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La création de structures spécialisées

Dans le document Santé mentale et responsabilité pénale (Page 72-76)

Section 2. Pénalisation judiciaire de la santé mentale

B. Le bilan mitigé des structures « mixtes »

3. La création de structures spécialisées

Cette idée de structures adaptées au cas des délinquants malades mentaux n’est pas nouvelle. Elle a émergée au Royaume Uni où est apparue la nécessité de distinguer les délinquants malades des autres délinquants et des autres malades non délinquants. Une section spéciale est créée pour ce faire en 1816, au sein de l’asile de Bethleem.

En France cette idée a été portée par Georget qui demandait dès 1828 la création

106 Ibid.

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d’asiles spécifiques aux délinquants. En 1840 est créée la sûreté de l’hôpital de Bicêtre ayant vocation à accueillir les aliénés criminels et les malades mentaux dangereux. Quant aux malades mentaux responsables incarcérés, une évolution dans les sens de la séparation avec les délinquants normaux a été impulsée par la spécialisation entre 1876 et 1902 d’une partie de la prison de Gaillon en Normandie réservée aux criminels devenus malades.

Aujourd’hui encore l‘idée de créer des « hôpitaux-prisons » ou des « prisons- hôpitaux » fait débat. Ainsi du Docteur Delteil qui s’est demandé « ce que l’on attend pour

créer des structures spécifiques pour la prise en charge de ce type de malade107 ». La

Commission d’étude pour la prévention de la récidive des criminels considère elle aussi, mais spécifiquement aux auteurs d’infractions sexuelles, qu’ « à l’instar de certains modèles étrangers la France devrait développer des expériences d’établissements pénitentiaires ou indépendants du secteur pénitentiaire, médicalisés ou au contraire non médicalisés, chargés d’accueillir, dans les conditions de sécurité nécessaires, les auteurs de crimes sexuels ». La réforme du code pénal de 1992 a été l’occasion de débats à ce sujet. Le Sénat avait proposé, comme nous l’avons indiqué, la création d’établissements spécialisés. Cette proposition n’avait pourtant pas été retenue.

C’est finalement la loi du 9 septembre 2002108 qui a envisagé la création des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) qui seront, au sein des hôpitaux, des unités dédiées à la prise en charge des personnes détenues présentant des pathologies psychiatriques. Ces structures offriraient des garanties de soins et de sécurité qui font souvent défaut dans les services psychiatriques classiquement rattachés au milieu pénitentiaire. Les SMPR ne subsisteraient alors plus qu’à titre transitoire, les UHSA ayant vocation à assurer la prise en charge de la totalité des détenus nécessitant des soins psychiatriques. Néanmoins, la première de ces unités devait être prête pour la fin de l’année 2009 à Lyon-le-Vinatier. En 2005, le Ministre de la Santé et des solidarités X. Bertrand annonçait la création totale de 700 places d’ici 2010. Or aucune UHSA n‘est aujourd’hui opérationnelle. Ce retard peut trouver son explication dans le coût financier important généré par la construction de telles unités, la création d’une UHSA de 60 lits, hors plan

107

Intervention de Pierre Delteil, citée dans La maladie mentale et le délinquant, Discours de la folie dans

l’institution pénale, C. Camus-Chriqui, thèse, 2004, Paris II. 108

Loi n° 2002-1138 du 9 sept. 2002 d’orientation et de programmation pour la justice (dite « loi Perben I), (JO, 10 sept.)

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médical, mobilier et coûts de sécurisation représentant 10 à 11, 4 millions d’euros

La réticence à créer de tels établissements spécifiques aux malades mentaux est bien donc bien réelle. Elle est d’ailleurs encore plus flagrante depuis l’arrêté du 24 août 2000 créant des unités hospitalières sécurisées interrégionales. Ces unités sont destinées aux personnes incarcérées souffrant de pathologie somatiques. Cette avancée dans la prise en compte de la maladie somatique des personnes condamnées vient un peu plus mettre en lumière le retard observé en matière de troubles psychiatriques.

Malgré ces difficultés, la nécessité de soigner le délinquant malade mental, tant pour lui-même que pour la Société dans son ensemble, est aujourd’hui acquise. Toutefois, face à cette exigence semble aussi s’accroître la peur du malade mental considéré comme particulièrement dangereux. La neutralisation du danger qu’il est censé représenter est devenu un enjeu majeur pour l’opinion publique et la politique pénale. La dangerosité avancée du malade mentale impliquerait-elle qu’il réponde pénalement de ses actes et ce, peut être même plus que les délinquants sains d’esprit ?

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PARTIE 2. SANTE MENTALE ET DANGEROSITE.

Le droit pénal semble ne plus être uniquement une réponse sociale à un désordre créé par un Homme doté de discernement et du contrôle de ses actes. Il a tendance, de plus en plus, à être réactif aux faits divers et à intervenir en raison d’un danger potentiel dans une optique plus préventive que répressive. Mais la prévention peut parfois cacher une répression rigoureuse. La dangerosité est au centre de cette orientation. Son utilisation croissante nécessite aujourd’hui de se demander si l’irresponsabilité pénale du « fou » fondée sur le défaut d’imputabilité et le fondement humaniste de la responsabilité pénale, n’est pas aujourd’hui remise en cause (Chapitre 1).

Par ailleurs, même en écartant cette crainte, il semble que la dangerosité soit le vecteur d’une pénalisation croissante de la santé mentale. Si dans le principe la responsabilité pénale du malade mental reste, fort heureusement, soumise à l’exigence d’imputabilité, la situation de ce dernier est marquée par un investissement croissant du droit pénal (Chapitre

2).

CHAPITRE 1. Dangerosité et responsabilité.

Le « fou » est de plus en plus considéré comme dangereux. Sa dangerosité avancée paraît influencer le régime de sa responsabilité pénale (Section 1).

La mise en avant de la dangerosité du « fou » a soulevé de nombreuses interrogations notamment quant au respect des principes humanistes de la responsabilité pénale (Section

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Section 1. La montée en puissance de la notion de dangerosité.

Cette notion multidimensionnelle et peu précise (§1) connaît, depuis la fin du XXème siècle, un renouveau certain (§2).

§1. La notion de dangerosité.

Appliquée à la maladie mentale, elle a plusieurs sens (A). Son usage est connu de l’ensemble du droit pénal et n’est pas uniquement lié aux « fous », même si la relation entre la folie et la dangerosité est particulière (B).

Dans le document Santé mentale et responsabilité pénale (Page 72-76)