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Chapitre 4 : Résultats de la recherche

4.1 Résultats des huit entrevues individuelles

4.1.8 Hétérogénéité des vécus

Les répondantes disent que les histoires de quête des origines et des retrouvailles sont uniques et que tout le monde vit l’expérience différemment. Elles mentionnent la déstabilisation que peuvent vivre leur fratrie adoptive, leurs parents adoptifs et leur famille biologique.

L’expérience de la fratrie adoptive

Certaines vont comparer leur expérience avec leur frère ou sœur aussi adoptés et vont noter les différences. Meagan est retournée dans son pays d’origine avec son frère avec qui elle a été adoptée. Elle explique qu’il n’a pas vécu les retrouvailles comme elle, qu’il semblait moins affecté. Cette différence est illustrée dans l’extrait suivant :

C’est un homme, hein, donc c’est sûr qu’ils s’expriment moins aussi. Mais selon ses dires, je pense que ça l’avait beaucoup moins, comme, touché, affecté ou impressionné que moi. (Meagan)

Valérie aussi mentionne la différence du vécu entre elle et sa sœur adoptée. Elle dit que sa sœur est moins intéressée par le contact virtuel avec leur sœur biologique qu’elle. Elle explique ceci par le fait que sa sœur est plus attachée au pays d’accueil et à leur famille adoptive qu’elle. Samuel soulève l’incompréhension de ses frères et sœurs adoptifs. Il raconte qu’ils vivent de la frustration, de la tristesse et de la peine par rapport à ses retrouvailles, car ils se sentent délaissés.

L’expérience des parents adoptifs

Alors que leurs parents adoptifs pouvaient être encourageants, certaines répondantes rapportent que le contact virtuel et les retrouvailles ont été vécus difficilement par certains. Justine explique que son père a trouvé la situation difficile, car il ne comprenait pas l’intérêt de Justine de retrouver sa famille biologique. Il était donc moins intéressé par tout ce qu’elle vivait en lien avec les retrouvailles. Par contre, sa mère adoptive l’a accompagnée tout au long de son expérience, retournant même au pays d’origine avec elle. Julianne parle d’un vécu similaire. Elle dit que sa mère a été présente tout au long de son expérience alors que son père était plus distant, moins curieux de tout savoir. Samuel raconte que les réactions de ses parents étaient opposées. Sa mère a trouvé ses retrouvailles plus pénibles. Il mentionne ces différences dans l’extrait suivant :

Mon père et ma mère, ça a toujours été le jour et la nuit puis même dans cette histoire-là, ça a été le jour et la nuit. Mon père est assez content de ça, il m’encourageait à y’ aller, il m’encourageait à rattraper le temps perdu. Comme je l’ai dit tantôt, j’y suis allé plusieurs fois, donc il m’a toujours encouragé à bâtir une relation, à apprendre à connaitre mon pays d’origine, ma famille d’origine, ma culture, ma langue… Ma mère a beaucoup de difficultés, on s’est pas parlé pendant presque deux ans.

L’expérience de la famille biologique

Les répondantes parlent aussi du vécu de la famille biologique. Kim raconte lors de la première discussion de groupe qu’elle n’avait pas évalué l’influence que sa recherche pouvait avoir sur sa mère biologique. Son témoignage est illustré dans l’extrait suivant :

J’avais comme pas mesuré l’impact que ça pouvait avoir. […]Après ça, ça vient montrer au monde entier le geste honteux que la personne a posé pour la famille. Puis ça, on sait pas toujours comme personne adoptée, justement, parce que ça a un effet dans la culture de l’autre. Du côté de la famille biologique, aussi, je trouve qu’y a plein de choses auxquelles on pense pas souvent. Parce que je trouve qu’on n’en parle pas souvent, de la famille biologique. (Kim)

Les répondantes sont conscientes que l’expérience pour les membres de la famille biologique est différente de la leur. Pour Julianne, Justine et Meagan, leur mère biologique était plus excitée qu’elles lors des retrouvailles. Leurs mères étaient plus prêtes à créer une relation. Meagan explique que durant son séjour dans son pays d’origine, elle était froide envers sa mère biologique et ne lui parlait pas. Par contre, elle voyait que cela affectait sa mère.

Par contre, certaines répondantes disent aussi que la famille biologique a vécu des aspects similaires de l’expérience du contact virtuel et des retrouvailles, comme la méfiance, le besoin de validation de l’identité de l’autre et le sentiment de douleur associé à l’adoption. Justine raconte que sa sœur biologique avec qui elle a eu son premier contact virtuel sur Facebook était méfiante et voulait s’assurer que Justine était bien sa sœur. Mikaël de son côté raconte sa compréhension de la raison pour laquelle sa mère n’a pas voulu le rechercher.

En même temps, je me dis que ma mère aurait pu me retrouver. Je pense que c’était pas- c’était douloureux, y avait de la culpabilité là-dedans. Donc, elle ne voulait pas nécessairement rouvrir ça. Probablement qu’a pensait que je lui en voulais aussi, ce qui n’était pas le cas du tout. Puis je dis « probablement », mais je sais qu’elle pensait ça. (Mikaël)

Les répondantes ont montré dans cette section que l’expérience du contact virtuel et des retrouvailles est différente d’un individu à un autre. Elles mentionnent aussi que le degré

d’ouverture en lien avec leur expérience, mais aussi en lien avec celle des différents acteurs varie. Le degré d’ouverture des répondantes et d’autrui sera présenté dans la section suivante.