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1.5. Choix effectués.

1.5.1. Limiter l'observation de la réponse à la croissance radiale

La thigmomorphogénèse induit un patron de croissance relativement complexe à l'échelle de l'arbre et il est difficile de suivre l'ensemble des réponses. Nous avons choisi de nous focaliser sur la croissance radiale du tronc pour plusieurs raisons.

• C'est la mesure la plus simple à réaliser sur de grands arbres et les dendromètres automatiques sont des instruments relativement abordables pour suivre la croissance radiale avec une grande résolution temporelle

• La réponse de croissance est très locale par rapport à la zone stimulée mécaniquement. • Le tronc a une importance vitale et doit donc être bien protégé (contrairement à des branches

du houppier qui peuvent casser sans compromettre la survie de l'arbre). On s'attend donc à des réponses de croissance radiale importantes.

• La croissance radiale a une grande importance économique car elle contribue en grande partie à la croissance en volume de l'arbre, et donc à la production de bois ou le stockage de carbone.

Ce choix restreint en conséquence la notion de perception étudiée. Un stimulus n'est considéré comme perçu que s'il entraîne une réponse de croissance radiale observable. Il est donc possible que des stimuli soient considérés comme non perçus au cours de ce travail alors qu'ils auront induit une réponse de croissance dans le houppier ou les racines (processus non observés). Nous avons par ailleurs privilégié le suivi cinétique de la réponse car elle est la plus informative de la composante temporelle de la réponse et ne nécessite pas de mesures destructives. C’est pourquoi nous avons privilégié les réponses de croissance en dimension et ne nous sommes pas intéressés aux réponses à l'échelle moléculaire ou en termes de propriétés anatomiques des tissus formés, même si elles ont aussi lieu localement dans la zone stimulée et bien qu'elles apporteraient des informations complémentaires utiles

1.5.2. Mesurer la déformation longitudinale avec une forte

résolution temporelle

Mesurer directement le stimulus mécanique qui provoque la thigmomorphogénèse i.e. les déformations longitudinales dans les cellules périphériques du cambium, a été un choix qui fait radicalement l'originalité de cette étude. En effet, modéliser les déformations est un travail difficile qui nécessite de nombreuses données et des hypothèses parfois osées pour mettre en œuvre un modèle de transfert du vent météorologique aux déformations localisées. Au début de ma thèse, de nombreux mécaniciens doutaient de notre capacité à évaluer le signal thigmomorphogénétique car ils pensaient que j'aurais a priori besoin d'un modèle mécanique complexe, validé à différentes échelles temporelles. Or les travaux antérieurs sur la thigmomorphogénèse garantissent que les déformations sont le signal perçu. De plus, ces déformations sont aussi une variable pertinente pour

1.5.2.Mesurer la déformation longitudinale avec une forte résolution temporelle

évaluer la marge de sécurité par rapport à la casse du tronc. Enfin, elles sont directement mesurables avec des capteurs déjà éprouvés (par exemple (Moore et al., 2005)) avec une bonne résolution temporelle, qui permettra ensuite de s'interroger sur les constantes de temps les plus pertinentes. On peut donc s'affranchir du recours à un modèle compliqué de comment la force du vent se transmet dans la structure, et évaluer par la même mesure de déformation à la fois le stimulus mécanique du processus d'acclimatation et la sécurité mécanique dans l'état d'acclimatation.

1.5.3. Expérimenter pour garantir des stimuli significatifs et

contrôlés

Mesurer le stimulus dans un peuplement forestier n'est pas suffisant pour étudier le processus d'acclimatation au vent. Il est également indispensable d’expérimenter. D'une part, étant donné les corrélations fortes entre micro-climat lumineux et mécanique, seul le haubanage permet de séparer l'effet mécanique du vent, d'autres effets « confondants » (autres effets du vent, lumière...) sur la croissance. D'autre part, étant donné que le peuplement dans sa phase initiale est supposé acclimaté au vent, la thigmomorphogénèse devrait y être assez peu fréquente et donc délicate à mesurer. Des flexions artificielles additionnelles permettent alors de créer un régime de stimulation contrôlé, notamment plus soutenu que le régime naturel, afin d'observer la réaction des arbres. Ce type d'expérimentation peut aussi être utile pour étudier une possible saturation de la réponse des arbres aux stimuli mécaniques.

1.5.4. Travailler sur un peuplement et une essence typiques de la

forêt française en justifiant leur intérêt écologique et sylvicole

Le choix de l'essence à étudier s'est porté sur le hêtre (Fagus sylvatica L.). En France, il s'agit de l'essence feuillue majeure (avec les chênes sessiles et pédonculés) puisqu'il constitue l'essence principale d'1 300 000 ha en France soit environ 10 % des forêts françaises. 57% des hêtraies sont présentes en forêts publiques et notamment en forêts domaniales. Le hêtre est aussi largement réparti sur une grande partie de l'Europe, en latitude de la Sicile, jusqu'au sud de la Scandinavie et longitudinalement du Nord du Portugal jusqu'en Ukraine où subsistent encore quelques reliques de forêts primaires. En tout, il recouvre plus de 14 millions d'hectares, en plaine ou en basse montagne. Dans le référentiel phytosociologiques Corine Biotope, les hêtraies représentent une dizaine d'habitats différents en Europe. Le hêtre est une essence climacique avec un cycle de vie long (plus de 500 ans), à la maturité sexuelle tardive (environ 50 ans) et qui peut atteindre des hauteurs de plus de 40 mètres. C'est donc une essence qui doit a priori garder une sécurité importante par rapport aux risques mécaniques, tout du moins jusqu'à ce qu'il puisse se reproduire. De plus, le hêtre est tolérant à l'ombre et il peut rester de nombreuses années en croissance très lente dans le sous-étage, en attendant une trouée dans le couvert. Le cas échéant, sa réaction est forte (Trotsiuk et al., 2012). Pretzsch, Schütze (2005) ont notamment montré qu'il s'agissait d'une espèce avec une grande capacité d'occupation de l'espace par son houppier. Or qui dit augmentation rapide de la prise au vent, dit nécessité de se renforcer face au vent. On s'attend donc à ce que la thigmomorphogénèse représente une composante significative des réponses de croissance importantes après éclaircie chez cette espèce. Par ailleurs, le marché du hêtre est en crise

1.5.4.Travailler sur un peuplement et une essence typiques de la forêt française en justifiant leur intérêt écologique et sylvicole

depuis une dizaine d'années, notamment du fait de la tempête de 1999 qui a mis sur le marché un important stock de hêtre de qualité médiocre, provoquant un effondrement des prix. Cette crise tend à se résorber aujourd'hui, mais elle justifie de travailler sur l’endurcissement au vent des hêtres par thigmomorphogénèse sur un plan finalisé. Enfin, sur le plan pratique, le bois de tension du hêtre présente un aspect nacré lorsqu'il est observé avec une lumière rasante sur une section transversale. Des techniques tirent partie de cette propriété pour cartographier le bois de réaction du hêtre (Barbacci et al., 2008). Bien qu'aucuns travaux n'aient été réalisés sur le bois de hêtre fabriqué sous fortes contraintes thigmomorphogénétiques (bois de flexion), il est probable qu'une telle technique puisse être également utilisée.