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Chapitre 7 Présentation et analyse des résultats

7.3 Résultats et réponses à nos hypothèses

Nous avions émis l'hypothèseque l'analyse au niveau du risque systématique est

inappropriée pour l'analyse des projets des entreprises privées. Ce type d’analyse a en effet été

développé dans le cadre de marchés théoriques parfaitement efficients et comportant des agents strictement rationnels, aux actifs parfaitement diversifiés. Or nos analyses montrent bien que dans un cadre d’investissements privés, faisant part d’un environnement partiellement inefficient comportant de potentielles asymétries informationnelles et des concentrations de positions (voir 7.1), le risque et la valeur perçue d’un investissement sont très dépendants du contexte

(distributions des rendements attendus, taille et rendements des actifs existants de l’investisseur, coût moyen pondéré de capital) et de l’aversion au risque de l’investisseur. L’idée que dans un tel contexte on puisse remplacer ces paramètres par une variable unique liée au risque

systématique d’un marché idéalisé, non mesurable (parce qu’inexistant) ne nous parait pas recommandable. D’autant plus que les diverses implémentations recommandées par les manuels

de finance80 nécessitent de nombreuses modifications et concessions à l’idée originelle justifiant

la validité du CAPM. Ces tentatives de création d’heuristiques générales ont sans doute permis de donner une direction, une piste de réflexion mais en aucun cas une réponse satisfaisante aux réalités des entreprises non cotées.

Nous avons de plus émis l'hypothèseque l'utilisation de la déviation standard comme

seule mesure de risque conduit à sous estimer les dangers liés à certains projets. Nos tests nous ont permis de confirmer comment la présence d’évènements négatifs extrêmes pouvait être ignorée par une analyse de la volatilité des rendements attendus. Or nous avons aussi montré que ceteris paribus et à l’exception d’une analyse conduite par des investisseurs n’exhibant aucune aversion au risque (Lambda=0), la valeur subjective d’un projet est bien négativement affectée par la présence de ces évènements extrêmes. La simple analyse de la déviation standard n’est donc pas suffisante pour prendre en compte ces éléments.

Notre hypothèse selon laquelle il est possible de prendre en compte ces facteurs de risque au travers d’un modèle incluant une fonction d’aversion au risque est elle-même bien confirmée par nos tests ce qui nous amène à notre dernière hypothèse : l’ajustement du taux

80 (Brealey & Myers, 2005), (Damodaran, 1997), (Lerner, Hardymon, & Leamon, Venture Capital & Private Equity, 2005)

d’actualisation des flux de trésorerie disponible en fonction de la perception de risques atypiques. Nos tests nous ont permis de comparer des projets générant des rendements attendus similaires mais exhibant des risques statistiques très différents. Or nous avons pu montrer que notre approche permet un ajustement de la valorisation de ces projets sans modification du taux d’actualisation. La conséquence la plus importante est qu’une entreprise peut utiliser son coût moyen pondéré de capital comme taux d’actualisation même lorsqu’elle fait fasse à un

investissement dont les caractéristiques de risque sortent du cadre habituel de ses activités. Cette dernière affirmation a des implications très importantes quand à l’évaluation de ce taux

d’actualisationet notamment à la portion consacrée au taux requis sur les fonds propres de

l’entreprise. Nous avançons quelques éléments de réflexion dans la conclusion de ce septième

chapitre avant de donner quelques pistes de recherche dans laconclusion finale de notre thèse.

7.3.1 Limites de l’analyse

Les résultats obtenus dans ce chapitre doivent être interprété et compris un cadre limité :

Premièrement le choix de notre fonction exponentielle permet de prendre en compte un biais d’aversion au risque en revanche il ne cherche pas à mettre en valeur d’autres biais

cognitifs documentés dans la littérature de la finance comportementale81. On pourrait s’étonner

de l’accent que nous avons mis sur le biais d’aversion au risque. On pourrait de plus souligner

qu’il existe des tendances humaines encourageant, dans des situations bien identifiées82, des

prises de risque irrationnelles, cependant, au vu des dynamiques des marchés financiers et des économies depuis 1997, nous argumentons que la finance a besoin d’outils permettant une plus

81 Pour une liste plus exhaustive des biais cognitifs et leur impact sur les décisions financières voir : (Barberis & Thaler, 2003)

82 Notamment dans les travaux avancés sur la « Prospect theory » (Tversky & Kahneman, 1992)

juste mise en valeur des risques, incitant à des comportements plus prudents et responsables et non d’outils encourageant des comportements naïfs de parieurs et autres joueurs de loterie.

Deuxièmement La manière dont nous avons, dans nos tests, traité les rendements des actifs non alloués au projet considéré est discutable. Dans un cas de figure plus réaliste l’analyse de la VAN subjective inclurait les rendements ou les distributions de rendement effectivement attendus pour ces actifs. L’évolution de la VAN subjective suivrait cependant les mêmes principes et le fond de notre analyse n’en serait pas changé.

Troisièmement, le choix et le nombre final des scénarios présentés est arbitraire. Bien que nous ayons pu tester de nombreux autres projets, ils ne nous ont pas paru contribuer à éclairer d’une manière significative ou nouvelle notre recherche. En effet les projets ont été créés spécifiquement afin d’illustrer clairement certaines dynamiques mais nous avons retrouvé ces même dynamiques dans des scénarios générés aléatoirement.

Enfin, nous n’avons qu’une preuve limitée du traitement statistique des scénarios d’un projet par les praticiens, en particulier dans le domaine du « Private Equity ». Son traitement académique semble indiquer que l’industrie se focalise sur la projection d’un scénario de base

agrémenté d’une analyse des sorties possibles83. La manière d’attribuer des probabilités à des

scénarios reste donc un sujet peu ou pas abordé en finance et c’est sans doute là l’une des difficultés majeures à surmonter : notre approche prend d’autant plus de sens que l’estimation des probabilités se rapproche de la structure des possibles résultats. Cependant, pour un environnement complexe donné seul le résultat final peut être observé, ce dernier étant sujet à des facteurs dépassant souvent le cadre d’une analyse prospective simple. L’intelligence

économique trouve ici tout son sens. Elle peut et doit donc jouer un rôle crucial dans la collecte

83 Voir les commentaires de Robert Bruner dans son livre «Applied Mergers and acquisitions» (Bruner, 2004, pp. 258-271) et ceux de Josh Lerner dans (Lerner & Willinge, Note on Valuation in Private Equity Settings, 1996)

et le traitement des informations nécessaire à l’élaboration de projections solides sans lesquelles toute modélisation reste vaine.