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En résumé, les théories familiales systémiques permettent de prendre en compte l'ensemble du système familial auquel appartient un individu, afin de l'appréhender par les interactions

qu'il entretient avec les autres personnes faisant partie de son système. Ainsi, le système

familial est ici considéré comme étant un ensemble de sous-systèmes et conçu comme un

tout qui inclut l'ensemble des membres de la famille ainsi que leurs interactions, un tout

ouvert et vivant en interaction continue avec son environnement (Suissa, 2000), en

obéissant à certaines règles où chacun se voit assigner une série de rôles spécifiques

(Whitchurch & Constantine, 1993). Trois sous-systèmes peuvent habituellement être

identifiés dans les systèmes familiaux : le sous-système des partenaires (espace personnel

du couple sans l'interférence des enfants), celui des parents (positions et règles communes

assurant le fonctionnement de la famille) et le sous-système filial (endroit où les enfants

font leur propres expériences relationnelles) (Suissa, 2000).

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La problématique du cancer avancé vue sous un angle familial systémique

Selon Minuchin (1979), la famille peut être considérée comme un système socioculturel ouvert qui fait face à des demandes de changement. Ces demandes peuvent être provoquées par des changements biopsychosociaux survenu chez un ou plusieurs de ses membres, comme par exemple un cancer chez un parent. De plus, une famille ayant des difficultés à répondre adéquatement aux demandes auxquelles elle fait face peut voir son fonctionnement altéré, et cela peut se traduire par de la détresse chez l'adolescent, qui est alors porteur d'un « symptôme ». D'ailleurs, Minuchin (1979) avance que ce qui conduit une famille à consulter à cause d'un dysfonctionnement, ce sont les symptômes présentés par l'un de ses membres, symptômes liés à un mécanisme de maintien de l'homéostasie du système familial.

Dans un même ordre d'idée, lorsqu'un parent vit avec un cancer avancé, il n'est pas le seul à être touché. En effet, il fait partie d'un système complexe. Puis, selon les principes de réciprocité et d'interaction, lorsqu'un membre du système familial change, les autres membres en interaction dynamique changent eux aussi; ils doivent s'adapter, puisque l'homéostasie du système familial l'amène à trouver un nouvel état d'équilibre.

Chez les enfants de parents atteints de cancer, la littérature indique que ce sont les adolescents qui vivent le plus de détresse et de symptômes intériorisés en lien avec un cancer parental, et plus spécifiquement les adolescentes (Thastum, Munch-Hasen, Wiell & Romer, 2006; Davey & al., 2005; Folkner & Davey, 2002). En effet, les adolescents peuvent être dans une situation de conflit entre leur besoin de s'affranchir de l'environnement familial et les besoins de ce même environnement en leur endroit en termes de présence et de soutien. Pendant l'adolescence, le concept de frontières est particulièrement important pour le jeune qui se prépare à devenir un adulte autonome (Cloutier, 1996). Si les frontières ne sont pas bien définies, lejeune peut être amené à faire des tâches qui ne lui appartiennent pas ou encore à être trop impliqué avec son parent malade, tandis que si les frontières sont trop rigides, l'adolescent peut être amené à se sentir rejeté ou encore à se retirer du système familial.

Les adolescents sont conscients que la famille a grand besoin d'eux à la maison en terme de soutien émotionnel, mais aussi pour aider dans les tâches que le parent malade ne peut plus accomplir. Par surcroît, comme l'équilibre du système familial est compromis par la présence de la maladie et que la famille a à faire face à une réorganisation des rôles de ses différents membres, l'ensemble de ses éléments peut conduire à des tensions importantes et une confusion dans l'exercice des rôles et engendrer parfois un phénomène de parentification. Il s'agit d'un renversement de rôles dans la famille, où le parent malade

prend le rôle de I' « enfant vulnérable » et où l'adolescent prend celui de « parent responsable » (Folkner & Davey, 2002).

En définitive, il est possible de situer et d'analyser les impacts d'un cancer parental sur la famille selon un éclairage familial systémique, comme l'ont d'ailleurs fait Folkner et Davey (2002). En effet, ceux-ci ont aussi fait ressortir que selon cette théorie, la condition d'un membre de la famille influence celle de tous les autres membres. De plus, tous les sous- systèmes (parents, couple et fratrie) interagissent et s'influencent. C'est d'ailleurs cette interaction systémique qui détermine largement le niveau de fonctionnement psychosocial et de bien-être des membres de la famille.

CHAPITRE 3 : Méthodologie

Objectif de l'étude

L'étude proposée dans le cadre de ce mémoire a pour objectif de vérifier si les adolescents dont un parent est atteint de cancer avancé éprouvent davantage de détresse psychologique que les adolescents de la population générale.

Hypothèse de recherche

À la lumière des écrits recensés, l'hypothèse de recherche suivante sera vérifiée :

1. Les adolescents dont un parent est atteint de cancer avancé éprouvent davantage de détresse psychologique que les adolescents de la population générale.

Devis de recherche

La présente recherche présente un devis quantitatif et s'inscrit dans une démarche de nature descriptive et transversale où un échantillon de la population à l'étude a été recruté pour être comparé à un échantillon de la population générale dont les données proviennent de I' « Enquête sociale et de santé auprès des enfants et des adolescents québécois de 1999 » (ESSEA) (Institut de la statistique du Québec (ISQ), 2002). Dans le cadre de ce mémoire, une approche deductive a donc été privilégiée (Turcotte, 2000).

Position épistémologique

Ce projet s'inscrit dans un paradigme post-positiviste, tel que le fait transparaître l'objectif de la recherche. En effet, une étude portant sur des données empiriques qui utilise un ou des tests statistiques pour vérifier une hypothèse, repose sur la logique empirique qui souscrit au principe de falsification, reconnaissant par ailleurs que la réalité observée est trop complexe pour être y être cernée complètement (Payne, 2005).

Variables à l'étude

Selon l'hypothèse de l'étude, la variable indépendante ou d'exposition est la présence ou l'absence d'un cancer parental avancé, alors que la détresse psychologique des adolescents est identifiée comme étant la variable dépendante. Par ailleurs un ensemble de variables

descriptives ont fait l'objet d'une attention particulière. Il s'agit de la localisation du site tumoral primaire, les traitements reçus par les parents malades, le temps depuis le diagnostic de cancer avancé, le fait que la maladie soit une récidive ou un premier diagnostic, le statut socio-économique, l'âge des adolescents, l'âge des parents, le genre des adolescents, le genre des parents, le nombre de frères et sœurs, puis la structure familiale, des variables liées à la maladie du parent, socio-économiques, familiales et personnelles. Ces variables permettent de caractériser les deux échantillons d'une part, et aussi de vérifier l'effet de certaines variables potentiellement confondantes. Certaines autres variables confondantes ont été incluses, et il s'agit ici des événements stressants vécus dans les derniers six mois, le fait d'avoir vécu un déménagement ou un changement d'école au cours des derniers six mois, ainsi que la peur d'être atteint de cancer dans le futur.

Échantillonnage

L'échantillon recruté répond aux caractéristiques de la population à l'étude et est composé de 28 adolescents. Pour être inclus à l'étude, les participants devaient être des garçons ou des filles âgés entre 12 à 18 ans, et avoir un parent atteint de cancer avancé. Ce premier échantillon est comparé à un deuxième échantillon provenant de YESSEA (ISQ, 2002), qui sert en termes de groupe de comparaison et qui comprend 2346 adolescents âgés de 13 et 16 ans.

Procédures de recrutement

Le recrutement du premier échantillon, celui d'adolescents dont un parent est atteint de cancer avancé, a été réalisé entre mars 2009 et mars 2010 dans les environs de la ville de Québec. Les participants ont été recrutés dans trois importants centres hospitaliers universitaires de la ville de Québec : le Centre hospitalier universitaire de Québec - Hôtel- Dieu de Québec (CHUQ-HDQ), l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ), ainsi que le Centre hospitalier affilié universitaire de Québec - Hôpital du Saint-Sacrement (CHA-HSS). Les patients atteints d'un cancer avancé ayant un ou plusieurs adolescents ont été informés de l'étude par plusieurs professionnels de la santé travaillant en oncologie, ainsi que par l'entremise d'affiches, de dépliants ainsi que de lettres d'invitations. Le dépliant, l'affiche et la lettre d'invitation contenaient un résumé du

31 projet et invitait les participants potentiels à communiquer avec le chercheur s'ils étaient intéressés par la recherche. En ce qui a trait au premier échantillon, il peut être qualifié de non probabiliste étant donné que l'échantillon est déterminé en fonction de caractéristiques précises. En effet, les personnes sélectionnées se devaient d'être des adolescents dont un parent est atteint de cancer avancé (Ouellet et Saint-Jacques, 2000).

Au départ, 39 familles (ayant un total de 57 adolescents) ont été référées et contactés par l'équipe de recherche. Neuf (23 %) de ces familles (ayant 13 adolescents) ont refusé de divulguer l'information concernant l'étude à leurs adolescents, essentiellement parce qu'elles n'avaient pas informé leurs adolescents de la maladie du parent, ou encore parce qu'elles ne voulaient pas inquiéter, troubler ou stresser davantage leurs adolescents. Chez trois familles (8 %) regroupant cinq adolescents, le parent malade est malheureusement décédé avant que l'enfant ne puisse compléter les questionnaires. Par conséquent, des 39 adolescents faisant partie des 28 familles pouvant potentiellement participer à la recherche, 28 participants (72 %) faisant partie de 19 familles, ont été recrutés et ont complété l'étude.

Mode de collecte des données

Pour ce qui est de l'échantillon recruté, les données ont été recueillies à l'aide de questionnaires auto-administrés. Les personnes acceptant de participer à la recherche ont eu le choix de remplir les questionnaires de façon traditionnelle, avec un papier et un crayon, ou encore de façon électronique, sur internet. Tous les adolescents ayant accepté de participer à l'étude ont choisi de remplir les questionnaires de façon traditionnelle, et l'ont rempli en l'absence de l'investigateur.

Pour ce qui est de l'échantillon qui représente le groupe de comparaison, une demande d'autorisation d'accès aux données des adolescents de l'ESSEA a été réalisée et approuvée. Les données ont été recueillies à même la banque de données qui a été fournie par l'ISQ, dans leurs locaux.

Instruments : Questionnaire

D'abord, les adolescents du premier échantillon ont eu à remplir un questionnaire relevant des informations sociodémographiques, familiales et liées à la maladie du parent. Par la suite, pour mesurer la détresse psychologique de ceux-ci, l'Indice de détresse psychologique de Santé Québec (IDPSQ-14) a été rempli, tel qu'utilisé lors de YESSEA (ISQ, 2002) (le questionnaire administré est présenté à Y annexe 2). Comme cet indice se retrouve dans YESSEA, les données pour le groupe de comparaison concernant YIDPSQ-14 ont été extraites de la base de données consultée. Les informations sociodémographiques et familiales pour le groupe de comparaison ont aussi été extraites de cette base de données.

VIDPSQ-14 comprend 14 items reflétant quatre dimensions de la détresse psychologique : l'état dépressif, l'état anxieux, les problèmes cognitifs et l'irritabilité. La structure factorielle de YIDPSQ-14 permet d'ailleurs l'utilisation de quatre sous échelles distinctes représentant les quatre dimensions précédentes (Deschesne, 1998). Le questionnaire se présente sous une forme auto administrée de type Likert, demandant aux participants à quelle fréquence, au cours de la dernière semaine, il leur est arrivé d'éprouver divers symptômes (1 = jamais, 2 = de temps en temps, 3 = assez souvent, 4 = très souvent), pour un score total variant de 14 à 56 (Institut de la statistique du Québec, 2002). La fiabilité et la validité de YIDPSQ-14 pour une population adolescente québécoise ont été démontré par Deschesne (1998) : l'indice présente une bonne validité de construit et une bonne validité concomitante avec différents outils mesurant la dépression et l'anxiété à l'adolescence, puis la consistance interne de cet instrument est appréciable (a = .83) et est constante chez les deux sexes et pour tous les groupes d'âge.

Limites de l'étude

Certaines limites de la présente étude au niveau de la méthodologie peuvent être identifiées. En effet, le questionnaire retenu pour cette étude ne permet pas de circonscrire la façon dont la détresse se manifeste pour les adolescents, ou encore l'impact de cette détresse sur leur système familial déjà fragilisé par le cancer avancé chez un parent. Par contre, il s'agit de l'outil validé mesurant la détresse psychologique qui a été utilisé lors de YESSEA, permettant ainsi la comparaison avec des données populationnelles. De plus, il est possible

33 qu'un biais de désirabilité sociale de la part des participants influence leurs réponses au questionnaire, étant donné que la sensibilité de YIDPSQ-14 à la désirabilité sociale chez une population adolescente n'a pas été évaluée dans l'étude de Deschesne (1998).

Considérations éthiques

Le présent projet a reçu l'approbation des comités d'éthique de la recherche du CHUQ- HDQ, du CHA-HSS et de l'IUCPQ tel que prévu par les règles du comité d'éthique de la recherche de l'Université Laval (CÉRUL) concernant les projets de recherches d'étudiants à la maîtrise (voir annexe 3).

L'objectif et les procédures de la recherche ont été expliqués par écrit sous la forme d'un formulaire d'information et de consentement à la recherche au titulaire de l'autorité parentale du jeune, puis sous la forme d'un formulaire d'information et d'assentiment à la recherche que chaque participant a dûment rempli et signé. Ce dernier a été écrit dans un langage simple qui permet sa compréhension par un jeune âgé entre 12 et 18 ans. En conformité avec l'article 21 du Code civil du Québec et avec l'Énoncé de politique des trois Conseils (Instituts de recherche en santé du Canada, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, 1998 (avec les modifications de 2000, 2002 et 2005)), pour la personne de moins de 18 ans, le consentement à la recherche doit être donné par le titulaire de l'autorité parentale (voir annexe 4).

Afin de préserver la confidentialité des personnes participant à l'étude sous sa forme écrite, le nom des personnes a été remplacé par un code et les données relatives à l'identification des participants sont gardées sous clés, dans un local du centre de recherche de l'Hôtel- Dieu de Québec, et seront gardées pour une période déterminée par les règles en vigueur.

Les participants n'étaient pas tenus de répondre à des questions auxquelles ils ne désiraient pas répondre. En cas d'un refus de leur part de répondre à certaines questions, aucune explication ou justification ne leur était demandée. Si les adolescents désiraient par eux- mêmes recevoir du soutien, ils pouvaient le manifester, puisqu'une une question leur

demandait s'ils voulaient que quelqu'un communique avec eux pour recevoir du soutien.