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Une production de savoirs en appui à la planification

5 Quels sont les instruments de l’action publique aujourd’hui mobilisés pour adapter la gestion de

5.1 Les études, entre production de savoirs et instrument de concertation

5.1.1 Une production de savoirs en appui à la planification

Ces cinq études diffèrent par leur focale et leur périmètre. Trois d’entre elles (Atelier des territoires, étude Clim’Ability et étude sur les fermes-auberges) portent sur le massif des Vosges, en partie ou en totalité. Elles ont aussi en commun de porter, au moins en partie, sur le tourisme (Figure 18). Dans l’Atelier des territoires, cet enjeu est inscrit dans des questions plus large liées à la vie en montagne (mobilité, urbanisme, activités économiques au sens large), à l’échelle de la CCHV. Dans l’étude sur les fermes-auberges, cet enjeu est spécifiquement associé à l’approvisionnement en eau. Dans Clim’Ability, comme dans l’Atelier de territoires, un point à la fois crucial mais aussi très sensible est celui de la production de neige. Les deux études de l’AERM couvrent à la fois un territoire plus large, l’ensemble du bassin Rhin-Meuse et un spectre plus large des enjeux liés à l’eau.

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Étude prospective et étude de la vulnérabilité au changement climatique

des activités socio- économiques du bassin

Rhin-Meuse

Étude sur les fermes- auberges

Atelier des Territoires « Vivre et travailler en montagne à l’heure du

changement climatique »

Étude Clim’Ability

sur le tourisme dans le massif des Vosges

et en Forêt Noire

Commanditaire / Porteur

Agence de l’Eau Rhin- Meuse

Alsace Destination Tourisme

Communauté de Communes des Hautes

Vosges – DDT88 – Ministère de la cohésion des territoires

Interreg (programme de recherche européen) / CCI Alsace Eurométropole

- ADT

Réalisation AERM et bureaux d'étude Bureaux d'étude Bureaux d'étude Chercheurs

Terrain d’étude Bassin Rhin-Meuse Massif des Vosges Territoire de la CCHV Massif des Vosges (et Forêt Noire)

Fonction

Évaluation de la vulnérabilité des activités

socio-économiques au changement climatique à

l’horizon 2050. Hiérarchisation des enjeux par sous bassin

Identification des solutions à mettre en

œuvre pour limiter l’impact des manques

d’eau sur les fermes- auberges

Définition d’un projet de territoire avec les

élus locaux Identifier les vulnérabilités aux conséquences du changement climatique et les formes/pistes d’adaptation avec les

acteurs du tourisme Production de savoirs Scénarios, matrices de vulnérabilité, tableaux d'impact, fiches-mesures

Diagnostic des besoins en eau et pratiques/équipements existants, identification de mesures et conditions de mise en œuvre Orientations du projet de territoire (axes stratégiques et pistes d’action en matière d’aménagement et de paysage) Perception des risques, chaînes d'impact, stratégies existantes du secteur touristique Usages/ poursuites envisagées Nourrir le Plan d’adaptation de l’AERM.

Orientation des chargés d’affaire de l’AERM. Bonification des taux de

subvention.

Engagement des actions par ADT. Demande de subventions. Organisation

d’une visite de terrain en Autriche. Recrutement

d’un stagiaire pour assurer le suivi. Nourrir le schéma de développement économique et touristique et plan de paysage de lutte et d’adaptation au changement climatique Co-construire de stratégie d’adaptation touristique en atelier (nouveau projet Clim’Ability Design)

Figure 18 : Caractéristiques des études analysées

Ces cinq études ont pour point commun d’être associées à une planification supra-communale et de viser à poser des jalons pour des actions futures. Ce qui diffère, c’est le type de planification et donc d’engagements et d’actions associés : cette planification peut être stratégique ou plus opérationnelle.

L’analyse montre que, pour quatre études (Atelier des territoires, étude Clim’Ability, étude prospective de l’AERM), il s’agit de venir en appui à une planification stratégique, visant à définir les orientations générales d'une organisation, sa mission, les objectifs qu'elle entend réaliser. Ces études s’inscrivent dans une logique d’anticipation de problèmes à venir qu’il s’agit aussi de circonscrire : « Le volet opérationnel nous manque, mais il faut quand même prendre le temps de constituer les

76 qui fait problème n’est pas arrêté a priori : c’est à l’étude de le définir, grâce à l’élaboration de scénarios, l’identification ou la quantification d’impacts et la définition de priorités pour l’adaptation. Le produit de ce type d’études correspond alors à des orientations générales, peu engageantes ou contraignantes. Ainsi, pour l’Atelier des territoires, le produit est une « feuille de route » qui relève « plus d’intentions, de chantiers à ouvrir que d’un programme d’actions opérationnelles avec un plan

de financement » (Faessel-Virole, 2018). Il s’agit d’une première étape pour l’élaboration par la CCHV

du plan de paysage de lutte et d’adaptation au changement climatique et du schéma de développement économique et touristique, élaboration qui est elle aussi soutenue financièrement par le Ministère. L’étude Clim’Ability est, elle aussi, considérée comme un premier jalon vers de nouvelles études plus opérationnelles, dans le cadre d’un nouvel Interreg intitulé « Clim’Ability Design ».

Les deux autres études, celle sur l’approvisionnement des fermes-auberges et celle de l’AERM sur la vulnérabilité, viennent plutôt en appui à une planification opérationnelle, avec des actions concrètes pour répondre à un objectif à court ou moyen terme. Dans le cas des fermes-auberges, les problèmes déjà rencontrés d’approvisionnement en eau constituent le point de départ de l’étude. Le changement climatique en est un facteur potentiellement aggravant, qui vient renforcer l’urgence d’actions pour en réduire les impacts. Le produit de l’étude est ainsi une liste d’actions proposée par le bureau d’étude et validée par ADT, allant du suivi des consommations, à l’installation d’équipements hydro-économes ou à des aménagements paysagers pour modifier la circulation de l’eau. La deuxième étape pour ADT est celle de la recherche de financements. L’évaluation quantitative du problème et des solutions possibles a conclu que le potentiel d’économie d’eau lié à des modifications techniques des usages domestiques de l’eau (économiseurs) est limité et ne suffit pas à résoudre le déséquilibre. D’autres marges de manœuvre, qui pourraient être quantitativement significatives, sont mises hors champ : les toilettes sèches parce que les touristes ne seraient pas prêts : « culturellement en France, les clients ne sont pas prêts à utiliser ce type de toilettes » [ADT, enquête], et une réduction du cheptel parce que les fermiers-aubergistes y perdraient trop de revenus : « une des personnes qui a fait l'étude me disait qu’une des solutions pour résoudre les

problèmes d'eau serait de réduire les cheptels, mais cela, on ne peut pas le dire aux fermiers- aubergistes puisque c'est ce qui les fait vivre et c'est ce qu'ils préféreraient éviter » [ADT, enquête].

Avec ce cadrage, le type de solution privilégiée revient à envisager des formes de stockage : des étangs destinés à abreuver le cheptel, remplis pendant les périodes hivernales et aménagés avec des arbres pour réduire la transpiration des vaches et limiter le réchauffement ou l’évaporation de l’eau. Dans le cas de l’étude de vulnérabilité de l’AERM, l’identification de solutions prend appui sur les actions déjà promues par l’AERM. Le produit de l’étude est une liste de mesures que l’AERM s’engage à financer si elles intéressent les maîtres d’ouvrage (élus) et qu’ils s’en saisissent.

Quelle que soit le type de produits de ces études, et leur degré d’opérationnalité, il s’agit toujours d’une promesse d’action futures, mais qui n’implique jamais d’engagement fort des acteurs : « Il

[l’Atelier des Territoires] n’oblige personne à rien, il dégage des grandes lignes » (élu de la CCHV,

77 L’analyse de ces études révèle deux niveaux de tensions, entre le consensus et la décision d’un côté et entre les temporalités environnementales et politiques de l’autre :

 Le consensus permet de structurer des collectifs grâce à des engagements mous, mais qui par conséquent n’en sont pas vraiment. Il revient aussi à évacuer la question des gagnants et des perdants que les actions d’adaptation pourraient générer. Or passer à l’action, c’est rendre visible cette question, ce que, politiquement, peu d’élus sont prêts à assumer, en particulier dans un contexte de budgets très contraints : « il n’y a pas de problème [pour

écrire un plan]. Après, quand il faudra mettre en priorité des actions et du budget en face, si l’on dit qu’un plan de paysage sur les 22 communes va nécessiter un temps plein et demi demain, là, on n’y est encore pas » [Maire et élu de la CCHV, commune n°12, enquête] ; « Dès lors qu’il leur faut […] donner des niveaux d’ambitions à la stratégie qu’ils [les élus locaux] veulent mettre en place avec le schéma de développement économique touristique, les techniciens auront beau faire tous les travaux, il faudra bien derrière des prises de décisions et des délibérations » [DDT, enquête]. En outre, les regroupements intercommunaux

impulsés par l’État rencontrent des réticences de la part de certaines communes. Ainsi, 7 des 22 communes de la CCHV ont demandé leur retrait22.

 D’autre part, la capacité des études à promouvoir des actions de long terme entre en tension avec la temporalité d’action des élus, qui raisonnent à l’échelle du mandat : « lorsqu’il s’agira

de faire une campagne électorale pour les six ans à venir, on va se contenter de gérer six ans. On ne va pas faire campagne en disant qu’en 2030 ou en 2040, on sait qu’il va se passer ça. »

[Maire et élu de la CCHV, commune n°12, enquête].