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Chapitre 5 : Synthèse des résultats et discussion

5.3 Discussion des résultats

5.3.3 L’aide nécessaire pour les personnes adoptées

Toutes les répondantes des entrevues individuelles et les participantes aux discussions de groupe ont signalé le besoin pour les personnes adoptées d’être préparées, informées et bien soutenues dans leur parcours de recherche et de retrouvailles avec leur famille biologique. Elles mentionnent les risques de vivre l’expérience seule. Ce risque est soulevé par les professionnels des services en adoption rencontrés dans le cadre de l’étude d’Aroldi et Vittadini (2017). Les professionnels notent l’importance de la sensibilisation afin d’éviter que les jeunes adoptés réalisent leurs recherches seuls ou contactent leurs parents biologiques de manière imprévue. Une recherche seule pourrait engendrer des problèmes, comme le sentiment de pression ressentie par les jeunes face aux demandes de la famille biologique (Fursland, 2010).

Les discours des répondantes montrent que le besoin d’éviter l’isolement et d’être prudent existe aussi pour les adultes. Des répondantes soulignent l’ampleur et l’empiètement du contact virtuel avec leur famille biologique sur leur propre espace de vie. Pour certaines, cet envahissement est associé à la pression de répondre aux demandes financières et matérielles de la part de leur famille biologique. Elles rapportent que ces demandes peuvent rendre leurs relations avec leur famille biologique inconfortables, nécessitant parfois que les répondantes cessent de leur parler. En s’isolant, les personnes adoptées auront à vivre ces difficultés seules et pourraient se sentir perdues, ne pas savoir quoi faire.

Les répondantes nomment comme ressource pouvant contrer ces difficultés le fait de se protéger en prenant du temps pour évaluer leurs besoins et ce qu’elles veulent de leur relation avec leur famille biologique. Certains auteurs soulignent la notion de limites en lien avec le contact virtuel avec la famille biologique (Aroldi et Vittadini, 2017 ; Greenhow, Hackett, Jones et Meins, 2015 ; MacDonald et McSherry, 2013). Greenhow, Hackett, Jones et Meins (2015) soulignent l’importance de l’établissement de limites en lien avec le contact virtuel.

Cette notion de limites en lien avec le contact établi par les NTC est relevée par d’autres auteurs (Aroldi et Vittadini, 2017 ; MacDonald et McSherry, 2013). Ces études expliquent que le contact virtuel ouvre les frontières établies par l’adoption plénière, et donc entre les familles adoptives et les familles biologiques. Certaines répondantes de la présente étude signalent le besoin de mettre des barrières entre elles et leur famille biologique, ou leur entourage. Elles partagent l’importance de prendre du temps pour délimiter leur relation avec leur famille biologique.

Toutes les répondantes de la présente étude ont exprimé le besoin d’entendre d’autres histoires de personnes adoptées vivant des expériences similaires de la quête des origines et des retrouvailles. Alors que certaines rapportent avoir cherché d’autres histoires et avoir rencontré d’autres personnes adoptées, toutes les répondantes partagent ce point de vue selon lequel le fait d’entendre d’autres histoires semblables à la leur est une ressource essentielle pour les personnes adoptées. Cela leur permettrait de savoir qu’elles ne sont pas seules à vivre les hauts et les bas de l’adoption, de la quête des origines et d’une relation commencée grâce aux NTC et des retrouvailles. Ce besoin pour les personnes adoptées d’entendre d’autres histoires comme la leur est corroboré par Godon, Green et Ramsey (2013). Ces auteurs soulignent que parler avec d’autres personnes adoptées qui ont vécu des retrouvailles peut être bénéfique pour les personnes adoptées vivant leur propre expérience, afin de mieux évaluer ce qui relève de la réalité et ce qui vient de stéréotypes négatifs.

Par contre, les auteures n’expliquent pas ce qu’elles veulent dire par stéréotypes négatifs, et ne font pas mention des stéréotypes positifs8. Grâce aux médias sociaux, les stéréotypes positifs peuvent être plus facilement partagés. Cet élément a été relevé par les répondantes et les participantes de la présente étude. Des histoires « magiques et miraculeuses » sont médiatisées, laissant croire que toutes les personnes adoptées peuvent vivre une telle histoire. Selon l’analyse du discours des répondantes et des participantes, de

8 Les stéréotypes positifs sont des images positives véhiculées par la société qui laissent entendre que

l’expérience en question n’est que positive, qui peuvent aussi influencer les perceptions et les attentes des personnes adoptées.

telles images peuvent faire en sorte que les personnes adoptées soient moins préparées aux différentes difficultés et aux défis associés à la quête des origines et aux retrouvailles. Elles peuvent alors vivre de grandes déceptions.

L’importance de fournir un soutien professionnel aux personnes adoptées a été relevée par les répondantes et les participantes de la présente recherche. Sans l’avoir vécu, elles signalent aussi l’importance présumée d’un soutien intermédiaire pour faire le pont entre les personnes adoptées et leur famille biologique. L’importance de la traduction culturelle soutenue par un tiers a été nommée dans les discussions de groupe. Les participantes ont signalé que cette personne pourrait aider les parties à gérer leurs attentes et à mieux comprendre leurs différences culturelles. Le bénéfice de la présence d’une personne intermédiaire en contexte de quête des origines, de contact virtuel et de retrouvailles est confirmé par les professionnels rencontrés lors de l’étude d’Aroldi et Vittadini (2017). Ces derniers disent que de la médiation professionnelle entre les enfants adoptés, les familles adoptives et les familles biologiques est nécessaire lors de la quête des origines afin d’éviter de possibles répercussions dommageables. Affleck et Steed (2001) ont identifié que des répercussions sur les relations pouvaient se produire lorsque les personnes adoptées et les familles biologiques avaient des attentes irréalistes. Les personnes qui avaient des attentes plus générales et qui étaient préparées à les modifier avaient tendance à vivre des relations de retrouvailles plus positives et satisfaisantes. Alors que les répondantes rapportent les attentes de leur famille biologique qui ont rendu leur expérience plus difficile, certaines expriment avoir vécu de la déception quant à leur expérience de retrouvailles, car leurs propres attentes n’avaient pas été atteintes. Toutes les répondantes avaient des questions pour leur famille biologique et parfois, les réponses obtenues n’étaient pas satisfaisantes. Ne pas recevoir les réponses désirées a provoqué pour certaines répondantes de la frustration et des conflits avec leur famille biologique.

Les participantes aux discussions de groupe ont mentionné que les parents adoptifs doivent être mieux préparés à vivre la quête des origines et les retrouvailles afin qu’ils puissent mieux soutenir leur enfant adopté. Des répondantes mentionnent que certains parents n’avaient jamais pensé à l’éventualité d’un contact virtuel et de retrouvailles avec la famille

biologique. Ce contact virtuel imprévu peut être choquant pour ceux qui n’avaient jamais envisagé que leur enfant adopté pourrait découvrir un intérêt à connaitre ses origines, à entrer en contact avec la famille biologique et à les rencontrer. Ce besoin des parents adoptifs, rapporté par les participantes, d’être mieux préparés face aux retrouvailles de leur enfant est souligné par d’autres auteurs (Godon, Green et Ramsey, 2013 ; Greenhow, Hackett, Jones et Meins, 2015 ; MacDonald et McSherry, 2013). MacDonald et McSherry (2013) notent que dès le début du processus d’adoption, les parents devraient avoir du soutien pour anticiper un contact virtuel imprévu. Greenhow, Hackett, Jones et Meins (2015) rapportent que des parents adoptifs peuvent avoir besoin de soutien afin d’atténuer leur peur d’être impuissants ou menacés face au contact virtuel. Les répondantes de la présente étude n’ont pas mentionné le besoin d’un soutien pour leurs parents adoptifs dans leur discours, mais elles nomment leurs inquiétudes. Leur connaissance de ces inquiétudes peut être associée au conflit de loyauté vécu par certaines répondantes. Un soutien aux parents en lien avec leurs préoccupations pourrait les rendre plus disponibles pour soutenir eux-mêmes leur enfant et diminuer pour certaines personnes adoptées leur sentiment de conflit de loyauté.

L’API s’intéresse à ce qui importe aux individus, à ce qui les préoccupe (Larkin et Thompson, 2012 ; Larkin, Watts et Clifton, 2006). Ce cadre d’analyse accorde à ces aspects une place centrale dans la recherche. Ainsi, les répondantes et les participantes à la présente étude mentionnent leurs préoccupations en lien avec le soutien dont auraient besoin les personnes adoptées. Dans une optique d’API, ce que soulèvent comme problèmes les répondantes et les participantes concernant un meilleur encadrement pour les personnes adoptées nécessite une attention particulière. Ce qu’elles rapportent à propos du soutien et de l’accompagnement pour les personnes adoptées qui vivent un contact virtuel et des retrouvailles avec leur famille biologique montre leurs inquiétudes concernant l’influence du phénomène sur la vie des personnes adoptées.

Dans cette section a été abordé le sujet de l’aide dont les personnes adoptées ont besoin pour mieux vivre leur expérience de la quête des origines et des retrouvailles. La prochaine section présente la manière dont cette quête s’insère dans la trajectoire de vie qu’est l’adoption.