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Nous décrivons ici les résultats expérimentaux obtenus sur la photoluminescence des nanotubes de carbone (les échantillons sont ceux de la figure 2.11 (a)). L’objectif de cette section est de montrer que nous sommes capable, expérimentalement, de détecter la PL provenant de nanotubes uniques ; cela nous amènera à discuter de nos critères permettant d’estimer l’unicité de l’émetteur.

Pour cela, nous présentons d’abord les spectres de photoluminescence provenant d’un ensemble de nanotubes de carbone (2.3.1) ; ceci nous permet de déterminer les largeurs des raies d’émission provenant d’un grand nombre de nanotubes.

Ceci nous permet, dans un second temps, de présenter la photoluminescence issue de nanotubes de carbone uniques (2.3.2) ; nous insisterons en particulier sur l’affine-ment des largeurs des raies d’émission sur nanotube unique en comparaisons à celle déterminées dans la section 2.3.1 sur un ensemble.

Dans toute cette partie 2.3 la lumière excitatrice est le laser continu He-Ne polarisée rectilignement, la température est la température ambiante et les échantillons sont ceux présentés figure 2.11 (a).

2.3.1 Spectre de photoluminescence d’un ensemble de

na-notubes de carbone

Comme nous l’avons vu dans la section 2.1.3.4 traitant de la photoluminescence des nanotubes de carbone, nous excitons les nanotubes semi-conducteurs sur la tran-sition S22tandis que nous détectons la photoluminescence provenant de la transition S11. En focalisant le laser He-Ne (énergie 1, 96 eV) sur une zone avec une grande den-sité de nanotubes, on peut ainsi obtenir un spectre de photoluminescence provenant d’un nombre important de nanotubes ayant une énergie de transition S22 '1, 96 eV. Ce type de spectre est présenté figure 2.12.

1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 Intensité de PL (U.A.) 1.2 1.1 1.0 0.9 Energie (eV) (9,7) (8,7) (8,6) (7,6) (7,5)

Figure 2.12 – Spectre de photoluminescence d’un ensemble de nanotubes de car-bone à température ambiante et en excitation par un laser He-Ne (1,96 eV) polarisé rectilignement. Le trait plein rouge est le spectre expérimental ; le trait en poin-tillé bleu est un ajustement par une somme de cinq fonctions lorentziennes centrées sur chacun des pics de photoluminescence (les paramètres d’ajustement sont donnés table 2.1). Les chiralités des nanotubes semi-conducteurs sont indiquées en vert et sont identifiées d’après [264,265].

(1) (2) (3) (4) (5)

E (eV) 0, 902 ±

0, 005 0, 976 ±0, 004 1, 046 ±0, 003 1, 103 ±0, 003 1, 196 ±0, 004

∆E (meV) 21 ± 2 29 ± 2 26 ± 2 32 ± 3 29 ± 2

Q 43 ± 4 34 ± 3 40 ± 4 34 ± 3 41 ± 4

Table 2.1 – Énergie de résonance et demi-largeur à mi-hauteur des cinq pics de photoluminescence du graphique de la figure 2.12. Ces valeurs ont été obtenues par un ajustement de la forme suivante : I(E) = P5

i=0 I0,i 1+4  E−Ei ∆Ei

2. I0,i est l’intensité maximale du pic, ∆Ei est la largeur à mi-hauteur et Ei est l’énergie des photons émis par photoluminescence.

On constate la présence de cinq pics de photoluminescence correspondant à des transitions S11 de nanotubes semi-conducteurs de chiralités différentes. De plus, les spectres étant mesurés à température ambiante, chacun des pics a une largeur assez importante de typiquement 27 meV (voir table 2.1) et un facteur de qualité Q = E

∆E

de l’ordre de 40. Ces largeurs sont obtenues par un ajustement par une somme de cinq fonctions lorentziennes (voir figure 2.1) ; l’ajustement étant convenable, on en déduit que l’élargissement inhomogène n’est pas très important et qu’à température

ambiante l’élargissement homogène domine.

Par ailleurs, en comparant ce spectre de PL aux énergies de transition S11 du "Kataura-plot" (voir section 2.1.3.4 figure 2.8) on peut estimer les chiralités des nanotubes semi-conducteurs qui participent à la PL pour une énergie d’excitation donnée (ici une excitation par un laser He-Ne à 1, 96 eV). Les chiralités sont iden-tifiées figure 2.12 d’après les références [264, 265] (qui utilisent la même source de nanotubes) ; on constate qu’il y a 5 chiralités différentes qui contribuent à notre spectre de photoluminescence. Cependant, dans notre cas, l’énergie d’excitation étant fixée (1, 96 eV), seuls les nanotubes semi-conducteurs ayant une transition S22 ' 1, 96 eV peuvent participer à la PL. Il peut donc y avoir beaucoup d’autres nanotubes semi-conducteurs présents dans l’échantillon mais qui ne luminescent pas sous une excitation à 1, 96 eV.

Afin d’identifier les chiralités de nanotubes semi-conducteurs présents dans l’échan-tillon, il faut mesurer des spectres de PL en changeant l’énergie d’excitation afin de sonder toutes les chiralités possibles. Une telle étude s’appelle une étude d’excita-tion de photoluminescence (notée PLE pour "Photoluminescence excitad’excita-tion" dans la suite). On peut alors établir une carte représentant l’intensité émise avec en ordonnée l’énergie du photon émis et en abscisse l’énergie du photon incident ; en comparant cette carte avec les données du "Kataura-plot" il est alors possible d’identifier les na-notubes semi-conducteurs présents. Nous n’avons pas eu au cours de cette thèse, la possibilité de réaliser une telle étude de PLE sur nos échantillons de nanotubes. On peut tout de même illustrer nos propos par les travaux de Fabien Vialla lors de sa thèse en présentant une carte de PLE d’un échantillon de nanotubes de carbone [266] (voir figure 2.13).

Figure 2.13 – Carte de PLE complète mettant en évidence les couples (S11, S22) des différentes espèces chirales de nanotubes de carbone (d’après [266]).

2.3.2 Vers l’étude du nanotube de carbone individuel

Il est relativement aisé d’observer la PL provenant d’un ensemble de nanotubes de carbone. Cependant du point de vue des applications (émetteur de photons uniques, imagerie biologique, capteur biologique, etc), il est nécessaire d’atteindre le régime du nanotube unique.

Un des objectifs de cette thèse était donc d’étudier les propriétés de PL de nanotubes de carbone individuels afin de déterminer les applications optiques réalisables à base de nanotubes de carbone individuels. Nous avons donc étudié la photoluminescence de chacun des échantillons présentés figure 2.11 (a).

L’unicité d’un émetteur de lumière se démontre expérimentalement par des mesures de corrélation d’intensité afin de mettre en évidence un antibunching (la première mise en évidence sur des nanotubes de carbone date de 2008 [267]). Lors de nos mesures de PL de nanotubes de carbone, nous n’avions pas le matériel nécessaire pour réaliser de telles mesures qui de plus sont très difficiles à réaliser de par la gamme spectrale (proche infrarouge) et le niveau de signal émis par les nanotubes. Il existe cependant d’autres critères permettant d’identifier l’unicité d’un émetteur ; ci-dessous, nous décrivons les critères que nous avons utilisés pour localiser des na-notubes de carbone uniques puis nous présentons les spectres typiques obtenus sur nanotube de carbone unique.

Pour trouver une zone de l’échantillon avec un unique nanotube de carbone semi-conducteur, nous utilisons notre montage de microscopie confocale (décrit section 2.2.1) pour nous déplacer à la surface de l’échantillon. Nous cherchons alors des zones sur l’échantillon décrit section 2.2.2 qui présentent un spectre de PL avec les caractéristiques suivantes :

(i) Un seul pic de PL (puisque s’il n’y a qu’un seul nanotube il n’y a qu’une seule chiralité et donc une seule transition S11).

(ii) Une largeur à mi-hauteur plus faible que sur les spectres d’ensemble. (iii) L’intensité de PL doit varier avec la polarisation incidente : pour une

po-larisation parallèle à l’axe du tube, le signal doit être maximum tandis que pour une polarisation perpendiculaire à l’axe du tube, le signal doit être mi-nimum. En pratique, ce troisième point est le plus compliqué à vérifier car le signal de PL étant faible il faut intégrer longtemps au spectromètre (typique-ment t > 60 s pour avoir un bon rapport signal sur bruit) afin de minimiser les incertitudes ; mais le signal étant très localisé spatialement il faut vérifier qu’il n’y a pas eu de dérive thermique de l’échantillon ou du miroir pivotant entre deux mesures. En pratique, lors de cette thèse, je vérifiais rapidement la dépendance en polarisation sur un spectre ne présentant qu’un seul pic de PL ; plus explicitement, je vérifiais que l’ordre de grandeur de l’extinction était au moins d’un facteur 5 en changeant la polarisation incidente et en observant l’évolution du spectre de PL.

Lorsque ces trois critères sont vérifiés sur une zone de l’échantillon, on obtient les spectres typiques représentés figure 2.14. On remarque que les spectres de nanotubes individuels sont affinés par rapport au spectre provenant d’un ensemble : le facteur de qualité Q = E

∆E qui était compris entre 30 et 45 pour les spectres d’ensemble est plutôt entre 45 et 65 sur nanotube unique. Les raies d’émission sont plus larges sur un ensemble de nanotubes que sur nanotubes uniques de par l’élargissement inhomogène du spectre provenant d’un ensemble de nanotubes. Il est à noter que l’intensité de PL provenant d’un tube unique est bien plus faible que celle provenant d’un ensemble : selon le nombre de nanotubes présents dans l’ensemble il peut y avoir facilement un rapport 100 entre l’intensité provenant d’un ensemble de nanotubes et celle provenant d’un nanotube unique ; cela complique grandement l’étude de la PL d’un nanotube unique puisqu’en pratique, avec notre montage expérimental, la PL d’un nanotube unique se révèle être proche de la limite de détection.

250 200 150 100 50 0 Intensité de PL (A.U.) 1.2 1.1 1.0 0.9 Energie (eV) 200 150 100 50 0 1.2 1.1 1.0 0.9 Energie (eV) CNT individuel Ensemble de CNT CNT individuel Ensemble de CNT

Figure 2.14 – Spectres de photoluminescence de deux nanotubes de carbone uniques à température ambiante et en excitation polarisée rectilignement. Les na-notubes sont déposés directement sur un substrat d’or (voir figure 2.11 (a)). Les traits pleins rouges sont les spectres expérimentaux. Les traits en pointillé bleu sont le spectre provenant d’un ensemble de nanotubes déjà présenté figure 2.12 (a). Les spectres d’ensemble ont été renormalisés pour pouvoir comparer les lar-geurs des pics. Caractéristiques du spectre rouge à gauche : E = 1, 046 ± 0, 004 eV, ∆E = 23 ± 3 meV et Q = E/∆E = 45 ± 6. Caractéristiques du spectre rouge à droite : E = 1, 189 ± 0, 002 eV, ∆E = 18 ± 2 meV et Q = E/∆E = 66 ± 7.

Nous sommes donc capables de détecter la PL provenant de nanotubes indivi-duels. Cependant, à cause du faible rendement radiatif des nanotubes, le signal de PL est proche de la limite de détection de notre montage. En l’état, ceci limite les applications des nanotubes en tant qu’émetteur de photons uniques. Afin de pallier

à ce faible rendement raditif et pouvoir rendre réalisable des applications optiques, il faut exalter la PL des nanotubes de carbone. C’est ce que nous décrivons dans la section suivante.

2.4 Exaltation de la photoluminescence des