• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Vision zéro-sum des relations de genre dans le contexte éducatif

I. Etude princeps n°0 Le collège comme un jeu zéro-sum entre les filles et les garçons : différences de

I.2. Résultats

En raison du pourcentage important de données manquantes sur cette variable (environ 20% de l’échantillon), le statut socio-économique des participant.e.s n’a pas pu être inclus dans le modèle de régression. Afin de contrôler l’origine sociale de nos participant.e.s, nous avons choisi d’utiliser une autre variable, le type d’établissement (public vs. privé), pour laquelle nous disposions d’information pour l’ensemble de l’échantillon. Notre échantillon regroupe des élèves issus de quatre collèges différents de l’Académie de Clermont-Ferrand dont trois collèges publics (représentant 16% de l’échantillon) et un collège privé. En France, les établissements scolaires privés rassemblent généralement des élèves issus de familles plus aisées que les établissements publics (DEPP, 2018b). Cela est notamment lié au fait que ces établissements privés, contrairement aux établissements publics, demandent aux familles une contribution aux frais de scolarité dont le montant est variable.

Croyances zéro-sum interindividuelles. Les résidus n’étant pas normalement distribués, nous avons réalisé des analyses de régression avec la technique du bootstrap (basées sur 5000 échantillons). Le genre des participant.e.s (codé -0.5 pour les garçons et 0.5 pour les filles), le niveau

62

scolaire (codé -0.5 pour la classe de cinquième, 0.5 pour la classe de quatrième), le type d’établissement (codé -0.5 pour les établissements publics et 0.5 pour l’établissement privé) et leurs interactions sont entrés comme prédicteurs dans le modèle. Les analyses mettent en évidence uniquement un effet du type d’établissement dans le sens où les élèves scolarisés dans un établissement privé (M = 2.32, ET = 1.24) ont plus tendance que les élèves issus d’un établissement public (M = 2.07, ET = 0.79) à penser qu’il existe une compétition de type zéro-sum entre les élèves, B = 0.32, ES = 0.17, BCa 95% IC [0, 0.63], p = .05.

Contrôle des manipulations. Les réponses à l’item portant sur la réussite des garçons ont été soustraites aux réponses à l’item concernant la réussite des filles, permettant ainsi de créer une nouvelle variable pour laquelle plus les scores sont élevés, plus les participant.e.s pensent que les filles réussissent mieux que les garçons à l’école. Un score de zéro indique une absence de différence perçue entre filles et garçons. Afin de contrôler l’efficacité de notre manipulation expérimentale du contexte, nous avons réalisé une ANOVA sur cette nouvelle variable incluant comme facteur le genre des participant.e.s (fille vs. garçon) et le type d’induction (réussite des filles vs. contrôle vs. réussite des garçons). Nous avons également contrôlé l’effet du niveau scolaire et du type d’établissement. Les résultats mettent en évidence un effet de l’induction, F(2,204) = 7.95,

p < .001, η2

p = .072. En accord avec nos inductions, les participant.e.s confronté.e.s à un contexte de meilleure réussite scolaire des filles (M = 0.89, ES = 0.25) ont plus tendance à penser que les filles réussissent mieux que les garçons au baccalauréat que les participant.e.s de la condition de contrôle (M = 0.32, ES = 0.21), p = .045, ou ceux et celles exposé.e.s à un contexte de meilleure réussite scolaire des garçons (M = -0.41, ES = 0.22), p < .0013. L’interaction entre le genre et le type d’induction n’étant pas significative, p > .10, ns, les résultats suggèrent que les filles et les garçons n’ont pas réagi différemment à notre manipulation du contexte. Des analyses complémentaires ont été réalisées afin de comparer la perception de la réussite des filles et celle des garçons pour chacune des conditions. Lorsque la réussite scolaire des garçons est mise en avant, les participant.e.s ne rapportent pas de différences entre la réussite scolaire des filles (M = 3.84, ET = 1.34) et celle des garçons (M = 4.08, ET = 1.19), t(73) = –1.45, p > .10, ns. Dans le contexte de réussite des filles (Mfilles = 4.44, ET = 1.51; Mgarçons = 3.64, ET = 1.13), ainsi que dans la condition de contrôle (Mfilles= 3.70, ET= 1.66; Mgarçons = 3.42, ET = 1.47), les participant.e.s évaluent les filles comme réussissant mieux que les garçons à l’école, tRF(71) = 4.14, p < .001, tcontrôle(76) = 2.45, p = .02. Les résultats de la condition de contrôle suggèrent donc que les participant.e.s croient spontanément en une supériorité académique des filles.

63 Croyances zéro-sum de genre dans le contexte scolaire. Nous avons conduit des analyses de régression avec pour prédicteurs deux variables de contraste (permettant de comparer les différents contextes), le genre des participant.e.s (codé -0.5 pour les garçons, 0.5 pour les filles), leur niveau scolaire (codé -0.5 pour la classe de cinquième, 0.5 pour la classe de quatrième), le type d’établissement (codé -0.5 pour les établissements publics et 0.5 pour l’établissement privé) et leurs interactions. Afin de tester notre hypothèse concernant l’effet des différents contextes, nous avons créé deux variables de contraste. Notre contraste d’intérêt est le contraste C1 qui permet de comparer le contexte de supériorité de l’exogroupe (codé 2) aux deux autres, à savoir le contexte de supériorité de l’endogroupe et la condition de contrôle contextes (chacun codé -1). Le contraste C2 compare le contexte de supériorité de l’endogroupe (codé -1) et la condition de contrôle (codée 1). En raison du faible nombre de participant.e.s dans certains sous-groupes (e.g., les filles scolarisées en classe de cinquième dans un établissement public sont sept), l’ensemble des interactions entre les prédicteurs n’a pu être inclus dans le modèle. Nous avons alors décidé d’intégrer seulement les interactions de premier ordre. Les résultats mettent tout d’abord en évidence un effet d’interaction significatif entre le genre et le contraste C1, B = -0.32, ES = 0.11, BCa 95% IC [-0.55, -0.12], p = .003 (cf. Figure 2). En accord avec notre hypothèse, les garçons adhèrent plus fortement aux croyances zéro-sum dans un contexte menaçant pour leur groupe (M = 2.75, ET = 1.18) par rapport à un contexte peu menaçant (M = 1.99, ET = 0.88) ou à une condition de contrôle (M = 2.33, ET = 1.16), B = -0.19, ES = 0.10, BCa 95% IC [0.02, 0.40], p = .04. Le contexte ne semble en revanche avoir aucun effet significatif sur les croyances des filles, p > .10, ns. De même, les analyses ne mettent en évidence aucun effet significatif du contraste C2, p > .10, ns. Les analyses montrent en revanche un effet du niveau scolaire dans le sens où les élèves de cinquième (M = 2.46, ET = 1.20) adhèrent plus fortement aux croyances zéro-sum de genre concernant l’école que les élèves de quatrième (M = 2.14, ET = 0.93), B = -0.61, ES = 0.24, BCa 95% IC [–1.11, –0.16], p = .006. Afin de nous assurer que l’effet du contexte mis en évidence auprès des garçons ne repose pas sur la perception d’une compétition interindividuelle plutôt qu’intergenre, nous avons réalisé de nouvelles analyses en ajoutant au modèle le niveau d’adhésion aux croyances zéro-sum interindividuelles et ses interactions avec les différents prédicteurs. Si l’adhésion aux croyances zéro-sum interindividuelles a bien un effet sur l’adhésion aux croyances zéro-sum de genre (B = 0.51, SE = 0.13, BCa 95% CI [0.24, 0.75], p < .001), les effets décrits précédemment restent significatifs (voir Sicard & Martinot, 2018). Cela suggère que ces effets ne sont pas liés à la perception d’une compétition entre élèves, indépendamment de leur genre.

64

Figure 2. Adhésion aux croyances zéro-sum selon le contexte et le genre des participant.e.s (étude princeps). Les barres d’erreur représentent les erreurs standards.