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3.3 Résultats expérimentaux sur un ensemble de centres G

3.3.2 Caractérisation optique de centres G

Dans cette sous-section nous présentons quelques résultats fondamentaux per-mettant l’étude des propriétés optiques des centres G. Nous abordons : (i) l’inten-sité de photoluminescence en fonction de la dose de protons (section 3.3.2.1), (ii) le spectre de photoluminescence (section 3.3.2.2) et (iii) une étude d’excitation de la photoluminescence (section 3.3.2.3).

3.3.2.1 Intensité de photoluminescence

De par la procédure de fabrication des échantillons (section 3.2.2) et la structure microscopique du centre G (section 3.1), on peut qualitativement s’attendre à ce que pour une densité en carbones donnée la densité de centres G créés augmente avec le densité de l’implantation protons. Afin de confirmer cette prédiction qualitative nous avons étudié la PL provenant d’un échantillon implanté à 2 · 1014 C · cm−2

et présentant cinq zones implantées protons avec des densités variant entre 0, 3 et 9, 0 · 1014 H+· cm−2. De plus cette étude nous permettra d’évaluer la dépendance de l’intensité de PL avec la densité de protons : cette dépendance est-elle linéaire ? sous linéaire ? présente-t-elle une saturation à haute densité ? Les résultats de cette étude sont présentés figure 3.8. On remarque d’abord sur la figure 3.8 (a) que l’im-plantation protons induit un signal de photoluminescence intense ; au centre de la zone implantée protons, l’intensité de PL est plus de 1000 fois plus importante que le niveau de bruit (ce niveau de bruit pouvant être estimé en se plaçant très loin des zones implantées protons). Par ailleurs, la figure 3.8 (b), sur laquelle est représentée en échelle logarithmique l’intensité de photoluminescence en fonction de la densité en protons, confirme que plus la densité en protons est élevée et plus la densité en centres G est élevée. De manière plus quantitative, cette dépendance paraît être sur-linéaire puisque l’intensité de PL augmente suivant une loi de puissance d’exposant 1, 25 ± 0, 05. Ce comportement non-linéaire est peut être issu de la nature complexe du défaut (voir section 3.1) et a déjà été mis en évidence dans la litérature [333].

On fait remarquer qu’avant la mise en place des photodiodes à avalanche, une carte comme celle présentée figure 3.8 (a) (qui fait tout de même 200 × 200 pixels soit 40000 points) n’aurait pas été réalisable en un temps raisonnable (c’est-à-dire en moins d’une heure environ). Le fait d’intégrer le signal sur toute la plage dispo-nible change considérablement la donne en fournissant des cartes avec une grande résolution spatiale (même si cela fait perdre l’information spectrale). Une fois une zone intéressante détectée par les APD il est alors possible de passer aux méthodes fournissant l’information spectrale ; c’est ce que nous faisons ci-après en mesurant le spectre de PL des centres G.

100 50 0 Distance (µm) 100 50 0 Distance (µm) 103 104 Intensité (U.A.) 0.1 1 10 Intensité (U.A.) 1013 1014 1015 Densité en proton (/cm²)

(a) (b)

Figure 3.8 – (a) Balayage de la zone contenant le carré implanté en protons avec une densité de 9, 0 · 1014 H+· cm−2; sur la droite on devine le carré implanté avec une densité de 3, 0 · 1014H+· cm−2. L’intensité est ici intégrée par la photodiode à avalanche entre 1, 0 µm et 1, 7 µm. (b) Intensité de photoluminescence en fonction de la densité en protons. Pour (a) et (b) les mesures sont réalisées à 10 K et l’excitation est réalisée par un laser Nd-YAG continu doublé en fréquence (532 nm).

3.3.2.2 Spectre de photoluminescence

En utilisant le spectromètre avec la plus grande résolution spectrale (c’est-à-dire avec le réseau le plus dispersif) (voir figure 3.6), nous avons mesuré le spectre de PL provenant d’un ensemble de centres G. Le spectre présenté a été mesuré au centre du carré implanté protons avec une densité de 9, 0 · 1014H+· cm−2 (voir figure 3.8 (a)) ; la température est de 10 K et l’excitation est réalisée par un laser continu vert à 532 nm. Ce spectre est présenté figure 3.9 en échelle linéaire (a) et en échelle semi-logarithmique (b).

On remarque :

— La présence d’une émission fine (largeur à mi-hauteur de ∼ 0, 3 meV) et in-tense centrée sur l’énergie 969 meV (facteur de qualité Q ∼ 3 · 103). Cette raie provient de l’émission des centres G sans aucune émission de phonon ; c’est pourquoi dans la suite on appellera cette raie spectrale la "raie à zéro phonon" ou plutôt l’appellation anglaise "zero phonon line=ZPL". Nous pro-poserons une étude de cette ZPL avec la température (énergie d’émission et largeur à mi-hauteur) dans la section 3.3.6.

— À plus basse énergie on observe aussi une composante bien plus large spectra-lement que la ZPL et qui est due à la recombinaison radiative d’un centre G

1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 Intensité de PL (U.A.) 0.95 0.90 0.85 0.80 Energie (eV) 0.95 0.90 0.85 0.80 Energie (eV) 0.01 0.1 1 Intensité de PL (U.A.)

(a) (b)

Figure 3.9 – (a) Spectre de photoluminescence d’un ensemble de centres G en échelle linéaire. (b) Spectre de photoluminescence d’un ensemble de centres G en échelle semi-logarithmique. Pour (a) et (b) les mesures sont réalisées au centre du carré présenté en figure 3.8 (a) à 10 K et l’excitation est réalisée par un laser Nd-YAG continu doublé en fréquence (532 nm).

impliquant un ou plusieurs phonons ; c’est pourquoi dans la suite on appellera cette bande spectrale la "bande latérale de phonons" (ou "phonon sideband" en anglais). L’intensité intégrée sur toute la plage spectrale de la bande la-térale de phonons se révèle être plus de 5 fois plus intense que l’intensité intégrée sur la raie à zéro phonon ; cela se révélera un élément déterminant dans l’étude des centres G uniques. Nous reviendrons plus précisément sur cette autre composante du spectre en section 3.3.5.

3.3.2.3 Excitation de la photoluminescence

Bien que des mesures de spectroscopie d’absorption aient été réalisées sur les centres G [127], il n’y avait à notre connaissance aucune étude d’excitation de pho-toluminescence (notée PLE pour "Phopho-toluminescence excitation" dans la suite) réa-lisée sur les centres G. Une étude de PLE renseigne sur les dynamiques d’absorption et de désexcitation d’un émetteur (alors qu’une étude de spectroscopie d’absorp-tion ne renseigne que sur l’absorpd’absorp-tion). Ainsi l’étude de PLE permet de savoir pour quelle énergie d’excitation le signal de PL est maximum (à puissance d’excitation constante évidemment) ; ceci s’avère d’une importance particulière dès lors que l’on cherche à étudier des signaux peu intenses (comme ceux provenant de centres G

uniques par exemple).

Le principe d’une PLE est simple : cela consiste à étudier le signal de PL en chan-geant la longueur d’onde d’excitation. En pratique cependant, cela exige du matériel très spécifique et coûteux comme un laser accordable en longueur d’onde ou bien un super continuum. N’ayant pas un tel matériel à disposition, j’ai eu la chance de pouvoir utiliser le dispositif expérimental de PLE de l’équipe de Christophe Voisin au laboratoire Pierre Aigrain. Il a alors été possible de réaliser une étude de PLE à 10 K sur la plage 400 nm − 1 µm en utilisant (i) un supercontinuum associé à un filtre pour la plage 400 − 700 nm et (ii) un laser titane-saphir accordable pour la plage 600 − 1000 nm.

0.1 1 10

Intensité de PLE (U.A.)

400 600 800 1000 1200 1400 1600 Longueur d'onde (nm) 3.0 2.0 1.0 Energie (eV) 2 1 0 Intensité de PL (U.A.) 632 nm 532 nm 1,17 eV

Figure 3.10 – Intensité de photoluminescence à 969 meV en fonction de l’énergie d’excitation (disques rouges) pour un même ensemble de centres G dans le silicium à 10 K et une puissance d’excitation constante de 10 kW · cm−2 (puissance située dans le domaine linéaire d’excitation) ; la représentation est semi-logarithmique et l’échelle est donnée en rouge à droite. Le spectre de PL est rappelé en bleu avec la ZPL à 969 meV qui est indiquée par une flèche pointillée noire ; la représentation est linéaire et l’échelle est donnée en bleu à gauche. En ligne pointillée noire est indiqué le gap du silicium à 10 K. Les deux excitations principalement utilisées (laser Nd-YAG doublé en fréquence et laser He-Ne) durant ma thèse sont indiquées en lignes pointillés rouge et verte.

L’étude de PLE sur un ensemble de centres G à 10 K est représentée figure 3.10. Pour cette étude, la puissance d’excitation était maintenue constante à 10 kW · cm−2;

cette puissance se situe dans le régime linéaire d’excitation (voir section 3.3.3 pour plus de détails sur la saturation). On remarque que le signal de PL augmente d’un facteur 1000 en augmentant l’énergie de 1, 2 à 3, 0 eV. Le gap du silicium est indirect (ce qui constitue le "drame" du silicium pour les applications optiques comme nous l’avions évoqué dans l’introduction) et a pour valeur 1, 17 eVà 10 K. La gamme d’ex-citation que nous avons explorée correspond donc à une exd’ex-citation non résonante au dessus du gap. Dans ce cas la désexcitation consiste en une relaxation non radia-tive des porteurs de charges aux extremums des bandes de valence et de conduction du silicium, suivie d’une capture par les centres G. Ainsi comme dans notre étude l’énergie d’excitation reste supérieure au gap du silicium, notre spectre de PLE re-produit essentiellement le spectre d’absorption de films fins de silicium [342]. Il était cependant nécessaire de s’assurer qu’il n’y ait pas de phénomènes complexes (cap-ture par d’autres défauts, ou existence d’un canal de désexcitation non radiatif à haute énergie d’excitation par exemple) aboutissant à un minimum de PL pour une des énergies d’excitation que nous utilisions (laser Nd-YAG doublé en fréquence et laser He-Ne).

Finalement cette étude nous montre qu’il est acceptable de travailler avec une ex-citation par un laser Nd-YAG doublé en fréquence (ou bien par laser He-Ne) ; c’est donc ce qui a été réalisé dans cette thèse.