• Aucun résultat trouvé

1.2. Synthèse bibliographique

1.2.2. Mécano-perception et thigmomorphogénèse

L'arbre n'est pas seulement un système passif qui oscille au gré du vent. Il s'agit d'un être vivant capable de percevoir ses variations d’état mécanique sous l’effet des chargements liés à son environnement et d'y répondre.

1.2.2.1. Observations de la mécano-perception.

Il n'y a pas de démonstration plus immédiate à nos sens de la capacité des plantes à percevoir leur environnement mécanique que celle de la Sensitive (Mimosa Pudica, voir Fig.1.8) qui replie ses folioles après qu'un doigt l'ait effleuré (Braam, 2005). Si cette plante nous passionne, c'est à cause de sa réaction rapide, qui met en jeu des tissus sensibles spécifiques et des échanges d'eau rapides entre les cellules qui provoquent le mouvement (Braam, 2005).

1.2.2.1.Observations de la mécano-perception.

Dans la nature, les plantes sont continuellement soumises à des efforts et des stimulus mécaniques externes très variés : des insectes et oiseaux qui atterrissent et décollent, des grands herbivores qui non seulement « arrachent » les herbes qu'ils consomment mais qui les piétinent aussi, de l'ensevelissement sous la neige ou le sable, du poids des plantes épiphytes et grimpantes sur leur support... Et bien sur le vent qui constitue avec la gravité la principale force externe à laquelle sont soumises toutes les plantes aériennes (de Langre, 2008 ; Ennos, 1997). Si la très grande majorité des plantes ne réagissent pas de manière aussi spectaculaire que la Sensitive, il ne faut pas croire qu'elles ne sont pas capables pour autant de réagir à un stimulus mécanique. La plupart des réactions se font seulement à des vitesses beaucoup plus lentes à l'échelle de la croissance. La thigmomorphogénèse, qui signifie littéralement en grec « formation de la forme et l'architecture par le toucher » désigne la capacité des plantes à modifier leur croissance et leur forme suite à un stimulus mécanique (Jaffe, 1973). Dans certains cas, la croissance est orientée dans une direction particulière par rapport au stimulus (vers le stimulus ou dans la direction opposée) et on parle alors de thigmotropisme. Un exemple bien connu de thigmotropisme est donné par la croissance des vrilles de la vigne, ces organes spécialisés qui recherchent le contact d'un support en s'enroulant autour (Darwin, Darwin, 1897 ; Jaffe, Galston, 1968).

1.2.2.2. Syndrome thigmomorphogénétique.

Les réactions de croissance aux stimuli mécaniques se faisant dans la nature lentement et en superposition avec quantité de stimuli, c'est plus par l'expérimentation que par l'observation que la mécano-perception des plantes et la perception du vent par les arbres en particulier a été mise en évidence (voir la fig.1.9). Déjà (Knight, 1803) tuteurait des pommiers et comparait leur croissance avec des arbres libres de leur mouvement. Le tuteurage ou le haubanage dans le cas d'arbres de grandes tailles est donc devenu une pratique courante pour mettre en avant la perception du vent (Blackburn, 1997 ; Holbrook, Putz, 1989 ; Meng, Lieffers, et al., 2006). Bang et al. (2010) compara la croissance de plantes (Encelia farinosa) abritées ou non du vent par des panneaux brises-vent Figure 1.8: Feuilles de Sensitive avant stimulation (a) repliement après quelques secondes après stimulation (b).

1.2.2.2.Syndrome thigmomorphogénétique.

(mais cette approche est moins adaptée car elle ne permet par de faire la part entre les effets mécano-perceptifs du vent d'une part et des effets évaporatifs et thermiques de l'autre (cf § 1.2.1.2).

A l'inverse, un grand nombre d'expérimentations ont stimulé artificiellement tout ou partie de la plante, en les fléchissant manuellement (Coutand et al., 2009 ; Morel et al., 2012 ; Telewski, 1989) ou à l'aide d'une table vibrante (Der Loughian, 2012). Il est également possible d'augmenter la prise au vent d'arbres en ajoutant des voiles ou des manches à air comme l'on fait (Blackburn, 1997 ; Lundqvist, Valinger, 1996). Certaines études ont artificiellement créé du « vent » à l'aide de ventilateurs (Knight et al., 1992 ; Smith, Ennos, 2003) et on pourrait envisager l'utilisation de souffleries plus élaborées (Rudnicki et al., 2004) (mais on retrouve ici aussi la confusion des effets vue pour le cas des brises-vents). Enfin Gagliano et al. (2012) ont même réussi à démontrer que les plantes étaient sensibles au son, qui n'est autre qu'une vibration mécanique haute fréquence.

La grande majorité des expériences sur la thigmomorphogénèse, réalisées en conditions contrôlées, ont permis de décrire les réponses caractéristiques suivantes :

• Une diminution de la croissance en longueur des axes (Coutand, 2010 ; Coutand et al., 2008 ; Meng, Lieffers, et al., 2006 ; Morel et al., 2012). Cette diminution affecte non seulement la tige principale mais également l'ensemble des branches (S. Meng et al., 2006; Morel et al., 2012) ainsi que la surface foliaire (Anten et al., 2010 ; Telewski, Pruyn, 1998) Figure 1.9: Différentes techniques d'étude de la mécano-perception et de la

thigmomorphogénèse due au vent :

a) limiteur de course (Moulia, Combes, 2004); b) haubanage ; c) abri au vent (plantes à droite) (Bang et al., 2010) ; d) flexion artificielle; e) soufflerie (Vollsinger et al., 2005); f) ajout de voile ou de manche à air (Blackburn, 1997)

1.2.2.2.Syndrome thigmomorphogénétique.

• Une augmentation de la croissance en diamètre des tiges et des branches chez les plantes disposant d'un cambium (Coutand, 2010 ; Coutand et al., 2009 ; Jacobs, 1954 ; Moore et al., 2014 ; Watt et al., 2005). Un point important à noter est que l'augmentation de la croissance en diamètre est étonnamment localisée au lieu de la stimulation mécanique chez les arbres (Fig. 1. 10).

• Une augmentation de la croissance racinaire (Coutand et al., 2008 ; Reubens et al., 2009 ; Stokes et al., 1997) avec des racines plus longues et de plus grosses sections.

• Une modification de l’architecture racinaire et aérienne. Richter et al. (2009) a mis en évidence qu'une flexion transitoire de 20s était suffisante pour initier la genèse de nouvelles racines latérales chez Arabidopsis Thaliana. La thigmomorphogénèse augmente aussi le nombre de branches portées par les axes, chez la rose (Morel et al., 2012).

• Une diminution de la capacité des plantes à se reproduire sexuellement (Braam, 2005 ; Cipollini, 1999 ; Niklas, 1998a) (Fig. 1. 1 1 b).

• Une modification des propriétés mécaniques des végétaux comme le module d'élasticité ou le comportement à la rupture (Badel et al., 2015). Dans le cas d'espèces monocotylédones, le tuteurage de blé ou de maïs augmente le module d'élasticité de la tige et surtout celui des racines (Crook, Ennos, 1996 ; Goodman, Ennos, 2001). A l'inverse, chez les dicotylédones, et chez les arbres en particulier, les stimulations mécaniques diminuent le module d'élasticité de la tige (Kern et al., 2005 ; Telewski, 1989 ; Badel et al., 2015). Telewski (1989) proposa le premier l’appellation de bois de flexion par analogie au bois de réaction pour désigner le bois formé sous l'effet de la thigmomorphogénèse.

Malgré ces profondes modifications, la biomasse totale des plantes stimulées mécaniquement est souvent comparable à celle des plantes témoins (Anten et al., 2005 ; Coutand et al., 2008 ; Niklas, 1998b ; Reubens et al., 2009). Quelques études ont toutefois trouvé que la thigmomorphogénèse pouvait diminuer la biomasse totale produite (Anten et al., 2010 ; Reubens et al., 2009). La vision la plus partagée est que la thigmomorphogénèse modifierait très fortement l'allocation de la biomasse et peu ou pas l'acquisition de ressource (Fig.1. 1 1 a). Une partie des

photosynthétats alloués en l'absence de sollicitation mécanique à la croissance primaire des tiges et des feuilles d'une part et à celle des organes de la reproduction sexuée d'autre part serait donc réorientée suite à la perception de l'environnement mécanique, au profit de la croissance racinaire et de la croissance en diamètre des axes.

L'étude de la cinétique de croissance avec une fine résolution temporelle a permis la caractérisation précise des effets d'une unique flexion d'intensité contrôlée. Coutand et al. (2000) ont ainsi montré qu'un stimulus mécanique provoquait un arrêt quasi immédiat de la croissance chez la tomate pendant une heure environ. La croissance primaire retrouvait une vitesse identique à celle du témoin 9h après le stimulus, sans aucune compensation. La diminution de la taille des axes de plantes stimulées par rapport à des plantes témoins observée dans les expériences discutées précédemment serait donc due à des arrêts de croissances répétées. Dans le cas de la croissance secondaire, un stimulus mécanique provoque comme pour la croissance primaire, un arrêt de croissance pendant environ 4h chez le peuplier (Coutand et al., 2009). La croissance secondaire est

1.2.2.2.Syndrome thigmomorphogénétique.

par contre ensuite fortement augmentée pendant 3 jours en moyenne après le stimulus ce qui fait plus que compenser l'inhibition initiale (Fig. 1. 1 2) et explique l'augmentation caractéristique de l'épaisseur des axes dans les expériences précédentes.

Le niveau de stimulation dans les expériences en conditions contrôlées a souvent été très fort pour maximiser les réponses des plantes, dans le but probable de faire reconnaître l'importance de la thigmomorphogénèse à la communauté scientifique. Telewski (1989) a par exemple fléchi de jeunes plants d'Abies frasieri 20 fois par jour à 45° pendant toute une année de végétation. Sur du peuplier, Coutand et al. (2009) a imposé des déformations de 1% à 10%, ce qui est très fort et probablement dans le domaine plastique du bois. Ces régimes de stimulation sont sans doute peu représentatifs du régime de déformation au vent subi par les plantes dans la nature et ne permettent pas de conclure sur l'importance écologique de la thigmomorphogénèse. Pire, des expériences qui croisaient les effets du vent et ceux de flexions artificielles ont même démontré que la croissance et les propriétés mécaniques de tiges de tournesol ou de plantain (Plantago major) stimulés soit par le vent soit par des flexions s'opposaient (Anten et al., 2010; Smith and Ennos, 2003) ! Mais là encore les stimulations étaient particulièrement simplistes, d'une part car les flexions artificielles étaient très fortes et que le vent artificiel soufflait assez peu (moyenne de 1,5 et 2,3 m.s-1) mais sans discontinuer. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que seuls les effets du vent sur la photosynthèse et les flux de matière et d'énergie (§1.2.1.2) aient été mis en avant devant ses effets thigmomorphogénétiques.

Figure 1.10: Modification locale de la croissance secondaire par thigmomorphogénèse.

A gauche, coupe transversale d'Abies fraseri (Telewski, 1989) témoins (A) ou soumis à des flexions répétées (B) en aller-retour dans une direction (celle de la flèche). A droite, coupe longitudinale d'un pin radiata (Moore et al., 2014) haubané pendant plusieurs années (C). Dans les 2 cas, on observe bien une réponse locale de la croissance secondaire dans les zones les plus stimulées dans la direction de la flexion (B) et au-dessus du point de haubanage (C).

1.2.2.2.Syndrome thigmomorphogénétique.

Une autre limite forte des expériences en conditions contrôlées concerne l'âge des arbres puisqu'elles sont très souvent mises en place sur de jeunes plants. La thigmomorphogénèse chez des arbres adultes à forte complexité architecturale est beaucoup moins connue. Les rares expériences sur de grands arbres ont consisté à réduire les stimulus mécaniques en conditions naturelles à l'aide de haubans (S. Meng et al., 2006; Moore et al., 2014) et à comparer la croissance avec des témoins après plusieurs mois ou plusieurs années de croissance. Qualitativement, le patron de réponses observé en conditions naturelles est très cohérent avec celui observé en condition contrôlées. D'un point de vue quantitatif et de façon peut être surprenante, ces réponses de croissance sont très fortes, montrant par là même que l'effet majeur du vent sur la croissance des plantes est bien un effet mécanique. Par exemple, la croissance secondaire moyenne de Pins de Monterey (Pinus radiata D. Don) haubanés était presque deux fois plus faibles que celle de pins libres après 4 ans de haubanage dans une plantation de Nouvelle-Zélande (Moore et al., 2014). Similairement, le haubanage de Pins tortueux (Pinus contorta Dougl. Ex Loud. var. latifolia Engelm.) a montré une croissance en hauteur 40 % plus importante les 4 années qui ont suivi le haubanage par rapport aux 4 années de référence qui l'ont précédé (S. X. Meng et al., 2006). Dans le même temps, la croissance des arbres témoins a diminué de 20 % par rapport à la période de référence.

Figure 1.11: Patron de réponses caractéristiques de la thigmomorphogénèse

a) plants de merisier fléchis 8 fois par jour. On voit clairement que la thigmomorphogénèse augmente la croissance racinaire et diminue la croissance primaire. La biomasse totale reste la même entre le plant fléchi et le plant témoin.(Coutand et al., 2008)

b)Effet d'un brossage 2 fois par jour pendant 4 semaines sur la hampe florale d'Arabidopsis thaliana.(Braam, 2005)

1.2.2.2.Syndrome thigmomorphogénétique.

A travers ces multiples expériences, on peut conclure que les réponses de croissances associées à la thigmomorphogénèse sont donc étonnamment génériques et importantes, bien qu'elles aient été observées sur des espèces très différentes (angiospermes, gymnospermes, herbacées, arbustes et arbres), de tailles très différentes et dans des environnements bien distincts, si bien que certains auteurs n'hésitent pas à parler de syndrome thigmomorphogénétique (Coutand, 2010). Ce patron universel cache par contre une variabilité génétique dans l'intensité de la réponse qui n'a jusqu'alors pas été très étudiée (Kern et al., 2005)

1.2.2.3. Mécanisme de la mécano-perception et de la thigmomorphogénèse

En biologie cellulaire, la transduction d'un signal désigne la perception de ce signal par des récepteurs spécifiques d'une cellule entraînant une cascade de réactions internes se traduisant in fine par la modulation (activation ou inhibition) de l'activité de gènes spécifiques. Dans le cas de la thigmomorphogénèse, il s'agit de convertir un signal mécanique externe en signal chimique interne à la cellule. Knight et al. (1992) a clairement démontré que des stimulations mécaniques entraînaient très rapidement (quelques secondes) une forte augmentation de la concentration

cytosolique en Ca2+, faisant jouer à cet ion un rôle central dans la chaîne de transduction du signal mécanique vers une réponse biochimique.

De nombreux travaux se sont donc portés vers la recherche d'acteurs de la mécano- perception, protéines et gènes, autour de l'ion Ca2+ (Kurusu et al., 2013) et des autres ions en génnéral. Concernant les récepteurs primaires, des canaux de la membrane, on a cherché des canaux de la membrane cellulaire dont l'ouverture serait provoquée par une augmentation de la tension membranaire. Ce mécanisme était bien connu chez les bactéries et on a aussi découvert chez les eucaryotes (plantes, animaux et fungi) des canaux mécano-sensibles (on trouve souvent les termes de MscL ou MscC pour « mechanosensitive channel of large or small unitary conductance »)

Figure 1.12: Cinétique de la réponse de croissance radiale du peuplier suite à une flexion.

(A) Une flexion augmente la croissance radiale pendant 3 jours avant de revenir à la croissance moyenne avant flexion (trait horizontal hachuré). La croissance en diamètre était remise à zéro tous les jours d’où les discontinuités. (B) zoom sur les premières heures : la flexion entraîne une diminution légère du diamètre et un arrêt de croissance pendant 4h. Extrait de Coutand et al. 2009.

1.2.2.3.Mécanisme de la mécano-perception et de la thigmomorphogénèse

(Kung, 2005). Des canaux s'apparentant aux MscC ont été les plus sérieux candidats (Monshausen, Gilroy, 2009) puisque leur activation par une tension de la membrane augmente les flux membranaires d'ions (Cl-, K-). Plus récemment on a aussi découvert des canaux calciques mécano- sensible nommé MCA (Kurusu et al., 2013). Le problème actuel est que les plantes mutantes pour ces canaux n'ont pas de phénotype apparemment défectueux : leur implication dans la thigmomorphogénèse n'est donc pas encore établie (Coutand, 2010). On a donc cherché une autre voie possible de perception. Dans le règne animal, les intégrines sont des protéines de la membrane ayant un rôle vital car elles transmettent les déformations mécaniques de la matrice extra-cellulaire au cytosquelette. Par analogie, des recherches se sont portées sur une protéine similaire de la membrane qui adhérerait à la paroi végétale et transmettrait ses déformations à l'intérieur de la cellule. Plusieurs protéines ayant de telles caractéristiques ont déjà été découvertes, les RLKs (« receptor like kinases ») et les WAKs (« receptor-like wall-associated kinases ») et THE1(Coutand, 2010 ; Monshausen, Haswell, 2013). Le défaut de cette seconde hypothèse est qu'il n'y a pas encore de lien clair avec l'entrée rapide du calcium dans les cellules. Bien qu'il soit évident que ces deux familles de protéines (canaux mécano-sensibles MS et protéines liantes RLK/WAK) doivent jouer un rôle dans la perception cellulaire, il reste encore difficile de savoir si l'un d'eux est bien le récepteur primaire qui déclenche toute la cascade de transduction ou s'ils interviennent dans un second temps et des travaux pour éclaircir leur rôle respectif doivent être poursuivis (Monshausen, Haswell, 2013). Comme le remarquait Coutand (2010), il est d'ailleurs probable que plusieurs récepteurs primaires coexistent car il est difficilement soutenable qu'une unique voie de transduction puisse permettre la régulation de la croissance face à la grande variabilité des signaux mécaniques externes. Parmi les faits marquants de la cascade de réactions physiologiques qui composent la transduction du signal mécanique, outre l'entrée de Ca2+, on a aussi observé une accumulation de ROS (reactive oxygen species) tel H2O2 dans l'espace extra-cellulaire. Ce dernier s'acidifie aussi très rapidement (quelques minutes) (Coutand, 2010 ; Chehab et al., 2009 ; Telewski, 2006).

Parallèlement, les avancées en biologie moléculaire et en génomique ont permis de découvrir un certain nombre de gènes impliqués dans la mécano-perception. En 1990, on connaissait déjà quelques gènes qui étaient rapidement sur-exprimés après une simulation tactile : les gènes TCH (pour « touch inducible) (Braam, Davis, 1990). Plus récemment, un criblage complet du génome d'Arabidospis thaliana a révélé que plus de 760 gènes (2,5 % du génome) étaient sur- exprimés après une stimulation tactile (Lee et al., 2005) ! Parmi ces gènes, un grand nombre synthétisent des protéines calmodulines (CML et CaM) qui se lient à Ca2+ pour former un complexe. Des gènes synthétisant des enzymes remodelant la paroi végétale comme les gènes THX sont aussi largement représentés. Il est très intéressant de constater aussi que beaucoup de gènes sont aussi sur exprimés lorsque la plante est confrontée à d'autres stress environnementaux (froid, chaleur, ombre). 2 facteurs de transcription homologues (et le gène correspondant), PtaZFP2 et JrZFP2, ont été découverts chez le peuplier (Pta= Populus tremula*alba) et le noyer (Jr = Juglans regia) et se sont révélés particulièrement importants dans les toutes premières phases de la mécano- perception et de l'inhibition de croissance (Leblanc-Fournier et al., 2008 ; Martin et al., 2014).

1.2.2.3.Mécanisme de la mécano-perception et de la thigmomorphogénèse

l'échelle de la plante, la transmission à longue distance suit l'étape de transduction intracellulaire. Les hormones sont des acteurs classiques de la transmission longue distance d'informations chez les plantes. On sait que nombre d'entre elles sont mises en jeu pendant une réaction thigmomorphogénétique. Il y aurait synthèse d'éthylène ou de jasmonates (Chehab et al., 2009). La synthèse d'éthylène est non seulement une réaction typique de la thigmomorphogénèse (Telewski, Jaffe, 1986) mais également à de nombreux autres stress environnementaux. L'auxine, mise en jeu dans la croissance primaire, verrait sa concentration diminuée à cause de la synthèse d'une enzyme la dégradant (Chehab et al., 2009). Par ailleurs, Jaffe et al. (1985) ont mis en évidence une synthèse de callose qui se dépose dans le phloème et en obstrue les tubes environ 1 à 2 heures après une stimulation mécanique. Ce mécanisme pourrait bloquer le transport d'hormones dans le phloème modifiant localement la régulation de la croissance. Dans le cas de l'arrêt de la croissance primaire, il est évident qu'un transport rapide d'informations du lieu du stimulus mécanique vers les méristèmes apicaux se produit et la conduction d'hormones n'est pas assez rapide pour l'expliquer (Moulia et al., 2011). Les plus sérieux candidats de ce mécanisme de transmission rapide sont des ondes de dépolarisation membranaire (Julien et al., 1991) (à l'instar des influx nerveux dans le règne animal) ou plus récemment des ondes de pression dans la sève xylémienne (Lopez et al., 2014) qui présentent des propriétés très intéressantes. Elles se déplacent en effet très vite vers les méristèmes apicaux mais aussi racinaires et leur intensité est proportionnelle aux déformations.

1.2.2.4. S3m, un modèle quantitatif de mécano-perception.

L'étude de la mécano-perception est restée longtemps qualitative et c'est l’équipe Méca du PIAF à Clermont-Ferrand qui est la première à avoir développé et validé un modèle, appelé S3m pour « Sum of Straing-Sensing model » (au cours d’une série de papiers synthétisée dans Moulia et al., 2011, 2015). Ce modèle est fondé sur la perception par les cellules vivantes de la plante du

champ de déformations, et non des contraintes qui les ont engendrées. Ce sujet du signal perçu, contrainte ou déformation, était un point de débat dans la communauté de la mécano-biologie que les travaux du PIAF (Coutand, Moulia, 2000) ont permis de clarifier. Ces travaux ont aussi permis de mettre en évidence que faire varier l'amplitude de la flexion sur la même plante, ou faire varier les déformations issues de la même amplitude de flexion en utilisant différentes plantes de structures différentes pouvait se résumer à une loi unique, ce qui confirme tout le sens du signal « déformation ». On démontre ainsi l'intérêt pour la biologie de bien formaliser l'analyse mécanique, qui seule permet de transformer l'intensité de la flexion globalement appliquée en un signal de déformation perçu localement par les cellules vivantes puis intégré à l'échelle des méristèmes de la plante entière. Enfin, seule l'intensité des déformations semble être perçue et non le signe car une élongation provoque les mêmes effets qu'une contraction (Coutand, 2010) si bien