• Aucun résultat trouvé

5 Quels sont les instruments de l’action publique aujourd’hui mobilisés pour adapter la gestion de

3.3 Conclusion

L’analyse des caractéristiques de ces modélisations nous permet de dégager des traits communs :

 l’importance, dans les pratiques, de l’avènement des ordinateurs qui a permis de trouver des solutions numériques à des équations qui n’admettent pas de solution analytique,

 le poids des paramétrisations.

 « l’interdépendance symbiotique » (Edwards, 1999) entre modèles et observations ainsi que l’importance de la représentation de l’état initial du système.

Dans cette conclusion partielle, nous souhaitons revenir d’abord plus précisément sur le dernier point qui renvoie aux relations entre la métrologie et la modélisation. L’analyse montre bien que « les données ne sont pas données » (Guillemot, 2009), et qu’elles relèvent aussi d’une construction scientifique. En effet, les « données », ou plus justement les « obtenues », demandent des efforts collectifs considérables de collecte et de formatage sur la durée, qui peuvent relever d’une modélisation. Les « données » ne servent pas seulement à construire un modèle (des observations qui servent à caler un modèle en construction), à valider les résultats qu’il produit (des observations qui servent à « débiaiser » les sorties du modèle), mais elles sont aussi elles-mêmes produites par des modèles (des observations sont réanalysées par des modèles, modèles qui permettent en retour de produire de nouvelles données qui viennent compléter ces « observations retravaillées»). Certes, dès que les modèles simulent le climat futur et ses effets, une mise en regard avec des « données observées » est impossible. Pour autant, on voit aussi que la représentation du passé n’est pas qu’une simple somme ou compilation d’observations, mais bien une construction complexe mêlant observations et modèles. Ainsi, la robustesse des modèles n’est pas strictement définie en fonction de l’adéquation de leurs simulations avec des « observations », dont la capacité à représenter directement des éléments de nature (température, débit, pluie, vents…) aurait été résolue en amont, une bonne fois pour toute, serait indiscutable et indiscutée. On a plutôt affaire à une co-construction entre la robustesse des modèles et des données.

Ensuite, cette analyse nous a permis d’identifier de nouvelles questions de recherche relatives aux pratiques et enjeux de la modélisation hydrologique sur le changement climatique :

- L’analyse suggère que les communautés de climatologues et d’hydrologues ces dernières décennies n’ont pas accordé le même rôle à la représentation des phénomènes physiques dans leurs pratiques de modélisation. Cela s’explique certainement par les dynamiques de la recherche dans les champs de l’hydrologie et de la météorologie et par leurs relations à des enjeux gestionnaires. Comment ces logiques s’articulent aujourd’hui dans des questions scientifiques communes sur le changement climatique ? Comment ces logiques transforment-elles en retour les pratiques de modélisation ?

- Comment les horizons temporels associés à des logiques de prévision météorologique ou de prédiction climatologique s’articulent avec les horizons de la modélisation hydrologique ? Comment ces articulations transforment-elles en retour les pratiques de modélisation ?

44 Enfin, se poser la question de la disponibilité en eau dans le futur pour le Grand Est, le bassin de la Meuse ou encore la ville de Strasbourg n’a pas vraiment de sens dans l’absolu mais en fonction de ce qu’on veut faire de l’eau et comment on veut vivre avec. La question des futurs de l’eau est donc aussi une question de choix collectifs. Dans les sections suivantes, nous proposons d’étudier comment localement, les acteurs se saisissent (ou pas) des enjeux que peuvent poser le changement climatique dans les territoires qu’ils occupent ou gèrent.

45

4 Savoirs et actions locales en matière d’adaptation au changement

climatique

Est-ce que le changement du climat modifie, influence la gestion de l’eau ou de la neige localement ? Si oui comment ? Nous proposons d’explorer ces questions en cherchant plus spécifiquement à qualifier les relations entre savoirs/ignorance & actions/inactions.

Nous concevons l’ignorance comme étant constitutive des savoirs et c’est dans ce cadre que nous abordons les questions d’incertitudes. En quoi le savoir ou l’ignorance contribuent à expliquer le cours des actions ? En quoi les savoirs ou les incertitudes sur le changement climatique contribuent- elles à expliquer comment localement les gestionnaires des services d’eau potable dans les Vosges interprètent des crises et dessinent (ou pas) des solutions, ou encore s’inscrivent dans des logiques anticipatrices ?

Cette analyse s’est fondée sur des entretiens semi-directifs réalisés : - sur la gestion des activités de sports d’hiver, auprès d’élus locaux.

- sur la gestion de l’eau potable (AEP), auprès (i) des services d’eau (collectivité : élus, adjoints ou directeur des services techniques, opérateur privé de services d’eau), (ii) de référents eau et changement climatique dans différentes administrations publiques (DREAL, DDT) et (iii) des financeurs : Agence de l’eau et Conseil départemental.

L’enquête a porté sur 16 communes7, dont 12 font partie de la Communauté de Communes des Hautes Vosges, 3 de la Communauté d’Agglomération de Saint-Dié, et 1 de la Communauté de Commune des Ballons des Hautes Vosges (Figure 14).

7

Vingt-sept communes ont été contactées, parmi lesquelles dix n’ont pas donné suite et une a répondu défavorablement.

46

Figure 14: Distribution des communes enquêtées au sein des EPCI

La quasi-totalité des entretiens a été menée auprès des maires (14 communes), parfois accompagnés d’un adjoint ou du secrétaire général de la commune (3 cas). Les deux entretiens où le maire n’était pas présent ont été réalisés auprès d’un directeur des services techniques et/ou d’un adjoint.

Les entretiens ont été menés en face-à-face, excepté l’un d’entre eux réalisé par téléphone, entre mars et juillet 2019. La thématique de l’AEP a été développée dans l’ensemble des entretiens, tandis que l’enneigement a été abordé dans 7 communes. La place consacrée à l’enneigement et à l’AEP dépend du profil de la commune (présence de pistes de ski alpin notamment) et des personnes enquêtées (en fonction de la spécialité des adjoints). Des entretiens ont été réalisés auprès de trois

47 maires et d’un adjoint communal également ciblés pour leur fonction d’élus de la Communauté de Communes des Hautes Vosges.

L’objectif de ces entretiens était d’appréhender la place du changement climatique dans la gestion de la disponibilité de l’eau et de l’enneigement à l’échelon communal. Plus particulièrement, il s’agit de comprendre sur quelles représentations, diagnostics et hypothèses d’évolution se basent les politiques mises en œuvre. Les acteurs ont ainsi été interrogés sur les causes des évolutions perçues (ou attendues), sur les facteurs à l’origine d’éventuels problèmes de disponibilité, ou encore sur les justifications données aux actions mises en place et/ou envisagées.

Avant de présenter les résultats de l’enquête sur l’eau potable (section 4.2) et l’enneigement (section 4.3), nous proposons une synthèse des savoirs issus de la géographie physique sur la circulation de l’eau dans les Hautes Vosges (section 4.1). La synthèse relative à l’ensemble du massif des Vosges est disponible en annexe 4.

4.1 Que nous dit la géographie physique de la circulation de l’eau dans les