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Résultats de l’enquête concernant l’enneigement

5 Quels sont les instruments de l’action publique aujourd’hui mobilisés pour adapter la gestion de

4.3 Résultats de l’enquête concernant l’enneigement

Le massif des Vosges est considéré comme un massif de « moyenne montagne ». Il se caractérise par des « petites » et « moyennes » stations de ski.

En ce qui concerne la perception de l’enneigement, les entretiens montrent des discours semblables à ceux développés sur les sécheresses et leur dynamique : l’existence d’une évolution du climat est souvent soutenue, parfois avec vigueur, mais son ampleur et sa portée sont toujours questionnées ou mises à distance (au nom de la variabilité, des incertitudes, d’une réversibilité, etc.) : « Il y a un

changement climatique, c’est clair, il y a des évolutions, mais bon, je ne sais pas si on est capable de dire si la neige va revenir ou pas d’ici quelques années, ou bien disparaisse totalement, peut-être mais à quelle échéance… » [Maire, commune n°16, enquête].

En ce qui concerne ensuite les sports d’hiver, les enjeux et logiques diffèrent selon la taille des stations (moyennes ou petites stations) :

Moyennes stations : une stratégie de résistance, jusqu’à quand ?

Dans les moyennes stations, dotées d’infrastructures importantes et d’un fort enjeu économique, la stratégie repose sur une promesse technique centrale : des canons à neige plus efficaces pour sécuriser la présence de neige aux moments clés de la saison (vacances scolaires, etc.) et évacuer la perspective d’une reconversion. L’argumentaire, essentiellement économique, se base sur l’importance du ski alpin pour le territoire et sur l’incapacité du tourisme quatre-saisons à assurer de telles retombées économiques. Les canons à neige représentent un coût mineur comparé aux investissements réalisés par exemple pour les remontées mécaniques. Les acteurs du tourisme de la neige considèrent en effet que « L’hiver ne va pas disparaître dans les 30 ou 40 ans. Après, on

s’adaptera puisque les prêts vont sur 25-30 ans » [Adjoint au maire, commune n°6, enquête]. Ils

estiment aussi que les canons à neige bénéficient d’un temps de retour sur investissement très court (4 à 5 ans d’après un élu). Les dernières générations de canons à neige, dont la présence remonte aux années 1980 dans le massif des Vosges, permettent de produire de la neige de culture plus vite, à des températures moins basses (à 0°, contre -2/-3° avant), et avec moins d’eau (1m³ d’eau pour faire 2m³ de neige). Les quantités d’eau mobilisées restent néanmoins importantes (60 000 à 100 000m³ pour une des principales stations, d’après un élu) et de nouvelles retenues, dont les maires

« Donc, je vois plus un dérèglement climatique dans un premier temps. Je ne dis pas que dans

vingt ans… mais dans l’immédiat, je ne pense pas qu’il y ait un changement énorme par rapport à… Par contre, comme je disais, il faut qu’on garantisse un enneigement, raison pour laquelle on a mis beaucoup plus de canons à neige qui nous permettent de produire en instantané beaucoup plus de neige. Et donc, on restitue cette eau à la chaîne du massif.» [Adjoint au maire et élu de la

70 minimisent les impacts sur l’hydrologie, sont mises en place pour le stockage de l’eau qui alimente les canons. Lors des hivers trop secs et trop chauds, les gestionnaires de stations acheminent par camions la neige prélevée sur les crêtes. Ces pratiques ne sont pas totalement nouvelles. Pour autant, dans le contexte politique actuel, elles sont de plus en plus décriées par des associations environnementales locales (SOS Massif des Vosges) et publicisées par la presse. Les gestionnaires de station doivent désormais s’en justifier, sans pour autant ouvrir à une discussion sur ces pratiques :

« Je ne comprends pas cet emballement médiatique, confie Benoît Perrin, directeur-adjoint de la station de ski, qui reçoit des appels de la presse depuis plusieurs jours. Ces rapatriements de neige par camion ne sont pas inhabituels (…) Selon lui, ils sont indispensables pour ″réenneiger une rupture de 200 mètres sur une piste de 5 km″. Ces trajets ne sont-ils pas une aberration écologique, comme l’assure SOS Massif des Vosges ? ″Si la vallée veut survivre, il faut bien assurer l’enneigement, estime Benoît Perrin. C’est grâce au tourisme que l’on conserve une activité″ » (extrait de l'article du journal

20minutes : Wilcke 2020).

Enfin, les gestionnaires privés de ce type de station investissent également dans d’autres massifs afin d’assurer, par cette diversification géographique, une rentabilité globale de leur activité, face à la variabilité de l’enneigement selon les hivers. Le développement du tourisme quatre-saisons est recherché de façon additionnelle, et ne correspond pas, aujourd’hui, à l’amorce d’une éventuelle transition.

Petites stations : fermetures ou opportunités pour un tourisme 4 saisons ?

Pour les petites stations, la rentabilité est difficile à trouver : les délégations de service public ont pris fin ou bien les délégataires souhaitent arrêter l’exploitation, les régies municipales qui les ont remplacées cherchent avant tout à atteindre l’équilibre financier. Dans les petites stations fonctionnant en régie municipale, la durée de retour sur investissement des canons à neige est trop importante pour envisager la production de neige de culture. L’enjeu est de limiter les pertes, en ouvrant les pistes dès que l’enneigement le permet ou par exemple en ne mettant du personnel aux caisses qu’en période de vacances scolaires. Ces communes conservent leurs pistes de ski alpin pour les retours sur l’économie touristique plus générale (nuitées), en complément à d’autres activités (ski nordique, randonnées, etc.). Il est important pour elles de conserver leur image et offre touristique familiale et de nature préservée, qui leur permet en outre de maintenir un cadre de vie agréable pour leur population. Du côté des DSP, le futur renouvellement est susceptible de poser la question de l’arrêt de l’exploitation, du fait des investissements nécessaires et de la difficulté à les amortir. L’arrêt de l’exploitation pourrait ainsi avoir du sens en dehors de toute considération sur le changement climatique. C’est néanmoins une position politiquement difficile à tenir : “La population

n’est pas prête à ce que les remontées mécaniques s’arrêtent […] Dans mon conseil, il y a une minorité qui pense comme moi. On n’ose pas le dire parce qu’on va se ramasser le goudron et les plumes !” [Maire, commune n°15, enquête]. Cette perspective est évoquée par une minorité

percevant des évolutions dans les pratiques hivernales des touristes et des potentiels de développement d’activités liées au tourisme 4 saisons.

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4.4 Conclusion

Nous proposons ici d’inscrire les actions mises en œuvre, que l’enquête a permis d’identifier, dans les catégories de mesures d’adaptation au changement climatique. Ces actions correspondent à :

des mesures de diversification (développement d’alternatives pour réduire le risque) ou mesures d’immunisation au milieu par la technique :

La diversification porte sur les ressources. Dans le domaine de l’eau potable, on mise sur la complémentarité sources/forages/interconnexion (interconnexion à plusieurs voisins ou en réseau pour réduire risque de manque d’eau). Cette diversité permet aussi de pallier à des problèmes de qualité (pollution ponctuelle, ou problème technique : pompe qui se décroche, etc.).

Dans le domaine de l’enneigement, il s’agit de construire de nouvelles retenues d’eau, pour la production de neige artificielle. La logique d’immunisation par la technique s’observe en particulier sur la problématique de l’enneigement avec la conception de canons à neige plus efficaces.

des mesures sans regret (jugées bénéfiques pour résoudre une diversité de problèmes d’environnement, entre autres ceux liés à l’évolution du climat) avec l’amélioration des rendements des réseaux et la sensibilisation au gaspillage ; ou encore avec la mise en place de solidarités territoriales via le maillage (solutions qui améliorent le service à moindre coût, voire en faisant baisser la contribution de chacun aux coûts fixes du service).

Certaines mesures pourraient ne plus constituer des solutions « sans regret » si le problème perdure ou s’amplifie. C’est le cas par exemples des maillages. Ils ne fonctionnent que tant que la commune excédentaire n’est pas elle-même sujette à des tensions et à des limites de son offre en eau.

Les mesures envisagées ne cherchent pas à modifier les demandes ou les usages, elles agissent plutôt sur l’offre en eau ou en neige. Les solutions déployées visent à assurer un approvisionnement sans discontinuité, face à la variabilité des précipitations neigeuses et de la disponibilité en eau. L’action publique locale continue de miser sur la capacité du système à éviter la perturbation (grâce à des camions citernes) et à gérer des crises (restrictions d’usage temporaires). Elle ne déploie pas, à ce stade, d’actions en faveur d’une société plus sobre ou plus résiliente face aux perturbations.

On peut faire l’hypothèse que, si les ressources en eau souterraines étaient mieux connues, elles permettraient d’identifier les limites au-delà desquelles la gestion ne pourra plus faire l’économie d’une action sur la demande en eau, à l’échelle des ménages, mais aussi plus largement des territoires : aménagement, coopération intercommunale…

En ce qui concerne la coopération intercommunale dans le domaine de l’eau potable, les entretiens montrent que les maillages constituent une solution privilégiée. Cela révèle le rôle joué par le conditionnement des aides de l’Agence ou du Conseil départemental des Vosges. Les entretiens suggèrent aussi que les communes en déficit voient le maillage comme une solution techniquement intéressante et qui se traduit par une contractualisation ciblée et circonscrite avec la commune voisine. La coopération en matière de maillage n’empêche pas les réticences concernant les projets

72 de coopération et de mutualisation intercommunale plus larges, avec la loi NOTRe, comme nous le verrons dans la section 5.

Les temporalités de la prise en charge du changement climatique ne sont pas celles des élus rencontrés, dont l’horizon reste marqué par les prochaines municipales. Les entretiens mettent en évidence plusieurs cas de figure. Certains estiment que les situations qu’ils connaissent ne changeront pas. D’autres estiment plutôt que les situations futures sont tellement incertaines qu’elles ne peuvent constituer des guides pour l’action : les situations futures sont influencées par des facteurs trop disparates et peu maîtrisés (loi NOTRe, climat…) et cela empêche toute projection (« On navigue à vue » [Maire, commune n°1, enquête]). Dans un cas comme dans l’autre, le discours identifie des situations sans trajectoire, soit parce qu’elles seraient immuables, soit parce qu’elles sont au contraire trop chaotiques.

Finalement, le changement climatique est essentiellement mis en avant quand il vient stratégiquement renforcer des positions qui répondent à d’autres enjeux. À titre d’exemple, pour l’opérateur privé de services d’eau enquêté, l’alerte sur le changement climatique et sur l’intensification des situations de pénurie d’eau constituent un argument de sensibilisation de l’action publique quant à la nécessité de renouveler des réseaux souvent vétustes et devenus difficilement gérables. Pour certains acteurs, tels que les services de l’État ou des communautés de communes, c’est une ressource politique pour investir ou réinvestir leur action sur les territoires.

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5 Quels sont les instruments de l’action publique aujourd’hui

mobilisés pour adapter la gestion de l’eau au changement

climatique ?

Dans la section 4, nous avons montré les difficultés rencontrées par une gestion à l’échelon communal des effets du climat sur les ressources en eau. Dans les Vosges, cet échelon est en interaction avec d’autres, via l’action des intercommunalités et du Conseil départemental (collectivités territoriales), de la Direction départementale des territoires (service déconcentré de l’État), de l’Agence de l’eau (établissement public), de la CCI (établissement public) ou de l’Agence départementale de développement touristique (association loi 1901), ou encore via des projets qui associent aussi Météo France ou des chercheurs, comme c’est le cas dans le projet Interreg Clim’Ability. Nous proposons ici d’étudier plus spécifiquement trois dispositifs qui caractérisent cette action, menée à un échelon supra-communal :

• les études, entre production de savoirs et instrument de concertation au service de la planification (section 5.1) ;

• les instruments contractuels pour le financement d’infrastructures, et leurs relations à la réforme territoriale induite par la Loi NOTRe dans le domaine de la gestion des services d’eau potable et d’assainissement (section 5.2).