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Chapitre 5: Outils financiers et projets d'entreprises

5.2 La pertinence des outils d'analyse de la finance rationnelle pour les projets d'entreprise

5.2.1 Entreprises privées et asymétrie de l'information

La structure théorique de l'EMH est très utile pour comprendre certaines dynamiques des marchés financiers. Elle permet notamment de distinguer les marchés selon leur degré

d'intégration de l'information: Si les marchés aux enchères tels que les marchés boursiers semblent à priori se prêter aux conditions nécessaires pour un marché efficient, il n'en n'est pas de même pour les autres types de marchés décrits dans notre section 3.1.

Or rappelons que la grande majorité des entreprises sont des entreprises privées qui évoluent dans des environnements informationnels très différents de ceux décrits dans notre troisième chapitre. Que nous nous placions du point de vue de l'analyste financier cherchant à analyser les opérations d'une entreprise non cotée ou du point de vue des managers de cette entreprise essayant d'optimiser la structure de son capital, d'évaluer un nouveau projet, ou de conduire une analyse des forces et dynamiques compétitives d'un secteur, l'accès aux l'informations pertinentes est beaucoup plus restreint et la transmission de ces informations plus lente que dans les marchés financiers développés.

Dans des conditions de marchés faiblement efficients nous constatons que les agents économiques n'ont pas tous accès aux mêmes informations. C'est le cas de dirigeants

d'entreprises disposant d'informations privilégiées inaccessibles aux investisseurs externes et plus 120

généralement aux agents économiques extérieurs à l'entreprise (fournisseurs, clients,

compétiteurs, etc.). Nous retrouvons ce manque de visibilité dans le montage de projets innovant aux potentiels non prouvés. Cette asymétrie informationnelle reste l'un des problèmes

fondamentaux des managers et dirigeants. En finance, ce problème fait référence au manque de connaissance d'un agent économique et son incapacité à obtenir les informations pertinentes pour évaluer un bien, un projet ou une contrepartie. Celui-ci se trouve par conséquent dans

l'impossibilité de prendre une décision adéquate.

Certaines solutions réglementaires ont été développées. Ainsi les transactions de fusions ou acquisitions sont un exemple frappant des mesures mises en place pour lutter contre cette asymétrie de l'information. Une fois les intentions ou l'intérêt d'un acquéreur transmis à une compagnie ciblée, celle-ci, si intéressée par la transaction, devra ouvrir ses comptes au potentiel acquéreur, se prêter à une inspection détaillée de ses activités récentes, de sa stratégie et de ses perspectives. De plus, afin d'établir l'exactitude des informations transmises une série d'entretiens est organisée: c'est le processus de "Due diligence". A côté de leur mission de vérification, ces entretiens visent à alimenter le processus de valorisation ainsi que les négociations. De plus, ils cherchent à faire émerger les risques avérés et potentiels liés aux activités de l'entreprise et à la transaction elle-même.

Ces démarches d'intelligence prennent d'autant plus de sens pour les entreprises non cotées en bourse qu'il n'existe, dans la plupart des cas, aucun mécanisme de prix permettant de vérifier la valorisation théorique de l'entreprise ciblée. L'acquéreur doit donc se construire une vision la plus précise possible de sa cible et de son environnement afin de pouvoir prendre une décision. Des dynamiques similaires sont observées pour l'investissement dans des projets privés et/ou innovants où l'incertitude liée aux résultats futurs représente un défi permanent pour le

manager.L'asymétrie du niveau de l'information entre les acteurs économiques est donc un

problème fondamentalqui est influencé par la structure même des marchés. Nous affirmons que

l'intelligence économique s'inscrit dans la volonté de mieux maîtriser cette asymétrie. En cela

nous rejoignons Philippe Baumardqui dès 1991 souligne l'importance de l'activité de veille dans

des environnements concurrentiels sans circulation libre de l'information (Baumard, Stratégie et surveillance des environnements concurrentiels, 1991). Pour lui, l'information est source de compétition entre acteurs économiques. Notons cependant deux points:

Premièrement Baumard semble alors adhérer à une vision de l'environnement compétitif des entreprises où l'asymétrie de l'information est la règle. Nous défendons l'idée que même dans des environnements plus efficients, tels les marchés boursiers, le rôle de l'intelligence

économique reste fondamental.

Deuxièmement là où la théorie financière classique se focalise sur la réduction de cette asymétrie, Philippe Baumard envisage ses différentes dimensions, y compris son augmentation vis à vis des compétiteurs afin de préserver des avantages informationnels stratégiques tels que le savoir faire ou les innovations technologiques. Bien que la maîtrise informationnelle nous

paraisse un apport capital de l'intelligence économique, nous ne développons pas ce thème dans le cadre de nos travaux.

Les apports de la finance comportementale sur certaines questions liées à l'asymétrie informationnelle sont également importants: ainsi, une information qui serait partagée par "tous", ne serait pour autant ni perçue ni comprise de manière homogène. L'existence d'un marché où l'information serait parfaitement partagée et intégrée de manière homogène par l'ensemble des acteurs économiques semble au final très théorique voir illusoire. Les récents développements de la finance comportementale nous conduisent ainsi à remettre en cause une vision trop manichéiste des marchés pour préférer une vision relative et adaptative. Dans cette perspective nous nous penchons sur le cas des entreprises non cotées. Au travers de notre modèle nous soulevons une question certes délicate mais fondamentale:

Devons-nous utiliser les outils classiques d'analyse pour l'étude et le classement de projets d'entreprise, alors que ces outils ont été développés dans le cadre des marchés efficients? Afin de répondre à cette question nous avons émis une série d'hypothèses que nous avons inclue dans la construction de notre modèle dont les résultats sont présentés dans le chapitre 7.

5.2.2 Valorisation de projets. Rappel de l’approche recommandée par la finance