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Chapitre 4.L'état d'arbre acclimaté au vent : conséquences sur le risque de casse

4.3. Calcul du risque de dégâts sur la tige induit par le vent

4.3.2. Résultats et discussion : un peuplement très en sécurité mécaniquement

Tableau 4.6: Risque de dégâts en terme de temps de retour du vent critiquepour un arbre moyen du peuplement.

Le calcul de la vitesse critique n'intègre pas d'effets aléatoires arbres.

Pour les 5 % d'arbres les moins résistant du peuplement (tableau 4. 7), bien que l'apparition des dégâts à 1,30m surviennent pour des vitesses critiques de vent plus faibles, le risque de dommage reste tout de même très faible en terme de temps de retour. Que ce soit pour l'arbre

moyen du peuplement mais aussi pour les arbres a priori les moins résistants du peuplement, le risque de dégâts de casse par des vents violents est très faible. Par conséquence, l'hypothèse H3 (« un arbre acclimaté au vent a un faible risque de casse ») est entièrement validée. Ce

résultat est tout à fait cohérent avec les analyses de dégâts effectuées sur les peuplements de hêtres dans la région de Nancy après le passage de Lothar en 1999, la plus forte tempête que la région ait connue puisque des rafales de 40 m.s-1 furent enregistrées à la station de Nancy. Lothar pourrait être classée dans la catégorie vent de Sud-Sud Ouest et peuplement hors feuilles (elle a eu lieu le 26 décembre). D'après notre modèle, un peuplement en futaie régulière de 15 mètres de hauteur n'aurait pas subi de dégâts de casse (vitesse critique = 55,5m.s-1). Si le hêtre a beaucoup souffert pendant cette tempête, ce sont surtout les peuplements plus hauts qui ont été endommagés (Bock et al., 2005 ; Bonnesoeur et al., 2013), principalement en mode chablis plutôt que par casse de la tige. Un hêtre de 15 mètres de hauteur avait un risque de dégâts d'environ 10 % alors qu'un arbre de plus de 25 mètres avait plus d'une chance sur deux d'être renversé par une rafale de vent (Bonnesoeur et al., 2013). La probabilité que les tiges d'un peuplement similaire à Vent-éclair cassent pendant la tempête de 1999 était donc faible (moins de 10 %), en accord avec nos résultats.

Phénologie

Hors feuille

S-SO DominantDominé 71,750,1 82,057,6 >>100000>>100000 NE DominantDominé 84,557,7 96,566,2 >>100000>>100000 autre DominantDominé 149,850,1 170,557,6 >>100000>>100000

En feuille

S-SO DominantDominé 53,150,8 63,360,7 >>100000>>100000 NE DominantDominé 46,537,3 55,845,4 >>100000>>100000 autre DominantDominé 45,639,9 54,848,4 >>100000>>100000

Marcescent

S-SO DominantDominé 42,040,8 48,547,0 >>100000>>100000 NE DominantDominé 67,965,5 77,775,0 >>100000>>100000 autre DominantDominé 36,437,0 42,042,7 >>100000>>100000

direction du vent statut social vitesse critique (m.s-1), parcelle vitesse critique (m.s-1), Nancy temps de retour des dégâts (ans)

4.3.2.Résultats et discussion : un peuplement très en sécurité mécaniquement.

Phénologie

Hors feuille

S-SO DominantDominé 65,748,3 75,255,5 >>100000>>100000

NE DominantDominé 75,954,7 86,862,8 >>100000>>100000

autre DominantDominé 121,448,3 138,355,5 >>100000>>100000

En feuille

S-SO DominantDominé 50,648,7 58,256,0 >>100000>>100000

NE DominantDominé 45,137,0 51,942,8 >>100000>>100000

autre DominantDominé 44,339,4 51,045,4 >>100000>>100000

Marcescent

S-SO DominantDominé 41,340,1 47,646,3 >>100000>>100000

NE DominantDominé 63,061,0 72,269,9 >>100000>>100000

autre DominantDominé 36,236,8 41,942,5 >>100000>>100000

direction du vent statut social vitesse critique (m.s-1), parcelle vitesse critique (m.s-1), Nancy temps de retour des dégâts (ans)

Tableau 4.7: Risque de dégâts en terme de temps de retour du vent critique pour les 5 % d'arbres les moins résistants du peuplement.

La probabilité de dégâts beaucoup plus modérés comme la casse dans le houppier peut également être estimée, en divisant la vitesse critique par la valeur moyenne d'augmentation des déformations dans le houppier (1,65) tout en conservant le critère de rupture (=0,79%), ou la verse associée à des déformations irréversibles en prenant comme critère de rupture la limite élastique plus les déformations de maturation (=0,37+0,08=0,45%). La casse de la tige dans le houppier ou la verse à 1,30m restent des événements rares. L'endommagement mécanique de la tige entière est donc peu probable. Par contre l'apparition de déformations irréversibles dans le houppier n'est pas un événement aussi improbable avec un temps de retour de 65 ans pour une vitesse associée de 28m.s-1.

Nos résultats confirment en tout cas que le rapport hauteur sur diamètre, souvent repris dans la gestion forestière comme un facteur de stabilité des arbres pour sa simplicité (Riou-Nivert, 2009), mais réputé moins efficace chez les essences à houppier « globuleux » que chez les conifères sapin ou épicéa (Colin 2009, la forêt face aux tempêtes …) doit être utilisé avec précaution. En effet, les arbres dominés, avec un rapport H/D pourtant nettement plus faible

(161 en moyenne contre 104 pour les dominants), ne risquent pas plus de casser que les arbres dominants. Le principe de dimensionnement uniforme s’interprète directement comme une

4.3.2.Résultats et discussion : un peuplement très en sécurité mécaniquement.

compensation entre les dimensions mises en jeu dans le moment de flexion et celle mises en jeu dans la résistance à la casse. Les dominés possèdent un diamètre au cube 3,9 fois inférieur en moyenne à celui des arbres dominants mais la différence de hauteur est par contre assez faible. D'après notre modèle statique, on peut donc estimer que la combinaison de la surface de prise au vent par l'exposition des arbres dominés est environ 4 fois plus faible que celle des dominants, ce qui compense leur plus faible diamètre. D'un point de vue pratique, le rapport H/D peut toutefois présenter un garde-fou lors du choix des arbres dans une éclaircie. En effet, une fois la canopée ouverte, l'exposition des arbres augmente si bien que l'allométrie des dimensions ne joue plus son rôle compensateur. Albrecht et al. (2012) ont démontré qu'une éclaircie intense par le haut, qui consiste à enlever prioritairement les arbres de plus faible H/D déstabilisait mécaniquement beaucoup plus les arbres restants qu'une éclaircie par le bas (où l'on retire principalement les arbres avec le plus fort H/D). On peut conclure que l'augmentation d'exposition après une éclaircie est plus importante pour les arbres de statut social inférieur. L'appréciation de la bonne combinaison entre intensité de l'éclaircie, nature de l'éclaircie est toutefois difficile à doser car elle dépend de l'exposition au vent du site. A mon avis, les modèles mécanistes d'estimation du risque (Gardiner, Quine, 2000) restent jusqu'à maintenant la meilleure méthode d'objectiver les décisions à prendre.

Prédire la vitesse critique et le risque de casse d'un arbre ou d'un peuplement est un exercice particulièrement délicat ; aussi il faut garder un regard critique sur la méthode utilisée. Le point le plus discutable consiste à estimer la vitesse critique en extrapolant les prédictions du modèle de déformation bien au-delà de son domaine de calibration (0-17m.s-1). Lorsque la vitesse du vent augmente, certains phénomènes apparaissent comme par exemple la casse de branches dans le houppier. Comme nous l'avons vu dans le paragraphe précédent, les parties supérieures de l'arbre devraient casser avant le tronc, réduisant la force de traînée. Améliorer la prédiction du risque à partir de la méthode présentée dans ce chapitre passera par l'augmentation des observations pour pouvoir accroître les faibles chances de mesurer les déformations d'un arbre pendant de très fortes tempêtes.

4.4. Conclusion

Au cours de l'année 2014, nous avons mesuré les déformations induites par le vent pendant plusieurs mois sur une trentaine d'arbres afin d'étudier les conséquences de l'acclimatation mécanique sur le risque de casse par le vent et sur la variabilité des déformations le long de la tige et entre arbres.

• Le peuplement s'est révélé particulièrement résistant au vent puisque même les arbres supposés plus fragiles n'auraient pas été brisés par les plus fortes tempêtes pouvant sévir sur la région. L'acclimatation mécanique des arbres a donc été réellement efficace en réduisant le risque de mortalité.

• Les 4 arbres où des mesures ont étés réalisées le long de la tige ont montré une intensité des déformations augmentant avec la hauteur et plus particulièrement dans le houppier, ce qu'ont confirmé les mesures de défilement au LIDAR terrestre. Nous rejetons donc l'hypothèse d'un

4.4.Conclusion

coefficient de sécurité uniforme le long de la tige entière. Cependant, en l'absence de mesure du comportement en fracture du bois, il ne faut pas écarter que le tronc sous le houppier ne présente pas de points faibles particuliers. Ce dimensionnement serait certainement avantageux pour résister au vent puisqu'il assure au houppier une meilleure capacité de reconfiguration à la fois élastique et plastique.

• Le statut social capture une grande partie de la variabilité des dimensions et de l'exposition au vent des arbres du peuplement. Pourtant les arbres dominants et dominés ont un régime de déformation maximale remarquablement similaire malgré des conditions de chargement – bras de levier et exposition – et de résistance – diamètre- a priori discriminantes. Nos travaux valident l'hypothèse d'un dimensionnement mécanique des arbres uniformisant les déformations maximales subies dans son mécanisme et dans ses sorties. En termes de force, la résistance de la tige, en moyenne 4 fois plus grande chez les arbres dominants, leur permet de supporter une force de traînée 4 fois plus grande due à leur houppier plus développé et exposé que celui des dominés.