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Les satellites BATSE, RHESSI, Fermi et AGILE ont été capables de détecter les TGF sur un intervalle d’énergie allant de ∼ 10 keV à ∼ 30 MeV, voir ∼ 100 MeV selon AGILE, et avec des durées typiques de 10 µs à quelques millisecondes. Aucun de ces satellites n’ont pas été conçus spécialement pour détecter les TGF et ils ont donc connu des problèmes instrumentaux. En particulier en ce qui concerne les temps morts de l’électronique utilisée, qui n’est pas bien adaptée à la mesure d’évènements aussi courts et intenses. Cependant, les observations effectuées par ces satellites, ainsi que certaines détections radio associées, ont permis d’établir les propriétés suivantes pour les TGF :

— Une forte corrélation avec l’activité orageuse.

— Une production annuelle sur toute la Terre d’au moins 400 000 TGF, soit un éclair sur 10 000.

— Un flux de ∼ 1 photon/cm2 à l’altitude du satellite.

— Un spectre détecté explicable par une émission Bremsstrahlung altérée par l’atmosphère. — Une altitude de production comprise entre 10 et 20 km.

— Une brillance intrinsèque d’environ 1018 électrons énergétiques au niveau de la source. — Un demi-angle d’émission supérieur à 30o.

— Une présence de faisceaux d’électrons associés (TEB), confinés par le champ magnétique terrestre, avec des flux plus élevés, mais avec environ 100 fois moins de chances d’être détectés par un satellite.

— Une production massive de positrons, avec un rapport positron/électron compris entre 1 et 30 % à l’altitude du satellite.

— Si l’on construit un histogramme du taux de comptage (nombre de photons par détection) en fonction du nombre de TGF détectés pour ce taux, et pour un détecteur parfait, ce dernier doit suivre une loi de puissance avec λ ≈ −2.3. A cause de son orbite et de l’imperfection de ses détecteurs, un satellite voit une loi différente (par exemple,

Chapitre II

Théorie et Modélisation Associée

aux TGF

Les observations présentées dans le chapitre précédent ont montré qu’un TGF est produit entre 10 et 20 km d’altitude, et laisse un flux de ∼ 1 photon/cm2à l’altitude du satellite (∼ 550km). À cause de l’absorption de l’atmosphère, une source initiale de photons à 15 km d’altitude va être réduite d’un facteur 10 à 30 à l’altitude du satellite. Le flux de photon va également être réduit à cause de sa diffusion spatiale. On peut montrer que pour avoir 1 photon/cm2 au niveau du satellite (à 500 km d’altitude), il est nécessaire d’avoir une source initiale de ∼ 1016photons (si

elle est située à ∼ 15 km d’altitude). Si cette source de photon est produite par Bremsstrahlung (voir IV.2.2), ce dernier nécessite la présence d’au moins ∼ 1017 électrons énergétiques.

Définissons les électrons graines comme des électrons présents dans le milieu, avec un énergie suffisante (au moins ∼ 50 keV) pour pouvoir être accélérés à des énergies de plusieurs dizaines de MeV par un champ électrique raisonnable (∼ 100 kV/m × h). h permet de calculer ce champ à n’importe quelle altitude, car h = n(z)/n(0). Où n(z) est la densité atmosphérique à l’altitude

z. La question est donc de savoir comment il est possible d’obtenir ∼ 1017électrons graines dans le milieu.

Dans ce chapitre, nous allons premièrement présenter brièvement les connaissances actuelles décrivant la formation des cascades, des streamers, des leaders, et des éclairs lors des orages1. Nous parlerons ensuite des phénomènes d’électrons runaway, d’Avalanche d’Electrons Runaway Relativistes (RREA) et nous expliquerons brièvement en quoi consistent les théories du feed- back relativiste et du runaway froid, qui sont deux alternatives possibles capables de décrire la production des TGF. Finalement, nous présenterons les efforts récents qui ont été faits en ce qui concerne la modélisation des émissions radio associées aux TGF, dans le but de tester les différentes théories.

II.1

Cascades, streamers, éclairs et orages

II.1.1

Productions de cascades

Les électrons de basse énergie (< ∼ 100 eV) peuvent interagir de deux manières : ionisation par collision, et attachement. L’attachement se produit quand un électron incident s’attache à un

un électron incident arrache un électron lié à une molécule ou un atome du milieu, produisant donc un ion positif. Si aucun champ électrique n’est présent, le taux d’attachement est bien plus grand que celui d’ionisation, et les électrons libres de basse énergie sont capturés rapidement en formant des ions négatifs. Cependant, en présence d’un fort champ électrique, supérieur à

Ek∼ 3 MV/m × h, le taux d’ionisation domine le taux d’attachement. Le taux d’électrons libre

va ainsi croître exponentiellement dans un phénomène de cascade à faible énergie. L’échelle de croissance de telles cascades est typiquement de 1 millimètre (mm) en 1 micro-seconde (µs). Nous choisissons d’utiliser le terme de cascade pour souligner le fait que ce phénomène est très différent des avalanches d’électrons Runaway Relativistes (RREA).

II.1.2

Streamers

Un champ électrique plus grand que Ek∼ 3 MV/m × h rend l’air conducteur. Cette conductivité va induire une diminution du champ électrique dans certaines régions, mais une augmentation près de la pointe de la région conductrice. Cela produit ce que l’on appelle un "streamer", c’est- à-dire une décharge autonome, continuellement entretenue par des avalanches produites à côté de sa pointe (où le champ électrique est le plus intense et reste supérieur à Ek). Le streamer avance ainsi avec une vitesse typique de vs ∼ 106 m/s. Le streamer va se propager jusqu’à ce

que le champ électrique passe en dessous d’une valeur critique Ecr. Pour un streamer chargé

négativement, Ecr= 1.25 MV/M, et pour un streamer chargé positivement, Ecr+ = 0.44 MV/m. Le plasma formant le streamer a typiquement une température de 300 K et un courant de 10−3 A.

Le champ électrique seuil nécessaire à la production d’un streamer diminue proportionnel- lement à la densité atmosphérique. L’échelle de longueur de la tête du streamer croît comme le libre parcours moyen, donc proportionnellement à l’inverse la densité de l’air. La densité de charge requise à l’intérieur de la tête du streamer pour le maintenir est donc inversement proportionnelle au carré de la densité de l’air (donc ∝ 1/h2). Il est donc d’autant plus facile de

produire un streamer que l’altitude est élevée.

II.1.3

Formation d’un éclair lors d’un orage

Le nuage d’orage, également appelé Cumulonimbus, présente une grande extension verticale, démarrant vers 2km d’altitude et pouvant atteindre une hauteur de 8 à 18 km d’altitude. Un vent ascendant, pouvant atteindre des vitesses supérieures à 1 m/s, et appelé "updraft" est présent et va être responsable d’un mécanisme complexe et encore assez mal compris de séparation des charges à l’intérieur du nuage. Une revue sur ces différents mécanismes a été faite par Yair (2008), et Dwyer and Uman (2014). De manière classique et très simplifiée, le nuage d’orage est décrit par un tripôle : le centre du nuage va se charger négativement (typiquement -40 C), et le haut et le bas vont se charger positivement (typiquement +40 C et +3 C respectivement). Des expériences à bord de ballons ont permis de mesurer un champ électrique typique de 50-100 kV/m, et donc un potentiel électrique total d’environ 100 MV (Marshall and Stolzenburg, 2001). On remarquera que ce champ électrique important reste tout de même inférieur à Ek ∼ 430

kV/m à 15 km d’altitude, qui est normalement nécessaire pour ioniser le milieux et produire des éclairs. La question de savoir comment un éclair peut se déclencher est donc encore assez mal comprise, et nous ne la détaillerons pas ici.

Les éclairs ont bien lieu et ils vont servir à rééquilibrer les charges du nuage. Si ce rééqui- librage s’effectue entre deux zones de charges opposées à l’intérieur du nuage, c’est un éclair intra-nuageux (IC), qui correspond en fait à 89% des éclairs produits lors des orages. Si l’éclair se décharge avec le sol, c’est une éclair nuage-sol ("Cloud-to-Ground" en anglais, ou CG). Cela

Figure II.1 – Adapté de la thèse de B.E. Carlson (2009). Schéma de propagation d’un

leader (ou précurseur) positif (à gauche) et d’un leader négatif (à droite). Un leader positif se propage par une extension continue dans la région chauffée (en gris) qui se situe à sa pointe. Les leaders négatifs se propagent de manière discontinue (ou pas-à-pas) par la formation de nouveaux segments dans la région chauffée (qui est éloignée de la pointe) et qui se reconnecte ensuite avec le leader.

correspond à la plupart des éclairs que l’on peut voir depuis le sol, mais à 11% des éclairs produits lors d’un orage.

L’éclair est constitué par un réseau de canaux courts de plasma conducteur appelé leaders (ou précurseurs français). Un leader va se développer sur plusieurs kilomètres sur une échelle de temps de ∼ 0.5 seconde. Il existe deux types de leaders en fonction du signe de la charge qu’ils portent : les leaders négatifs et les leaders positifs. Les leaders positifs ont une vitesse de propagation relativement constante de l’ordre de 1.5 × 106 m/s et évoluent par réchauffement et ionisation continue créant des cascades d’électrons. Par contre leader négatif va repousser les électrons du milieu, au lieu d’attirer. La zone qui se retrouve chauffée et ionisée n’est pas directe- ment liée au leader, et des cascades se produisent donc plus loin et arrivent à se reconnecter avec le leader. Les leaders négatifs vont donc se propager pas-à-pas, avec une vitesse de ∼ 0.5 × 106 m/s et une longueur de pas typique de 3 à 50 mètres. Les leaders ont une température de 30 000 K et un courant électrique aux alentours de 103A. Un schéma résumant la méthode d’extension de ces deux types de leaders est présenté en figure II.1. Ce sont ces leaders négatifs qui, dans la théorie du runaway thermique, sont responsables de la production de suffisamment d’électrons graines. Cette théorie est présentée en détail dans Moss et al. (2006) et nous la décrirons plus brièvement en section II.5.2.

Un résumé de toutes les échelles caractéristiques des phénomènes introduits ci-dessus est pré- senté dans le tableau II.1.