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Difficultés associées à un contact virtuel avec la famille biologique par

Chapitre 5 : Synthèse des résultats et discussion

5.3 Discussion des résultats

5.3.2 Difficultés associées à un contact virtuel avec la famille biologique par

Le fait d’avoir donné la place aux discours, de laisser les témoignages faire émerger les thèmes comme le prescrit l’API (Smith, Flowers et Larkin, 2009), a permis de mieux rendre compte des difficultés et des défis liés au contact virtuel et aux retrouvailles avec la famille biologique en contexte d’adoption internationale, et donc de mieux comprendre comment les personnes adoptées peuvent vivre le phénomène étudié. Cette approche a permis de considérer tous les éléments qui colorent l’expérience des personnes adoptées. Elle a permis d’aborder toutes les facettes de leur expérience, ce qui a contribué à une meilleure compréhension du phénomène à l’étude.

Les répondantes de la présente étude signalent une multiplicité de facteurs, autant internes qu’externes, qui ont rendu leur expérience de contact virtuel et de retrouvailles plus difficile. Certaines de ces difficultés ont été identifiées par d’autres études qui explorent le sujet du contact virtuel avec la famille biologique par les NTC, majoritairement auprès des jeunes (Aroldi et Vittadini, 2017 ; Black, Moyer et Goldberg, 2016 ; Fursland, 2010 ; Greenhow, Hackett, Jones et Meins, 2015 ; MacDonald et McSherry, 2013 ; O’Brien, 2013). Ces recherches rapportent que ce contact virtuel avec la famille biologique peut soulever des émotions, un sentiment d’empiètement des jeunes qui vivent cet événement et des sentiments de peur par rapport au fait d’avoir été retrouvés. Cependant, ces études ne font pas la distinction entre les difficultés propres aux personnes adoptées et leurs difficultés externes7.

Pour les répondantes de la présente étude, leurs difficultés internes ont eu une influence importante sur leur expérience. Les difficultés qui pourraient être considérées comme internes selon les parents adoptifs sont les manques de maturité sociale, psychologique et émotionnelle des jeunes pour gérer le contact virtuel avec leur famille biologique (Aroldi et Vittadini, 2017 ; Black, Moyer et Goldberg, 2016 ; Greenhow, Hackett, Jones et Meins, 2015 ; MacDonald et

McSherry, 2013 ; O’Brien, 2013). Alors que les jeunes peuvent avoir des incompréhensions par rapport à la gestion de ce contact virtuel, qui vont affecter leur relation avec leur famille biologique, les discours des répondantes de la présente étude montrent que les adultes aussi peuvent vivre des incompréhensions. Même en tant qu’adultes possiblement plus matures et plus conscientes des enjeux des NTC comparativement aux jeunes, les répondantes ont été déstabilisées à différents degrés et ont vécu des difficultés internes et externes comme indiqué dans le chapitre 4. Ainsi, leur âge n’écarte pas le risque, pour les personnes adoptées, de ne pas comprendre certaines facettes de leur expérience.

Une des difficultés soulignées par les répondantes est le manque de compréhension de la part de leur famille adoptive face à leur intérêt de retrouver leur famille biologique et de vivre des retrouvailles. Des répondantes disent que certains membres de leur famille adoptive ont trouvé difficile leur contact virtuel avec leur famille biologique et les événements qui ont suivi. Il y a même eu pour certaines une rupture de communication entre elles et leur famille adoptive. Leurs discours montrent que les familles adoptives vivent leur propre expérience de la quête des origines, du contact virtuel et des retrouvailles. Les études qui ont exploré ce sujet auprès des parents adoptifs soulignent aussi que ces derniers vivent des difficultés au sujet du contact virtuel de leur enfant adopté avec sa famille biologique (Black, Moyer et Goldberg, 2016 ; Greenhow, Hackett, Jones et Meins, 2015 ; MacDonald et McSherry, 2013). Par exemple, les parents adoptifs rencontrés lors de l’étude de MacDonald et McSherry (2013) avaient leurs préoccupations et certains avaient peur de perdre leur place de parent auprès de leur enfant.

Les discours de certaines répondantes de la présente étude montrent que ces inquiétudes existent aussi pour les parents dont l’enfant est maintenant adulte. L’expérience de leur enfant adopté peut soulever en eux des émotions négatives, comme la peur, la jalousie et la colère. Les répondantes sont conscientes de l’influence de leur quête et des retrouvailles sur leurs parents adoptifs, représentée par leur sentiment d’un conflit de loyauté et leur désir de ne pas faire de la peine à leur famille adoptive, surtout à leur mère adoptive. La question du conflit de loyauté est abordée par Kirton, Feast et Howe (2000). Leur étude investigue aussi la quête des origines et les retrouvailles en contexte transracial. Ces auteurs remarquent que

presque tous les participants se sont sentis coupables, au point que certains avaient décidé d’entamer leur recherche seulement après la mort de leurs parents adoptifs, alors que d’autres ont réalisé leur quête en secret.

Alors que l’étude de Kirton, Feast et Howe (2000) ne mentionne pas les risques d’une quête réalisée en secret, le risque d’isolement causé par le fait de ne pas partager cette démarche avec l’entourage a été identifié par les répondantes et les participantes de la présente recherche. Les participantes soulignent l’importance de pouvoir compter sur du soutien émotionnel, psychologique et parfois matériel d’autrui pour mieux gérer les possibles répercussions associées à un contact virtuel et à des retrouvailles avec la famille biologique.

La majorité des études sur le sujet n’explorent pas la problématique en contexte d’adoption internationale, et donc n’explorent pas certaines facettes abordées par les répondantes de la présente étude, dont les difficultés en lien avec les différences linguistiques et culturelles qui occupent une place importante dans les discours. Ces difficultés ont complexifié pour plusieurs des participantes la communication initiale avec la famille biologique et ont freiné la création de liens avec celle-ci. Par contre, ces difficultés ne sont pas davantage relevées par la seule étude réalisée en contexte d’adoption internationale. Les professionnels qui ont partagé leur point de vue dans l’étude d’Aroldi et Vittadini (2017) ne signalent pas ces éléments associés au contact virtuel entre les jeunes adoptés à l’international et leur famille biologique. Pourtant, le fait que les personnes adoptées à l’étranger viennent d’ailleurs (Harf et al., 2015) rend évident qu’elles auront alors à gérer les différences linguistiques et culturelles avec leur pays d’origine. Que cet aspect soit souligné par les participantes de la présente étude montre un des enjeux mêmes de l’adoption internationale, soit la rencontre de deux cultures et les défis qui y sont liés.

Dans cette section ont été présentées les difficultés soulevées par les répondantes de la présente étude et leur lien avec les difficultés relevées par d’autres recherches. Cela dit, les répondantes et les participantes aux discussions de groupe mentionnent des facteurs qui peuvent rendre l’expérience de quête des origines, de contact virtuel et de retrouvailles des

personnes adoptées moins difficile. La prochaine section traitera de l’aide nécessaire pour les personnes adoptées vivant cette expérience.