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Chapitre 4 : Résultats de la recherche

4.1 Résultats des huit entrevues individuelles

4.1.9 Degré d’ouverture

Les discours des répondantes soulignent qu’il y a des degrés d’ouverture différents des personnes adoptées sur l’adoption, la quête des origines et les retrouvailles. Certaines vont vouloir tout partager avec tout le monde, d’autres vont partager uniquement certaines facettes de leur histoire avec un public limité et d’autres ne vont pas s’ouvrir du tout. Les discours révèlent qu’il y a aussi des degrés d’ouverture différents pour les membres de leur réseau, soit de la part de leurs familles adoptive et biologique et la société, sur l’adoption et ses différentes facettes.

L’ouverture des répondantes

Toutes les répondantes ont partagé un contact virtuel et des retrouvailles avec leur famille adoptive. Ce qui diffère est le délai du partage suite aux évènements et ce qu’elles ont partagé. Audrey explique que cela a pris environ un an avant de partager avec sa famille adoptive son expérience de relation virtuelle entretenue avec sa famille biologique. Elle n’a pas partagé son désir de réaliser une quête des origines avec tous les membres de sa famille. Elle dit que sa famille ne fait pas partie de cette histoire ni de sa vie et donc n’a pas besoin de savoir.

Mikaël a dit à sa famille adoptive et ses amis sur Facebook qu’il avait retrouvé sa mère biologique. Il n’a par contre pas partagé la fréquence à laquelle il communiquait avec sa mère biologique. Il explique ceci dans l’extrait suivant :

Ben, c’est sûr qu’au début, au début j’étais peut-être un peu gêné avec eux [sa famille adoptive], ici, pour leur dire que je communiquais beaucoup. Y me parlaient souvent, mon père et ma mère. Plus mon père, en fait, ici. Il disait : « Puis, est-ce que t’as des nouvelles de [ta mère biologique] ? » J’ai toujours des nouvelles d’eux autres. Dans ma tête, c’est comme : « Elle t’a contacté récemment ? » Puis je disais : « Bien, oui. » Mais je disais pas : « Oui, on se parle deux heures par jour. » (Mikaël)

Valérie dit dans l’extrait suivant qu’elle partage facilement son expérience :

Je veux dire, j’ai appelé tout le monde pendant toute la semaine. Ma sœur m’a retrouvée ! Et puis oui, je partage parce que c’est super le fun et tout le monde trouve ça le fun. Dans le fond, j’étais en classe quand c’est arrivé. Puis là, je disais à une fille, qui a fait comme : « T’as retrouvé ta sœur ! ». Et puis le professeur : « T’as retrouvé ta sœur ! ». Et on en a parlé pendant une heure dans la classe. Alors oui, c’est quelque chose que je partage facilement. (Valérie)

Julianne pour sa part ne s’est pas ouverte sur son histoire avec tout son entourage. Elle dit qu’elle a « tendance à garder mes affaires comme pour moi, dans le sens que je veux partager ce que j’ai à partager ».

Les répondantes parlent de leur ouverture sur leur propre histoire. Elles partagent le fait de parler et de partager leur histoire avec non seulement leurs proches, mais parfois à une plus grande échelle. Certaines répondantes ont ressenti un besoin de partager leur histoire avec les médias afin de faire connaitre leur expérience des retrouvailles.

Le degré d’ouverture du réseau sur l’adoption et ses facettes

Les répondantes parlent d’un manque d’ouverture et de compréhension sur l’adoption, la quête des origines et les retrouvailles de la part des autres. Cette ouverture peut être en lien avec l’information donnée, le degré de communication, l’écoute ou l’acceptation de différentes facettes liées à leur expérience. Certaines répondantes notent le manque de transparence de la part des différents acteurs liés à leur dossier, dont leurs parents biologiques, le gouvernement et dans le cas de Justine, l’orphelinat dans son pays d’origine qui ne voulait pas lui donner les informations voulues. Le manque d’ouverture des autres a aussi été signalé lors des discussions de groupes. Les participantes mentionnent que la non-acceptation et le manque d’ouverture sur leur différence et leur adoption venaient de leurs parents adoptifs. Elles partagent le manque d’espace dans leur famille pour parler de leur adoption, de la quête des origines et des retrouvailles et ainsi de pouvoir mieux vivre leur adoption.

Plusieurs répondantes parlent d’une atmosphère de mystère et de secret autour de l’adoption, que cela soit dans la famille biologique, la famille adoptive ou la société. Plusieurs signalent que l’adoption n’est pas un sujet assez ouvert dans la société. Audrey et Kasandra font la remarque dans leur discours, tout comme Julianne : « Je veux dire l’adoption existe, on est tous au courant, mais je trouve qu’on n’en parle pas assez. »

Certaines répondantes notent qu’elles n’avaient pas d’information sur leurs origines ou leur famille biologique, ou que ces informations étaient incomplètes ou fausses. Certaines répondantes expliquent qu’il existe différentes versions de leur abandon et de l’histoire avant leur adoption. Certains aspects de leur adoption ont été ou sont tus, ce qui influence ensuite la façon dont les répondantes vivent leur expérience. Certaines n’osent pas parler de ce qu’elles vivent et ressentent. Pour certaines répondantes, l’adoption est un sujet tabou dans leur famille adoptive et/ou leur famille biologique.

Samuel explique dans l’extrait suivant que peu de gens au pays d’origine connaissaient son existence :

Non, bien, à ce moment-là c’était un secret entre parenthèses de famille, y avait peu de gens qui le savaient, mais comme j’avais été laissé, j’avais été laissé à l’hôpital très jeune, c’est jamais vraiment un sujet qui a été remis sur la table dans la famille. Fait que c’est comme si j’avais jamais vraiment existé. (Samuel)

L’adoption était aussi un sujet tabou, un sujet sensible, dans sa famille adoptive. Il a vite arrêté de parler de son adoption, car sa mère pleurait chaque fois qu’il mentionnait le sujet. Mikaël raconte dans l’extrait suivant que sa naissance et son adoption ont été tues par sa mère biologique :

Tout le monde était plus ou moins au courant, à part mon frère le plus jeune, qui n’était pas au courant de l’histoire, parce qu’encore une fois, bon, c’est ça, ma mère bio ne l’avait pas vraiment dit. Elle avait gardé ce secret-là, parce que l’histoire de ma conception est plus ou moins- on est dans un pays qui est encore très religieux, avec plusieurs tabous. (Mikaël)

Plusieurs répondantes mentionnent que le sujet d’adoption n’était pas un sujet qui pouvait être abordé, certaines dans leur famille adoptive, d’autres parmi leurs amis ou leurs

copains. Justine dit que sa famille était ouverte sur l’adoption, mais qu’elle ne pouvait pas en parler avec ses copains. Elle raconte ceci dans l’extrait qui suit :

Quand j’ai fait mon voyage, bien j’avais un chum et lui comprenait pas du tout ce que je vivais donc je ne me sentais pas soutenue face à lui. J’ai eu un conjoint pendant longtemps qui lui comprenait toujours pas, alors ça toujours été difficile, parce que justement avec ma famille, c’était tellement ouvert, mais avec mes conjoints, c’était tellement sujet tabou. (Justine)

Dans cette section, les répondantes ont rapporté le degré d’ouverture quant à leur propre histoire et à l’histoire des autres face à leur expérience. Le degré d’ouverture fluctue selon les circonstances. Cette fluctuation caractérise leur trajectoire, fait partie de leur cheminement. Ce thème sera abordé dans la prochaine section.