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Chapitre 3 : Vision zéro-sum des relations de genre dans le contexte éducatif

III. Etude 2 Croyances zéro-sum et buts d’accomplissement

III.3. Discussion de l’étude 2

Dans le cadre de l’étude 2, nous avons mis en place auprès d’un échantillon d’étudiant.e.s à l’université une procédure en partie similaire à celle des études n° 0 et 1 avec deux objectifs. Notre premier objectif était d’examiner l’effet du contexte sur l’adhésion des étudiant.e.s aux croyances zéro-sum afin de déterminer qui des filles ou des garçons seraient le plus influencé.e.s par la nature du contexte académique. Les résultats des études précédentes nous ont amenées à formuler deux hypothèses alternatives. La première hypothèse était que, conformément à l’argumentation théorique présentée dans le chapitre 2 et les résultats de l’étude n°0, les étudiants (par opposition aux étudiantes) auraient tendance à adhérer plus fortement aux croyances zéro- sum dans un contexte menaçant de réussite académique des filles par rapport à un contexte peu menaçant de réussite des garçons ou à une condition de contrôle. Néanmoins, les résultats obtenus dans le cadre de l’étude 1 nous ont amenées à formuler une seconde hypothèse, postulant un effet simple du contexte auprès des étudiantes plutôt que des étudiants. Ainsi, les étudiantes auraient plus tendance à penser que les relations de genre dans le domaine académique fonctionnent comme un jeu zéro-sum dans un contexte menaçant mettant en avant la réussite académique des garçons par rapport aux deux autres contextes. Le contexte aurait alors moins d’impact sur les croyances des garçons. A travers ces hypothèses alternatives, cette étude avait donc également pour objectif d’explorer la possibilité d’une évolution du statut académique des filles entre le collège et le lycée. Les études sur les croyances zéro-sum mettant en évidence un effet du contexte uniquement sur les croyances des groupes de haut statut (e.g., Wilkins et al., 2015), la présence d’un effet du contexte académique auprès des filles permettrait d’appuyer l’hypothèse d’un statut académique supérieur des filles dans le contexte du lycée et de l’université. Enfin, le but de cette étude était de tester l’effet de la compétition intergenre et plus précisément des croyances zéro- sum sur l’adoption des buts de performance-approche et performance-évitement. En nous basant notamment sur le modèle des processus opposés de la compétition développé par Murayama et Elliot (2012), nous postulions que les croyances zéro-sum seraient liées à une adoption plus forte de ces deux types de buts. Nous faisions alors l’hypothèse d’un effet indirect du contexte sur l’adoption des buts de performance. Les croyances zéro-sum favorisant l’adoption des buts de performance (approche et évitement), les élèves – filles ou garçons – adhérant plus fortement aux croyances zéro-sum dans un contexte de réussite de l’exogroupe par rapport aux autres conditions, devraient également adopter plus fortement les buts de performance dans cette condition.

Dans l’ensemble, les résultats obtenus ne vont pas dans le sens de nos hypothèses. Concernant l’effet du contexte sur l’adhésion aux croyances zéro-sum, aucune de nos hypothèses alternatives n’a pu être validée, dans la mesure où les analyses mettent en évidence un effet

97 principal du contexte sur l’adhésion aux croyances zéro-sum de l’ensemble des étudiant.e.s. En effet, les filles comme les garçons ont plus tendance à adopter une vision zéro-sum des relations de genre dans un contexte de réussite de l’exogroupe par rapport à un contexte de réussite de l’endogroupe ou à une condition de contrôle. Nous n’avions pas anticipé une telle possibilité. Ces résultats vont à l’encontre des effets observés dans la littérature sur la perspective zéro-sum des relations de genre, et plus généralement des relations intergroupes. En effet, les études montrent habituellement que les membres de groupes de haut statut, tels que les hommes, ont plus tendance à voir les relations intergroupes comme un jeu zéro-sum que les membres de groupes de bas statut (Bosson et al., 2012; Kehn & Ruthig, 2013; Norton & Sommers, 2011; Ruthig et al., 2017). Ils sont par ailleurs décrits comme plus sensibles au contexte intergroupe (Kuchynka et al., 2018; Wilkins et al., 2015). Il semble donc que, dans le contexte académique, les dynamiques intergroupes et plus particulièrement les relations de genre soient différentes de celles décrites à l’échelle de la société. Il est également possible que le statut des groupes n’ait pas le même impact lorsque les croyances zéro-sum se focalisent sur le domaine scolaire, plutôt que sur la société en général.

Bien que le contexte ait un impact sur les croyances zéro-sum de l’ensemble des étudiant.e.s et que ces croyances soient positivement corrélées à l’adoption des buts de performance, le contexte académique ne semble pas avoir d’effet indirect significatif sur les buts poursuivis par les élèves. Cette absence d’effet pourrait être liée à une différence dans les niveaux d’analyse (Doise, 1978) reflétés par les deux types de mesure. Notre hypothèse était basée sur le fait que les individus – filles ou garçons - percevant une compétition zéro-sum intergenre dans le domaine scolaire devraient être motivés à faire mieux (buts de performance-approche) ou à ne pas faire moins bien (buts de performance-évitement) que les membres de l’exogroupe. Néanmoins, si notre mesure de croyances zéro-sum traite bien des relations de genre, la mesure des buts de performance fait référence à une comparaison interindividuelle de la compétence, ne prenant pas en compte le genre d’autrui (Elliot & Murayama, 2008). Bien que les différents niveaux d’analyse puissent s’articuler, le décalage observé dans cette étude pourrait être problématique. Les participant.e.s ayant été amenés, par le biais du contexte induit, à se focaliser sur les relations de genre, la mise en place d’une réponse au niveau interindividuelle a pu être considérée comme peu pertinente. De la même manière, il est possible que les processus contraires mis en évidence dans le cadre d’une compétition interindividuelle (Murayama & Elliot, 2012) ne s’appliquent pas au niveau intergroupe. En dépit de ces limites conceptuelles, il apparaît que les garçons ont plus tendance à adopter des buts de maîtrise-évitement dans un contexte menaçant de réussite des filles par rapport à un contexte peu menaçant de réussite de leur groupe ou à une condition de contrôle. Les croyances zéro-sum s’avèrent également être un prédicteur de ce type de buts. Bien

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que les buts de maîtrise-évitement soient moins étudiés que les trois autres buts d’accomplissement, ces résultats sont en accord avec les résultats d’une méta-analyse portant spécifiquement sur les buts de maîtrise-évitement, qui mettent en évidence le rôle prédicteur de la compétitivité sur ce type de buts (Baranik, Stanley, Bynum, & Lance, 2010). Elliot et McGregor (2001) ont par ailleurs montré que la peur de l’échec, un des fondements de la compétition intergroupe perçue (Esses et al., 1998), se positionne comme un des prédicteurs des buts de maîtrise-évitement. On peut ainsi imaginer qu’en réponse à un contexte d’infériorité de l’endogroupe, les étudiants cherchent à ne pas se montrer incompétents afin de ne pas nuire à la réputation de son groupe. Néanmoins, il est difficile d’expliquer pourquoi seuls les garçons sont affectés par la nature du contexte intergroupe dans leur adoption des buts de maîtrise-évitement. Les résultats des analyses de médiation modérée suggèrent que cela n’est pas lié à des différences de genre dans la réaction à une compétition zéro-sum intergenre. Une piste d’explication de cette réaction des garçons est liée à l’influence des stéréotypes de genre. En effet, la compétence est une caractéristique importante pour les garçons qui sont généralement décrits comme plus compétents que les filles (Cuddy, Fiske, & Glick, 2008). Dans le contexte scolaire, ils sont également perçus comme ayant une intelligence plus malléable et par conséquent leurs efforts sont associés à un potentiel de réussite plus important que les filles (Verniers & Martinot, 2015b). Cette réputation des garçons en matière de compétence pourrait les amener à être particulièrement motivés à ne pas montrer une image d’incompétence en réponse à un contexte mettant en avant la réussite des filles. En conclusion, bien que les résultats de l’étude 2 ne nous aient pas permis de valider nos différentes hypothèses, ils nous ont amenées à réfléchir sur différents aspects liés à la problématique de ce travail de thèse, ce qui a eu pour conséquence d’orienter la suite de ce travail.