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4. Analyse genrée du rapport à l’engagement bénévole (Magalie Bacou)

4.1. L’analyse des micros-trottoirs de la phase 1

4.1.3. Résultats de l’analyse

L’analyse de l’ensemble des données recueillies a permis d’identifier des freins et des leviers favorables à l’engagement des femmes aux fonctions dirigeantes associatives. L’enquête par micro-trottoir a été précieuse pour saisir ce qui d’emblée constitue le premier obstacle à l’engagement des femmes, mais pas seulement.

Il s’agit de la méconnaissance du monde associatif, de son fonctionnement et de son organisation, de l’existence d’un bureau, d’un Conseil d’Administration, éventuellement d’adhérents, etc. Pourtant, afin de pouvoir s’engager dans une action ou un monde particulier, il est essentiel d’en connaître certaines caractéristiques ou du moins, d’avoir suffisamment de données permettant de s’y projeter et ainsi d’envisager cette éventualité. Considérant l’intériorisation des femmes d’une moindre compétence que les hommes pour exercer des fonctions dirigeantes et donc la sous-estimation de leurs compétences, liées à la socialisation sexuée, alors la méconnaissance du monde associatif pèsera davantage sur la décision des femmes que sur celles des hommes vis-à-vis d’un engagement éventuel dans cet univers. Nous verrons d’ailleurs avec l’analyse des entretiens, que les femmes bénévoles le sont majoritairement dans un secteur proche de leur secteur professionnel, faisant ainsi appel de manière plus assurée à des compétences similaires, à la différence des hommes.

L’association est toujours décrite en creux de l’entreprise. Globalement, on note donc une forte récurrence du vocabulaire de l’entreprise qui, accompagnant la diffusion de la logique marchande, a gagné ou contaminé tous les espaces sociaux.

L’analyse des registres lexicaux mobilisés pour exprimer les qualités nécessaires aux responsables bénévoles associatifs (présidence – trésorerie – secrétariat) ou préciser leurs rôles respectifs, montre que le monde de l’entreprise constitue une référence forte. Par

exemple, voici quelques termes redondants autant dans les discours des femmes que des hommes :

Management ou compétences en management – Diriger - Gérer situations de conflits ou compétences en gestion de ressources humaines - Chef - Fédérer

De plus, l’analyse sexuée de l’usage de ce registre lexical montre que les hommes y ont davantage recourt que les femmes ; en particulier lorsqu’il s’agit d’exprimer les qualités nécessaires à la présidence d’une association.

De surcroît, dans une moindre mesure, femmes et hommes font explicitement référence au monde de l’entreprise :

Soit pour dire en quoi le fonctionnement associatif diffère ; autrement dit pour distinguer ces deux mondes a priori antagonistes :

« Si management autoritaire dans asso, c’est quand même différent du privé ou entreprise (…) Plus d'intérêt porté aux membres »

« L’asso n’est pas là pour gagner de l'argent mais pour donner, aider les gens »

(...) Soit pour préciser en quoi le monde associatif devrait différer de celui de l’entreprise ou en quoi il lui est similaire avec parfois l’idée qu’il devrait s’en distinguer.

« Car c'est comme une entreprise »

« Si salarié.e.s dans l’association, alors c’est proche des entreprises ».

Donc on observe une tendance à une définition ou une description en creux, des responsables associatifs et du monde associatif en général qui illustre le déficit de connaissance, une méconnaissance de cet univers.

Que l’on s’intéresse au registre des valeurs ou à celui plus restreint de l’engagement, ce sont majoritairement dans les discours des femmes qu’ils sont les plus étendus. A l’inverse, nous avons vu que les hommes mobilisent dans leurs discours un éventail plus large de termes issus du monde de l’entreprise.

En définitive, il n’y a pas de prédominance du discours issu du monde de l’entreprise chez l’ensemble des enquêté.e.s car il est aussi présent que celui lié aux valeurs. Ce qui n’en demeure pas moins intéressant dans la mesure où c’est du monde associatif dont il est question. (Il est probable que le même micro-trottoir réalisé sur les entreprises ferait moins de place au monde associatif).

Enfin, il est notable que les discours des hommes sont davantage axés sur les structures, leur organisation, leur moyens ; tandis que ceux des femmes sont plus orientés sur les finalités de l’action, la cause, la militance, les valeurs.

Hypothèse : Conscience individuelle plus forte chez les hommes, tandis que la conscience collective est plus forte chez les femmes. Ce qui pourrait corroborer une motivation pour la responsabilité bénévole davantage utilitariste chez les hommes.

Nous avons analysé les discours relatifs aux qualités nécessaires pour assurer la présidence d’une association selon le sexe des enquêté.e.s.

Les qualités citées neutres du point de vue du genre sont les plus nombreuses, en particulier parmi les qualités énoncées par les femmes enquêtées. Très peu de qualités assimilées au pôle féminin sont présentées comme nécessaires pour présider une association. Ainsi, femmes et hommes font référence à 4 qualités : 2 identiques et 2 similaires.

Femmes Hommes Patience À l’écoute Empathie Don de soi Patience Écoute Sens de l’humain Générosité

En revanche, les hommes citent bien davantage que les femmes des qualités perçues comme masculines.

Courage – Initiative - capable de fédérer (leader) - Être élu - Guide - être capable de faire abstraction de ses problèmes [l’inverse = stéréotype sur les femmes] - manageur - juste dans sa dureté - charisme - Avoir de la poigne - Avoir confiance en soi - Avoir des couilles -Ne laisse pas trop de place à ses émotions [l’inverse = stéréotype sur les femmes]

Les femmes enquêtées utilisent le masculin « neutre » dans une plus grande proportion que les hommes. L’usage de ce dernier, par contre, n’a rien de neutre dans ses effets, dans le sens où il agit sur les représentations et la capacité à se projeter selon son sexe d’appartenance et le degré d’intériorisation du genre correspondant dans l’action envisagée.

L’autorité est la seule qualité citée par les femmes à être, dans les représentations collectives, clairement assimilée au pôle masculin. On peut aussi ajouter la capacité à parler en public que

développent plus facilement les hommes qui se sentent plus légitimes que les femmes dans l’espace public (Kergoat, 2005). Ce qui frappe donc c’est l’usage de ce masculin neutre dans les discours des femmes. En revanche, du côté des hommes, parmi les qualités nécessaires pour présider une association, les qualités prétendument réservées aux hommes sont plus nombreuses que l’usage du masculin neutre. De plus, on note l’usage d’expressions faisant référence à l’anatomie masculine (« couilles », « poigne »).

Les discours des femmes font plus que ceux des hommes référence à la nécessité de détenir des connaissances pour présider une association. Autrement dit, globalement, les femmes ont tendance à considérer que les conditions requises pour présider une association sont plus nombreuses qu’elles ne le sont d’après les hommes.

À l’issue de l’analyse de l’enquête micro-trottoir, nous avons formulé de nouvelles hypothèses :