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Chapitre 4 : Résultats de la recherche

4.2 Résultats des discussions de groupe

Les résultats des deux discussions de groupe qui diffèrent des résultats des entrevues individuelles seront présentés dans cette section. L’analyse des deux discussions a permis de déterminer un thème principal, soit leurs préoccupations, et deux sous-thèmes. Les participantes mentionnent leurs incertitudes et leurs appréhensions face au fait de retourner dans le pays d’origine, de retrouver la famille biologique ou d’être retrouvées par celle-ci. La quête des origines et les retrouvailles soulèvent pour certaines répondantes un sentiment de peur et de crainte. Leurs préoccupations touchent le besoin pour les personnes adoptées d’être mieux encadrées et le manque de préparation des parents adoptifs pour être confrontés aux défis liés à la trajectoire d’adoption. Ces résultats varient de ceux des entrevues individuelles par l’importance qui leur est accordée par les participantes, par l’angle qu’ont pris les réflexions ou du fait qu’ils n’ont pas été révélés dans les discours des huit répondantes. Même si les cinq participantes n’ont pas eu un contact virtuel avec leur famille biologique qui a commencé par les NTC, elles partagent toutes leur point de vue sur une telle expérience.

4.2.1 Le besoin des personnes adoptées d’être mieux encadrées

Les participantes mettent l’accent sur l’importance du besoin pour les personnes adoptées d’être soutenues et accompagnées dans leur parcours de quête des origines et de retrouvailles. Ce qui préoccupe Anne-Marie est le manque de structure pour aider les personnes adoptées à vivre les retrouvailles. Elle dit qu’il n’existe pas de règlements ou des systèmes pour que l’intimité des personnes concernées soit respectée. Il n’y a pas de moyen pouvant faciliter la communication entre les personnes adoptées et leur famille biologique. Elle et les autres participantes expliquent que les personnes adoptées doivent être mieux encadrées afin de faire face aux possibles défis associés à leur recherche et les retrouvailles. Cet encadrement va au-delà de ces parcours particuliers, car les participantes nomment le besoin qu’il puisse faire partie du parcours général de l’adoption.

Kim donne son point de vue sur l’aide que nécessitent les personnes adoptées pour mieux vivre la trajectoire de la quête des origines et des retrouvailles dans l’extrait suivant :

Je trouve qu’à tous les niveaux, y a vraiment quelque chose qui doit se faire, qui doit se passer. S’organiser, parce que là, ça se fait de plus en plus, et je trouve qu’y a beaucoup de gens qui vivent la détresse en pensant que ça l’aurait été extraordinaire, et ça l’est pas toujours. Ou en pensant que ça n’aurait pas pu se faire, et finalement, la famille accepte de le rencontrer. C’est plate je trouve de laisser ces personnes-là toutes seules, surtout les personnes adoptées. Pour moi, c’est comme, au cœur de l’expérience de l’adoption. (Kim)

La neutralité de l’aide dans le cadre de la quête des origines et des retrouvailles est centrale dans les discussions. En effet, les participantes mentionnent que ceux et celles qui accompagnent les personnes adoptées dans leur parcours doivent être neutres. Maxence parle de soutien de personnes qui ne sont pas émotionnellement impliquées. Kim note l’importance d’une personne neutre pour accompagner les personnes adoptées lors des retrouvailles qui tient sa place et qui ne dit pas à la personne adoptée quoi faire. Anne-Marie vit des difficultés avec sa relation avec sa famille biologique et dit que le soutien d’une personne neutre est important. Elle aborde ce point dans l’extrait suivant : « Mais il faut quelqu’un de neutre pour te dire t’as pas à te sentir coupable. T’as pas à y donner de l’argent. Faut quelqu’un de neutre. » (Anne-Marie)

Les participantes font savoir qu’une personne intermédiaire lors des retrouvailles serait aussi une bonne manière d’outiller les personnes adoptées. Cendrine fait référence à Mouvement retrouvailles, un organisme en adoption locale au Québec, qui fait le lien entre la personne adoptée et sa famille biologique. Elle note l’importance d’un tel intermédiaire pour préparer la famille biologique avant et d’être présent lors des retrouvailles. Kim mentionne la pertinence d’avoir une personne intermédiaire culturelle pour aider lors des retrouvailles entre les personnes adoptées et leur famille biologique. Cette personne peut aider avec la traduction culturelle et aider les deux parties à mieux se comprendre. Anne-Marie parle aussi d’une telle aide, qu’elle aurait d’ailleurs voulue lors de ses retrouvailles. Elle explique sa perception dans l’extrait suivant :

Vraiment précieuse, et quelque chose auquel j’ai pas eu le droit moi non plus- heureusement que ça s’est bien passé avec la famille biologique, mais la dame [dans le pays d’origine], ça, ça été vraiment intense. J’aurais voulu avoir ça là. Quelqu’un pour préparer les deux parties, parce que c’est vraiment pas le fun. (Anne-Marie)

Les participantes signalent la nécessité d’une aide organisée de la part de programmes d’organismes et du gouvernement durant le parcours de la quête des origines et des retrouvailles. Anne-Marie parle de l’existence de programmes organisés dans certains pays d’origine pour les personnes adoptées. Elle dit que ces programmes encadrent, en offrant du soutien, par exemple financier en payant les billets d’avion ou en payant pour l’hébergement et la nourriture, et de l’accompagnement pour réaliser leur parcours, le retour au pays d’origine et les retrouvailles des personnes adoptées. Elle dit qu’elle aurait aimé un tel soutien.

Cendrine note la pertinence d’une aide gouvernementale pour soutenir les personnes adoptées avec leur projet de quête et de retrouvailles dans l’extrait qui suit :

Ben, aussi, c’est sûr que ça serait le fun que le gouvernement y débloque un projet, des fonds, pour justement aider, nous aider pour- Parce que, à quelque part, tu vas retourner dans ton pays, mais, c’est des voyages, c’est des coûts. Me semble que, avoir une aide, une aide financière dans le fond. Ça serait bien. (Cendrine)

4.2.2 Le besoin pour les parents adoptifs d’être mieux outillés

Une des grandes préoccupations soulevées par les participantes est le manque de préparation à l’adoption pour leurs propres parents adoptifs, leur manque de connaissance, d’ouverture et d’information des différents enjeux de l’adoption internationale, comme la quête des origines. Plusieurs participantes témoignent qu’elles avaient parfois l’impression que leurs parents adoptifs faisaient tout pour passer sous silence le fait qu’elles avaient été adoptées et qu’elles sont nées dans un autre pays. Chloé raconte que ses parents n’avaient pas pris conscience qu’elle était adoptée. Anne-Marie partage un vécu similaire dans l’extrait suivant :

Aussi, ils me traitaient comme si je venais pas d’ailleurs et comme si j’étais leur propre fille. Ce qui est bien en soi, mais après, c’est ça, y a pas la reconnaissance non plus de venir d’ailleurs. (Anne-Marie)

Cendrine a eu un vécu similaire, expliquant dans l’extrait suivant que pour elle, la couleur ne se voyait pas :

C’est comme si elle voyait pas notre couleur. On est comme, on est blancs pour elle aussi, là. Elle oublie qu’on est noirs, qu’on a des émotions par rapport à notre, à la communauté [du pays d’origine], et que quand elle fait des remarques, elle réalise pas que, dans le sens que ça nous touche […] quand t’adoptes un enfant, faut que tu sois ouvert à goûter sa nourriture, à écouter la musique, la musique tout ce qui fait partie de cet enfant-là. (Cendrine)

Le besoin d’ouverture sur l’adoption et la différence culturelle de la part des parents adoptifs est aussi signalé par les autres participantes. Kim, Chloé et Anne-Marie racontent que malgré tout, leurs propres parents ont fait des efforts. Elles constatent aussi que les parents adoptants aujourd’hui s’informent davantage et s’ouvrent de plus en plus à la culture de leur enfant adopté à l’international.

Maxence dit que les parents adoptifs devraient être prêts à l’éventualité que leur enfant adopté veuille trouver sa famille biologique. Son point de vue est présenté dans l’extrait suivant :

Il devrait avoir des questions même, en tant que parent, est-ce que vous allez être prêts. Lui, la journée où y va se réveiller émotionnellement ou- Qu’y veut voir sa maman. Comment vous allez réagir, vous ? Même ma mère- Je sais que ma mère, ça y a fait de la peine. (Maxence)

Kim est d’accord avec ce point de vue et ajoute que les parents adoptants et adoptifs devraient se questionner sur leur conception de la parentalité. Selon elle, les parents devraient être plus outillés pour comprendre ce qu’est l’adoption. Chloé dit que ses parents n’étaient pas préparés à son adoption dans l’extrait suivant :

Mes parents, je pense qu’ils n’étaient pas préparés ou qu’ils n’avaient pas la connaissance- pas qu’ils n’avaient pas les compétences. Ils ont fait de leur mieux, mais je pense que ça m’a marqué. Puis eux ils disent qu’ils n’avaient pas accès aux ressources pour pouvoir m’accompagner. Je dirais, moi, mon adoption- pas mon adoption, parce qu’en réalité, j’aurais pu tomber sur n’importe quel parent là. Mais eux, le lien qu’ils avaient, je pense qu’il y avait beaucoup de méconnaissance. (Chloé)

Ce chapitre a permis de dégager les thèmes et les sous-thèmes déterminés lors des entrevues individuelles avec huit personnes adoptées à l’international qui ont eu un premier contact virtuel avec leur famille biologique grâce aux NTC ainsi que lors de deux discussions de groupe avec cinq participantes qui n’ont pas vécu cette réalité, mais qui ont partagé leur

point de vue sur le sujet. Le prochain chapitre abordera l’analyse des résultats, une discussion de ces résultats, les limites de l’étude et les retombées pour la pratique.