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Chapitre 2.Un grand dispositif expérimental pour étudier la

2.1. Durée d'acclimatation du hêtre à une perturbation

2.2.1.Condition stationnelles...74 2.2.2.Le peuplement forestier...79 2.2.3.Choix des arbres...80

2.3.Mesures du vent, des déformations longitudinales et de la croissance...83

2.3.1.Les capteurs et équipements de mesures...83 2.3.1.1.Anémomètres...83 2.3.1.2.Capteurs de déformation...84 2.3.1.3.Capteurs de croissance radiale (dendromètres)...87 2.3.2.Mise en place des capteurs sur le terrain...90 2.3.2.1.Anémomètres...90 2.3.2.2.capteurs de déformation...91 2.3.2.3.Capteurs de croissance radiale (dendromètres)...97 2.3.3.Le traitement et la description du jeu de donnés...97 2.3.3.1.Vent...97 2.3.3.2.Déformations...101 2.3.3.3.Croissance radiale...105

2.4.Mesures de croissance complémentaires...107

2.5.Modélisation des flux d'eau et gestion de la sécheresse édaphique...108

2.6.Régimes artificiels de déformation...111

2.6.1.Le haubanage...111 2.6.2.Flexions artificielles...111

2.1.Durée d'acclimatation du hêtre à une perturbation.

2.1. Durée d'acclimatation du hêtre à une

perturbation.

Une condition préliminaire nécessaire au projet « Vent-éclair » est de s'assurer que le

peuplement étudié n'est pas dans la phase d'acclimatation qui suit une perturbation (fig.1.19). Pendant la thèse, j'ai co-encadré le stage de deux étudiants de Master 1 (Biologie et écologie pour la Forêt, l’Agronomie et la Gestion des Ecosystèmes), Samba Gueye et Belmys Coffee Capko, sur les réponses de croissance de peuplements de hêtre suite à des éclaircies d'intensité variée. Je vais synthétiser ici leurs résultats qui peuvent être considérés dans le cadre de cette thèse comme des expérimentations préliminaires (d’où leur présentation dans ce chapitre méthodologique) permettant d'estimer au bout de combien d'années l'influence d'une perturbation sur la croissance s'estompe (ce qui sera utile dans la § 2.2.2).

Ces travaux portent sur le site expérimental de Lyons-la-Forêt (Seine Maritime, France, Latitude 49°28’, Longitude 1°34’, altitude 190m), sur un essai dédié à l’étude des relations croissance-densité du peuplement dans différents scénarios sylvicoles (en particulier de nature et intensité des éclaircies). L'intérêt de ce site est multiple. Le climat est océanique et la fertilité est bonne, légèrement meilleure que celle du dispositif Vent-éclair (16 m de hauteur dominante à 30 ans) mais les conditions stationnelles sont relativement semblables à celles de Vent-éclair. Les âges des arbres sont comparables et il a bénéficié d'un des meilleurs suivi dendrométriques qu'on puisse trouver. Il est constitué de placettes de hêtres de 600 à 1400m2 plantés en 1981 à différentes intensités (2 500, 4 444, 10 000, et 40 000 tiges/ha. Les placettes ont suivi des trajectoires sylvicoles différentes. La moitié des placettes n'a jamais été éclairci. En 1995, à 18 ans, l'autre moitié des placettes a subi des éclaircies qui ramenaient la densité à environ 2000 tiges/ha, soit la densité observable du peuplement planté initialement à 2500 tiges/ha. L'intensité de l'éclaircie était donc très forte pour les placettes plantées à 10 000 et surtout 40 000 tiges/ha (intensité de l'éclaircie = 3 tiges/4 et 7 tiges/8 respectivement), et forte pour la placette plantée à 4444 tiges/ha (intensité de l'éclaircie : un peu moins d'1 tige/2). Sur chaque placette, la croissance en circonférence et en hauteur d'environ 60 arbres a été suivie régulièrement de 1995 jusqu'en 2013 (mesure des hauteurs à la perche tous les 3 ans, mesure de la circonférence tous les ans sauf en 2002, 2003, 2005, 2008, 2009). Nous avons comparé les accroissements en circonférence, en hauteur et l'évolution du rapport hauteur sur diamètre (H/D) entre les peuplements et au cours du temps à l'aide du test de comparaisons multiples de Tukey.

Le patron de réponses observé correspond tout à fait à celui décrit dans la littérature comme celui d'un «choc d'éclaircie» (Fig. 2. 1). Suite à une éclaircie, le rapport hauteur sur diamètre diminue rapidement avant d'atteindre un creux et d'augmenter à nouveau. Dans le même temps, les arbres non-éclaircis voient leur H/D augmenter (quelque soit la densité). Mitchell (2000) interprète la durée nécessaire à atteindre le point le plus bas comme la durée d'acclimatation mécanique à l'éclaircie, ce qui paraît justifié étant donné que la thigmomorphogénèse diminue le rapport hauteur sur diamètre comme nous l'avons vu dans le chapitre 1.2.2.2. Une autre manière d'établir que le peuplement est acclimaté, consiste à comparer le rapport H/D du peuplement éclairci avec celui du peuplement témoin ayant la même densité finale. Les 2 méthodes donnent des résultats différents

2.1.Durée d'acclimatation du hêtre à une perturbation.

puisque l'acclimatation est plus rapide avec la première méthode. Pour résumer, l'acclimatation à l'éclaircie durerait entre 3 et 9 ans pour le peuplement dont la densité initiale était de 40 000 tiges/ha, entre 1 et 3 ans pour celui à 10 000 tiges/ha et aucune des deux méthodes n'est capable de discerner la durée d'acclimatation après la plus faible éclaircie (tableau 2. 1). Cette diminution du rapport H/D est principalement due à une augmentation rapide et forte de la croissance en diamètre du hêtre pendant plusieurs années (entre 11 et 12 ans pour la densité initiale 40 000, 9-11 ans pour la densité initiale 10 000 tiges/ha et moins de 5 ans pour l'éclaircie la moins forte, tableau 2. 2).

Tableau 2.1: Évolution du rapport hauteur sur diamètre entre peuplements et au cours du temps.

Les 3 premières lignes sont une comparaison année par année du H/D entre le peuplement éclairci à la densité de 2 000 tiges/ha et le peuplement initialement planté à 2 500 tiges/ha dont la densité en 1995 était environ de 2 000 tiges/ha. Dans les 3 dernières lignes, la différence de H/D entre chaque année et l'année de référence (ref, année où le H/D est minimum) est établie par un test de Tukey. + différence positive significative de H/D entre le peuplement éclairci et le peuplement témoin ou entre une année donnée et l'année de référence (p<0,05) et pas de différence significative.

Tableau 2.2: Évolution de l'accroissement en diamètre entre peuplements au cours du temps.

La comparaison année par année est réalisée à chaque fois entre le peuplement éclairci à la densité de 2 000 tiges/ha, le peuplement témoin de même densité initiale et le peuplement

initialement planté à 2 500 tiges/ha dont la densité en 1995 était environ de 2 000 tiges/ha (test de Tukey).+ différence positive significative d'accroissement entre le peuplement éclairci et les autres peuplements (p<0,05) et pas de différence significative.

âge 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34

âge de l'éclaircie 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

Eclaircie 4 444 / Temoin 2 500

Eclaircie 10 000 / Temoin 2 500 + + + + + + +

Eclaircie 40 000 / Temoin 2 500 + + + + + + + + + +

Eclaircie 4 444 / Eclaircie 4 444 en 1998 ref + + + + + + + +

Eclaircie 10 000 / Eclaircie 10 000 en 1998 + ref + + + + + + +

Eclaircie 40 000 / Eclaircie 40 000 en 2001 + + + ref +

âge 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 âge de l'éclaircie 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 Eclaircie 4 444 / Temoin 2 500 + + Eclaircie 4 444 / Temoin 4 444 + + + + + Eclaircie 10 000 / Temoin 2 500 + + + + + + + + + + + Eclaircie 10 000 / Temoin 10 000 + + + + + + + + + Eclaircie 40 000 / Temoin 2 500 + + + + + + + + + + + Eclaircie 40 000 / Temoin 40 000 + + + + + + + + + + + + + +

2.1.Durée d'acclimatation du hêtre à une perturbation.

Il est d'ailleurs intéressant de constater que même après l'acclimatation supposée du hêtre, la croissance radiale reste supérieure à celle des arbres témoins pendant encore quelques années. A l'inverse, la croissance en hauteur des arbres éclaircis diminue significativement les premières années (les 6 premières pour la densité initiale 40 000, pendant 3ans pour la densité initiale 10 000 tiges/ha et entre 0 et 3ans pour l'éclaircie la moins forte selon la manière de la comparer). Les résultats entre placettes sont très cohérents. Ils suivent le même patron de croissance et les différences entre placettes témoins et éclaircis sont d'autant plus marquées que l'éclaircie était forte. Globalement, nous pouvons conclure que la durée d'acclimatation d'un perchis de hêtre à une perturbation de la canopée très forte est inférieure à 9 ans et certainement beaucoup plus proche de 3-4ans.

Figure 2.1: Choc d'éclaircie sur la placette plantée à 10 000 tiges/ha. A chaque fois, la

placette éclaircie est en orange (croix), la placette témoin plantée à 2500 tiges/ha est en noir (rond) et celle témoin plantée à 10 000 tiges /ha en noir (enveloppe tireté, croix). Les

enveloppes correspondent aux intervalles de confiance calculés avec un risque de 5 %.

En haut : rapport hauteur sur diamètre à 1m30. La durée d'acclimatation, estimée comme la

durée nécessaire pour atteindre le point le plus bas du rapport H/D, est ici de 4 ans.

2.1.Durée d'acclimatation du hêtre à une perturbation.

Ce dispositif unique nous a permis d'étudier proprement le choc d'éclaircie et de mettre en évidence l'acclimatation rapide du hêtre à des perturbations fortes de la canopée. Encore une fois, il est important de répéter que les arbres s'acclimatent à l'ensemble des changements environnementaux induits par l'éclaircie. Toutefois il est rassurant de constater que les réponses de croissance observées vont parfaitement dans le sens d'un syndrome thigmomorphogénétique et d'une acclimatation aux nouvelles conditions d’exposition au vent et de rugosité du couvert. Il nous permet aussi de penser qu’une forêt non perturbée pendant 3-4 ans a probablement eu le temps d’établir une morphologie (et des propriétés mécaniques) évoluant sur une tendance acclimatée à leur microclimat.