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Comme on l’a vu au premier chapitre, les observations d’émissions radio associées aux TGF ont déjà permis des contributions importantes. Ces émissions radio doivent être, en principe, différentes de celles qui sont produites par la foudre seule, car elles sont induites par les courants électriques générés par les ions et des électrons de basse énergie produits pendant le processus de RREA. La modélisation numérique des émissions radio dues aux TGF doit pouvoir permettre de tester les différentes théories de production des TGF, car ces dernières différent suffisamment dans leurs mécaniques de production pour donner des signaux radio discernables.

Dwyer and Cummer (2013) présentent en détail un modèle d’émissions radio dues aux TGF.

La théorie développée dans cet article est très complexe si l’on veut la décrire en détail. Pour faire simple, la méthode de Dwyer and Cummer (2013) démarre de pulsations gaussiennes d’électrons

3. Les étincelles ressemblent à des leaders, mais à plus petite échelle. Le lien entre les deux, i.e. comment il est possible de passer d’étincelles à leader, est encore assez mal expliqué.

4. Capable de produire des images espacées de quelques dizaines de nano-secondes

Figure II.6 – Repris de Carlson et al. (2010). e. Spectre en énergie, pour différents

temps d’injection d’électrons produits par runaway thermique (1 µs en gris et 3 µs en noir). f. distribution angulaire zénithale initiale typique des photons.

graines, caractérisées par un nombre de pulsations Np et une durée caractérisée par σs. Pour les

théories de runaway froid, on a Np ≤ 10000 et pour le feedback relativiste on a Np = 1013. Le paramètre σsvaut 1 µs dans tous les cas. Ces électrons graines subissent ensuite une accélération et une multiplication par RREA (dont l’extension verticale κ est également paramétrisée) en utilisant un modèle de transport classique utilisant des équations différentielles. Les courants dus aux ions et aux électrons de basse énergie produits sont ensuite estimés, puis la norme du champ magnétique B et sa dérivée temporelle7 dB/ds en sont déduites. Cette dernière étape

est assez complexe et nous propose d’utiliser, entre autres, des convolutions, des transformées de Fourier, des fonctions de Green, ainsi que l’équation de Jefimenko. La réponse du récepteur radio utilisé est également modélisée et prise en compte dans la production du signal final.

Un résultat important qui se dégage des équations développées dans ce modèle indique que les TGF les plus courts devraient être plus faciles à détecter (en radio) que les TGF les plus longs, car l’amplitude de la pulsation radio est approximativement proportionnelle à l’inverse du carré de la durée du TGF. En figure II.7, est présenté un extrait de Dwyer and Cummer (2013), où sont comparées des mesures radios réelles (en noir) avec le modèle développé cet article (en rouge). Les deux colonnes correspondent à deux TGF qui ont été détectés par Fermi et dont le timing et la position ont pu être corrélées à des observations radio obtenues par le Duke LF sensor situé à Florida Tech. Les trois premières lignes (A, B et C) correspondent à des modèles de runaway froid avec différentes valeurs de Np, σs et κ. La quatrième ligne (D)

correspond à l’utilisation du modèle du feedback relativiste.

Seul le modèle de runaway froid de type C, ainsi que le modèle de feedback relativiste, semblent capables de reproduire décemment le signal radio réel. Les modèles de runaway froid avec Np . 10000 semblent donc exclus. Le feedback relativiste a du mal à reproduire les pulsa-

tions hautes fréquences observées, mais reproduit relativement bien la partie basse fréquence. Le modèle de runaway froid de type C a, quant à lui, tendance à surestimer les hautes fréquences. Il est important de préciser que, pendant ce temps, ce travail a été fait unilatéralement par l’équipe responsable de la théorie du feedback relativiste et est donc sujet à controverse.

7. Le récepteur radio utilisé dans cette étude (le Duke LF sensor situé à Florida Tec.) a une réponse sensible à dB/dt de 0 à 100 kHz et à B de 100 à 200 kHz.

Figure II.7 – Repris de Dwyer and Cummer (2013). Les deux colonnes correspondent

à deux TGF détectés par Fermi, dont la correspondance avec des détections radio au sol a pu être établie. Les détections radios réelles obtenues (en noir) sont comparées aux résultats de simulations (en rouge) du modèle présenté dans Dwyer and Cummer (2013). Les cas A, B et C correspondent à différents modèles de TGF de type runaway froid avec différents paramètres. Les cas D correspondent au feedback relativiste.

II.7

Résumé et conclusions

Pour produire un TGF observable, il faut dans un premier temps disposer d’une population suffisante (& 1010) d’électrons graines, présents dans le milieu avec des énergies suffisantes (>50 keV) pour que l’accélération qu’ils subissent par un fort champ électrique soit supérieure à la friction de l’air. Quand cela se produit, on dit que ce sont des électrons runaway. Ces électrons peuvent également collisionner avec d’autres électrons du milieu, et leur donner assez d’énergie pour qu’ils puissent, eux aussi, entrer en runaway, et ainsi produire un RREA. Une quantité importante d’électrons graines peuvent être produites par les rayons cosmiques, mais ne suffisent pas, couplés avec le mécanisme de RREA seul, à produire assez d’électrons énergétiques pour obtenir un TGF observable produit par rayonnement de freinage (bremsstrahlung). A l’heure où ce manuscrit est écrit, deux solutions différentes sont proposées : le feedback relativiste et le

runaway froid.

À l’intérieur des nuages d’orage, une séparation de charges se produit par un mécanisme complexe et encore assez mal compris. Quand la différence de potentiel devient trop importante, un ou plusieurs éclairs se produisent pour rééquilibrer les charges dans le système. Un éclair est constitué de canaux d’ionisation appelés leaders, et le bout de ces leaders est constitué d’une zone où sont présents de nombreux streamers. La Théorie du runaway froid propose qu’à un moment donné dans le développement de cet éclair, il y a un champ électrique localisé et assez intense capable de produire suffisamment d’électrons graines qui peuvent ensuite subir un RREA avec le champ électrique du leader. Dans la théorie du feedback relativiste, c’est un champ électrique important à plus grande échelle qui va être responsable, en plus du RREA, d’une multiplication encore plus importante des électrons graines par effets de retour (feedback) des rayons X et des positrons.

Ces deux mécanismes sources sont, en principe, assez différents pour être responsables de signaux radio bien discernables. Ces derniers ont pu être modélisés numériquement et comparés à des observations réelles. Ces comparaisons semblent indiquer que seules la théorie du feedback relativiste, ou une théorie de runaway froid (avec au moins 10000 pulsations de 1 µs, et de durées de 100 µs, ainsi qu’une extension verticale de la zone de RREA aux alentours de 220 m) semblent capables de reproduire décemment les observations radio.

Chapitre III

La Mission TARANIS

TARANIS (Tool for the Analysis of RAdiation from lightNIng and Sprites) est un micro-satellite de la filière MYRIADE du CNES (Centre national d’Etudes Spatiales), destiné à l’étude des phénomènes transitoires liés aux orages, en ce qui concerne en particulier les évènements lumi- neux transitoire (TLE), ainsi que les flash gamma terrestres (TGF), présentés aux chapitres I et II. La mission est essentiellement Française, avec quelques contributions étrangères.

La responsabilité scientifique de la mission est assumée par le PI, Jean-Louis Pinçon (CNRS/LPC2E), qui préside le comité scientifique des expérimentateurs (Experimenters Board). Il est secondé

par Elisabeth Blanc (CEA/DASE) en tant que Co-PI scientifique. Le LPC2E assure la maî- trise d’œuvre du développement de la charge utile scientifique et d’une partie du Centre de Mission Scientifique TARANIS. Les responsable CNES du projet TARANIS est Christophe Bastien-Thiry.

Dans ce chapitre, nous allons présenter les objectifs scientifiques de la mission, les caractéris- tiques générales du satellite, son instrumentation. Finalement, nous proposerons une estimation des taux de détection et des flux de particules à attendre de l’instrument XGRE, compte tenu des connaissances actuelles sur les TGF.

III.1

Objectifs scientifiques

Les objectifs scientifiques principaux de TARANIS sont au nombre de trois :

— Comprendre les liens entre les TLE, les TGF et les conditions de l’environnement (acti- vité orageuse, activité géomagnétique, couplage atmosphère/ionosphère)

— Identifier toutes les signatures (beams d’électrons, champ électromagnétiques et électro- statiques) associées à ces phénomènes et fournir de nouvelles informations pour tester les différents mécanismes de génération possibles

— Fournir de nouvelles informations pour la modélisation des effets des TLE et TGF sur la physico-chimie de la haute atmosphère terrestre.