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vent.

De manière plus générale, l'étude de l'acclimatation des arbres forestiers au vent doit s'effectuer dans le cadre conceptuel d'une dynamique forestière rythmée par les perturbations, même si celui-ci peut être encore en partie hypothétique et faire l’objet d’évaluations expérimentales par la suite. Nous avons essayé de traduire cela dans un modèle qualitatif graphique présenté Fig. 1. 1 9 .

Figure 1.19 : Régime de vent, de déformations et dimensions d'un arbre au cours de 3 périodes caractéristiques de l'acclimatation au vent des arbres forestiers.

La perturbation peut être naturelle (dégâts de tempêtes...) ou anthropique (éclaircie...)

Graphique du haut : régime de la vitesse du vent au-dessus du couvert. La canopée post-

perturbation devrait être plus rugueuse et donc la vitesse de vent au-dessus du couvert diminuée.

Graphique central : ensemble des déformations subies (trait fin vertical noir) et perçues

lorsqu'elles dépassent le seuil de déformation (trait fin rouge rouge) ; seuil de perception des déformations (trait horizontal noir gras) ; déformation critique qui entraîne la rupture (trait horizontal pointillé rouge). La mortalité dans le peuplement a lieu lorsque les déformations subies dépassent les déformations critiques.

Graphique du bas : dimensions individuelles mise en jeux dans le moment de flexion ou dans la

résistance à la flexion.

1.3.Questions soulevées par la synthèse bibliographique.

peut faire l’hypothèse que les arbres sont acclimatés à leur environnement mécanique. Le couvert est totalement fermé. Le régime de déformation est donc le résultat d’une régulation. Celle-ci résulte de deux composantes. D’une part la relation entre les dimensions de l'arbre qui amplifient l'effet du vent (la hauteur du bras de levier, la prise au vent) et celles mises en jeu dans la résistance (le diamètre, le volume racinaire), a pu être ajustée aux conditions de vent par acclimatation thigmomorphogénétique au fur et à mesure de la croissance et du développement des arbres au sein du peuplement. D'autre part grâce à une perception des déformations (seuil de perception) adaptée au régime de déformation subi par le processus d’accommodation, on peut faire l’hypothèse que la thigmomorphogénèse est devenue un mécanisme qui n'est pas mis en jeu fréquemment. L'allocation des photosynthétats des arbres est donc en priorité modulée par l'acquisition des ressources (lumière...). Dans un peuplement non perturbé depuis longtemps, il y aurait donc toujours un risque faible et régulé de mortalité due au vent, la mortalité est par contre due à la compétition entre arbres pour les ressources et à d’autres perturbations externes (ex : stress hydriques …).

Juste après une perturbation du couvert (Fig. 1. 1 9, période 2), les arbres toujours sur pied deviennent immédiatement plus exposés aux effets mécaniques du vent. Les déformations subies sont plus fortes, bien que le régime de vent n'ait que peu changé. Nous pouvons donc supposer que la perception des déformations est beaucoup plus fréquemment stimulée dans la gamme de sensibilité, et que de ce fait l'activité thigmomorphogénétique est intense. En conséquence, la croissance des dimensions responsables de la flexion est ralentie alors que celle des dimensions de l'arbre mises en jeu dans la résistance s'accélère. Les changements de croissance sont bien sûr aussi une réponse aux autres modifications de l'environnement suite à la perturbation (disponibilité en ressources, signaux environnementaux), mais la part de ces différentes réponses (et les éventuels compromis) est très mal connue. C'est une période où le risque de chablis est beaucoup plus élevé à l'échelle du peuplement. La mortalité par compétition est par contre largement réduite à cause de la diminution de la pression sur les ressources. Cette situation évoluerait toutefois rapidement. En effet, il y a une possible accommodation rapide de la perception déclenchée par les nombreuses stimulations (augmentation du seuil de perception). Petit à petit, i) l'acclimatation individuelle des arbres aux vents et ii) le renfermement du couvert entraînent une atténuation progressive des déformations subies (ce qui diminue le risque de chablis), mais ces déformations sont aussi les déformations perçues qui déclenchent la thigmomorphogénèse. Les arbres regagneraient alors lentement plus de sensibilité mécanique du fait de leur recouvrance après réactions fortes et répétées avec un seuil de perception qui diminuerait pour suivre la trajectoire qui conduit à l'état stationnaire d'un peuplement fermé acclimaté..

Une fois l'acclimatation aux effets mécaniques de l'éclaircie terminée (Fig. 1. 1 9, période 3), les arbres se retrouvent donc de nouveau dans un état où le régime de déformation a été régulé et acclimaté aux conditions microclimatiques résultat de l’interaction vent-couvert, l'activité thigmomorphogénétique est plus faible ainsi que le risque de chablis. Le couvert est bien refermé. Quantitativement, le nouveau seuil de perception et donc la valeur stationnaire des déformations subies et perçues n'est pas nécessairement identique à l'état initial . L'allométrie entre les dimensions pourrait donc être différente de celle de la période initiale (écart entre les courbes bleues et rouges). La forme des courbes de la figure 1.19 (seuil de perception, dimensions...) est purement

1.3.Questions soulevées par la synthèse bibliographique.

qualitative car il n'existe pas encore de travaux quantitatifs.

L'étude exhaustive de l'acclimatation des arbres au vent en forêt doit s'intéresser aux 3 périodes décrites ci-dessus. C'est un des objectifs de l'expérimentation « Vent-éclair » (« éclair » pour éclaircie) menée par le LERFoB dans le cadre du projet ANR FORWIND qui vise plus généralement à « adapter l’aménagement forestier au risque vent ». Il s'agit évidemment d'un travail conséquent qui ne peut être mené à bien qu'avec 4-6 ans de travaux minimum, soit la durée estimée d'une acclimatation rapide à l'éclaircie. Ma thèse s'inscrit dans la conception de l'expérimentation « Vent-éclair » . J'ai tout d'abord eu la charge de formaliser clairement le cadre conceptuel d'acclimatation au vent décrit plus haut. Nous ensuite du limiter ma contribution à la caractérisation de la période 1, celle d'un peuplement où les arbres sont acclimatés au vent. Ce choix peut paraître paradoxal car il propose d'étudier la thigmomorphogénèse dans les conditions les moins propices puisqu'elle est a priori en concurrence forte avec d'autres fonctions biologiques plus importantes lorsque le couvert est fermé, comme la recherche de lumière. Mais il fallait bien commencer par caractériser l’état initial et nos hypothèses d’acclimatation présentées précédemment. Par ailleurs la période qui suit l'éclaircie est certes une période d'intense activité thigmomorphogénétique mais c'est aussi de loin la période la plus complexe à étudier. Il s'agit d'un régime transitoire où de très nombreuses modifications physiologiques ont lieu (n'oublions pas que l'arbre ne s'acclimate pas qu'au vent !). Pour cette raison, focaliser la thèse sur la première période n'est pas seulement une contrainte pratique mais a une justification théorique. Le projet Vent-éclair profitera de ses conclusions pour aborder plus confortablement la période complexe post-éclaircie. Enfin (et peut être surtout), avoir imaginé et mis en œuvre un protocole de caractérisation de la période initiale 1 permettra de la comparer efficacement avec la période 3, notamment pour savoir si les arbres reviennent à un état identique.

La période 1 est donc loin d'être dénouée d'intérêt. Au cours d'une discussion avec un écophysiologiste, j'ai compris que l'acclimatation pouvait être envisagée selon 2 points de vue, soit comme un processus physiologique actif, soit comme un état où la fitness est maximisée. Le processus physiologique focalise le point de vue sur la capacité physiologique des arbres à modifier leur croissance et/ou leurs propriétés anatomiques, en réponse à un signal environnemental. En s'intéressant à l'état acclimaté, on focalise le point de vue sur la résultante de ces réponses de croissance (en terme de dimension ou d'allométrie par exemple) et leur conséquence sur la capacité de l'individu à se maintenir dans son environnement. Pendant la discussion, nous ne nous comprenions pas : le point de vue de mon interlocuteur était celui de l'acclimatation en tant que processus physiologique, alors que pour ma part je n'arrivais pas à me défaire du point de vue de l'état acclimaté, qui porte une perspective plus écologique. En vérité, ces 2 aspects sont tout aussi valables (ou tout aussi faux), l'un que l'autre. Pour les concilier, il faut envisager l'arbre comme un système dynamique, en croissance dans un environnement fluctuant. L'acclimatation à son environnement ne se fait pas instantanément mais avec une trajectoire et une cinétique. Cette cinétique d'acclimatation combine d'une part le régime temporel du facteur environnemental, ici le vent, et bien sûr les caractéristiques mécano-perceptives de l'individu (est-ce que l'arbre perçoit souvent le vent ? Lorsqu'il le perçoit, quelle est le seuil de perception ?) et ses capacités de croissance et de développement (qui permettent la mise en place de la réponse d’acclamation). Si la

1.3.Questions soulevées par la synthèse bibliographique.

cinétique d'acclimatation est très lente, ce qui est a priori plutôt le cas pour les arbres d'un peuplement dans la période 1, alors le point de vue d'un état acclimaté stationnaire est assez pertinent. L'étude du processus d'acclimatation est pertinente est lorsque la cinétique d'acclimatation est rapide, comme dans la période 2 de notre schéma. Cette double vision qui prend en compte à la fois la trajectoire de croissance et l'état final doit permettre de combler un manque important dans notre compréhension de l'acclimatation des arbres au vent. Tous les modèles existants du dimensionnement des arbres (en particulier ceux que nous avons vus sur l’optimalité mécanique des tiges résultant de l’acclimatation au vent §1.2.2.7.i) n'étudient que l'état final, et des questions fondamentales comme la durée d'acclimatation à une perturbation de l'environnement mécanique par l'ouverture du couvert n'ont pas encore trouvé de réponses satisfaisantes car le temps n'est pas directement inclus dans les modèles. Dans d'autres domaines de la biologie, l'intégration du temps dans des modèles dynamiques ont fait leur preuve dans la compréhension de l'acclimatation de systèmes vivants (Geider et al., 1998 ; Thornley, 2004) en révélant des propriétés émergentes du processus et de la cinétique d'acclimatation.