge se retrouve dans le fait qu’en aucun cas, le rapport

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Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes, (JO, 16 juin, D. 2000.253).

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d’expertise ne lie sa décision45. Le principe est celui de l’intime conviction posé à l’article 427

du code de procédure pénale. Dans les faits toutefois, il ressort que les juges suivent en général l’avis donné par l’expert. Mais pour certains auteurs comme A. Decocq46 cette

liberté du juge est contradictoire avec la justification même du recours à l’expertise c’est-à- dire l’incompétence du juge en la matière. Il propose de limiter le pouvoir d’appréciation du juge aux cas où le rapport d’expertise conclut à une incertitude quant au degré de responsabilité de la personne.

- Une collaboration parfois conflictuelle. Le conflit trouve tout d’abord une

illustration dans les différences inhérentes existant entre le droit et la psychiatrie. En termes d’objectifs tout d’abord il apparaît que là où la psychiatrie a pour fonction première le traitement du malade, le droit pénal, sans occulter la « nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné » (art. 132-24 du code pénal), a comme priorité la protection de la société et la sanction de ce même condamné. Par ailleurs, les deux matières n’ont pas le même objet d’étude. La psychiatrie s’intéresse à une normalité psychique, centrée sur l’individu, alors que le droit se situe par rapport à une normalité sociale vis-à-vis d’un système de valeurs préalablement posé. Enfin, la logique du judiciaire est elle aussi différente de celle de la psychiatrie. En effet la justice pénale ne peut se contenter d’une réponse mitigée et doit donner une réponse précise peu encline à la nuance. Le mis en cause doit pouvoir être déclaré imputable ou non, responsable ou non. La psychiatrie quant à elle ne peut pas toujours fournir des réponses aussi tranchées.

- Les outils d’une collaboration pacifiée. L’amélioration de la collaboration entre les

juges et les psychiatres passe notamment par un encadrement de la mission de l’expert. Il est notamment posé par les articles 156 et suivants du code de procédure pénale. La mission confiée à l’expert est, par ailleurs, précisée par la détermination des questions qui lui sont posées. La circulaire Chaumié du 12 décembre 1905 prévoyait que l’expert devait « dire si

l’inculpé était en état de démence au moment de l’acte au sens de l’article 64 du code pénal et dire si l’examen psychiatrique et biologique ne relève point chez lui d’anomalies mentales ou psychiques de nature à atténuer, dans une certaine mesure, sa responsabilité ».

Aujourd’hui, l’article C. 345 de l’Instruction générale d’application du code de procédure pénale prévoit que l’expert doit répondre à cinq questions :

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Voir Crim. 8 juin 1955, Bull. crim. n° 286.

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- l’examen de la personne révèle-t-il chez elle des anomalies mentales ou psychiques ? Le cas échéant, les décrire et préciser à quelles affections elles se rattachent.

- l’infraction reprochée à la personne est-elle ou non en relation avec de telles anomalies?

- la personne présente-t-elle un état dangereux? - la personne est-elle accessible à une sanction pénale? - la personne est-elle curable?

Le juge conserve la possibilité de poser d’autres questions à l’expert comme par exemple celle de savoir si le trouble existait bien au moment des faits, ou directement si le discernement ou le contrôle des actes étaient abolis, altérés ou entravé… L’encadrement préalable des relations entre le juge et le psychiatre est un moyen, certes limité mais tout de même efficace, de faciliter la coopération entre les deux en définissant, à l’avance, les règles du jeu afin d’établir si les conditions de l’article 122-2 du code pénal sont remplies.

§2. La nature du trouble.

L’article 122-1 du code pénal exige l’existence d’un « trouble psychique ou

neuropsychique ». Cette notion, plus précise que l’ancienne « démence », ne pose pourtant

pas moins de difficultés d’interprétation (A). Il convient donc de déterminer avec précision à quels états psychiques et neuropsychiques particuliers cette expression fait référence (B). Le trouble doit enfin exister au moment des faits (C).

Dans le document Santé mentale et responsabilité pénale (Page 34-36)