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Chapitre 5. Discussion

5.2 Résumé des résultats

5.2.1 Poffenberger et transfert interhémisphérique

Au niveau comportemental, la tâche de Poffenberger a révélé que les autistes ne montraient pas de ralentissements significatifs de temps de transfert interhémisphérique quantifié à l’aide de la mesure de comportementale de CUD (Barbeau, Lewis, Doyon, Benali, Zeffiro & Mottron, en révision; Chapitre 2). La CUD moyenne se trouvait dans l’intervalle attendu selon une méta-analyse (Marzi et al., 1991), tant dans le groupe d’autistes que dans celui d’individus à développement typique, appariés selon l’âge, la latéralité manuelle et l’intelligence non verbale. Au niveau cérébral anatomique, tel qu’attendu, les autistes présentaient un plus petit corps calleux, particulièrement au niveau des fibres connectant les régions bilatérales frontales et pariétales. Les mesures d’IRM de diffusion, dont l’anisotropie fractionnelle (FA) et la diffusivité, ne différaient pas entre les groupes. L’investigation de la tâche de Poffenberger à l’aide de l’IRMf a révélé que, malgré une performance similaire à la tâche, des différences sont présentes au niveau des activations cérébrales dans les aires motrices et visuelles impliquées. Les autistes ont présenté moins d’activation dans la région motrice primaire controlatérale à la main utilisée pour appuyer sur le bouton et dans l’aire motrice supplémentaire droite pour les essais avec la main droite, donc du côté du cerveau opposé à la région contrôlant cette main. Concernant l’activité reliée à la stimulation visuelle dans les champs visuels gauche et droit, les autistes ont montré moins d’activation dans les aires occipitales bilatérales, surtout pour les essais dans le champ visuel droit. La magnitude

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de latéralisation des activations a aussi été investiguée puisqu’une activité plus bilatérale au niveau des régions homologues gauches et droites connectées par le corps calleux pourrait être indicatrice d’une meilleure intégration des informations entre ces régions (Fornari et al., 2007). Les deux groupes ne présentaient pas la même répartition des activations à ce niveau; les sujets typiques avaient une activation plus bilatérale au niveau des aires motrices, alors que les activations étaient plus bilatérales au niveau des régions visuelles dans le groupe d’autistes. Les analyses de régression ont aussi révélé des différences intéressantes entre les groupes en ce qui concerne la relation entre les mesures comportementales d’intégration interhémisphérique (la mesure de TTIH du Poffenberger et les conditions bimanuelles du Purdue) et les propriétés régionales du corps calleux. Le transfert interhémisphérique de tâche de Poffenberger serait principalement relié aux propriétés du corps calleux connectant les régions motrices chez les typiques. Chez les autistes, la performance aux tâches est plutôt associée aux propriétés du corps calleux postérieur, connectant les aires visuelles. Des relations analogues ont été observées pour les mesures de performances bimanuelles du Purdue.

5.2.2 Vitesse de traitement perceptif

Les résultats de l’étude de la tâche de temps d’inspection (Barbeau, Soulieres, Dawson, Zeffiro, & Mottron, 2013; Chapitre 3) ont montré que, les autistes ne présentaient pas de déficits au niveau de la vitesse de traitement perceptif. Ils étaient même significativement meilleurs que les typiques lorsque les groupes étaient appariés au QI global des échelles de Wechsler, la façon la plus courante d’apparier au niveau de l’intelligence. Cette bonne performance des autistes était associée à leur bonne performance aux matrices de Raven. Cette étude appuie la notion selon laquelle le QI Wechsler sous-estime l’intelligence générale des autistes, alors que la mesure de raisonnement du Raven et la vitesse de traitement perceptif sont plus représentatives de leur niveau intellectuel. Les trois mesures se trouvent à des niveaux équivalents chez les typiques. Cette force perceptive pourrait être en lien avec le comportement visuel atypique observable en très jeune âge chez les autistes et être impliquée dans le surfonctionnement perceptif autistique. De plus, ce résultat démontre l’impact du choix des variables d’appariement auxquelles une importance particulière doit être portée. On peut aussi supposer que la vitesse de détection des stimuli lors de la tâche de Poffenberger ne serait

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donc pas ralentie. Dans une perspective plus générale, ces résultats suggèrent que la vitesse de traitement perceptif n'est pas affectée négativement par la matière blanche et la connectivité atypique.

5.2.3 Habiletés motrices

Une évaluation des habiletés motrices a aussi été effectuée à l’aide de deux tâches motrices, les tests d’Annett et de Purdue, mesurant la motricité fine et globale unimanuelle, la dextérité, la coordination bimanuelle et la coordination œil-main (Barbeau, Meilleur, Zeffiro, & Mottron, en révision, Chapitre 4). Les autistes étaient plus lents au niveau unimanuel, pour placer les bâtonnets dans les trous un à la fois. Toutefois ils ne montraient pas de ralentissements significatifs au niveau de la coordination bimanuelle. De plus, les déficits moteurs étaient reliés au temps de réaction à la tâche de Poffenberger, ce qui est compatible avec la suggestion que les déficits moteurs des autistes résident dans la rapidité de l’exécution du mouvement ou dans son anticipation (Rinehart et al., 2001). Les résultats de cette étude suggèrent que si les troubles moteurs sont possiblement liés aux différences de matière blanche intrahémisphérique (Mostofsky et al., 2007), cela n'est pas le cas pour ce qui est des différences de matière blanche interhémisphérique.

5.2.4 Récapitulatif

Ces trois études ont permis d'investiguer l'intégrité du traitement de l'information visuomotrice et montrent que chez les autistes, la rapidité traitement de l'information visuelle simple est intacte ou supérieure, mais ils montreraient des ralentissements au niveau de mouvements nécessitant une guidance visuelle. Au niveau de l'intégration de l'information entre les régions homologues bilatérales, la communication entre les régions visuelles serait plus efficace qu'entre les régions motrices sans pour autant affecter significativement les performances bimanuelles motrices, et ce, malgré diminutions de corps calleux. Les atypicalités de matière blanche affecteraient donc certains aspects moteurs, mais garderaient intact ou favoriseraient le traitement perceptif. Cela suggère des mécanismes compensatoires ou adaptatifs au développement atypique du cerveau menant à un cerveau connecté différemment.

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5.2.5 Les sous-groupes du spectre autistique

Un autre aspect investigué dans la présente thèse est la distinction entre deux sous- groupes du spectre autistique : les autistes, avec retard de langage et les Asperger, sans retard de langage. En effet, les deux sous-groupes différeraient au niveau des habiletés perceptives visuelles, plus caractéristiques des autistes, mais aussi au niveau des déficits moteurs (Behere et al., 2012; Gillberg, 1998; Klin et al., 1995; Rinehart et al., 2001; Szatmari et al., 1990). Au niveau des habiletés motrices, nos résultats suggèrent en effet que les deux groupes diffèrent dans la nature de leurs déficits moteurs, les Aspergers étant plus atteints que les autistes au niveau de la dextérité fine et de la coordination bimanuelle. Chez les individus Asperger, le temps de réaction de la tâche de Poffenberger était significativement plus rapide que celui des autistes, suggérant que le problème ne réside pas au niveau de la rapidité de l’exécution motrice (ce qui semble être le cas pour les autistes), mais qu’ils présentent plutôt des difficultés lorsque la dextérité et la coordination sont impliquées. De plus, dans ce sous- groupe, les déficits moteurs étaient reliés à l’âge d’acquisition du langage ainsi qu’au niveau intellectuel (RPM, Wechsler). Sur le plan visuel, l’étude de temps d’inspection confirme que la supériorité de vitesse de traitement perceptif des autistes ne se retrouve pas dans le sous- groupe des Asperger. Ces derniers réussissent à un niveau similaire à celui des typiques, la vitesse de traitement perceptif est donc caractéristique du profil cognitif des autistes, avec retard de langage. Les deux sous-groupes présentent donc des profils cognitifs différents, ce qui souligne l’hétérogénéité phénotypique des troubles du spectre autistique et l'importance d'en tenir compte.