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L’analyse des données issues de l’étude par questionnaire montre que dans des classes (une dizaine) où l’enseignant déclare utiliser les évaluations en vue de voir les acquis et les difficultés (pratique d’évaluation formative et sommative), pour la moitié des classes, les élèves (environ la moitié par classe) perçoivent ceci et certains ont une représentation de l’évaluation que va dans le sens déclaré de l’enseignant. Par ailleurs, dans ces classes aussi, la majorité des élèves semblent avoir une perception positive de l’ambiance de la classe en termes d’apprentissage et de la pratique de l’enseignant (ils se disent être encouragés et soutenus par l’enseignant). L’autre moitié des classes où l’enseignant détient une conception évaluative formative et sommative à la fois, on aperçoit une divergence avec les élèves, avec une perception erronée des pratiques par ces derniers, ainsi que des profils d’autorégulation très varié. Ces résultats laissent penser qu’il y a probablement d’autres facteurs en jeu qui dépassent le contexte de la classe tels que l’expérience et vécu scolaire cumulé. Dans les classes (une douzaine) où l’enseignant déclare se servir de l’évaluation pour faire un bilan des acquis, pour une majorité des classes, environ la moitié des élèves perçoit ceci et partage cette vision. Les profils d’autorégulation restent variés malgré une appréciation du climat de classe et du soutien de l’enseignant. Pour finir, dans les classes dans lesquelles l’enseignant mise davantage sur la sélection, les élèves ne perçoivent pas ceci et ne partagent pas une représentation semblable. Il est aussi important de rappeler que dans ces classes une majorité des élèves n’apprécient pas l’ambiance et les conditions d’apprentissages en classe et ne se sentent pas encouragés et soutenus par l’enseignant. Pour résumer, l’étude quantitative montre que dans certaines classes seulement, des élèves (la majorité) perçoivent de manière exacte les conceptions et les pratiques évaluatives. Il s’agit des classes dans lesquelles les enseignants utilisent les évaluations à des fins de régulation et de bilan des acquis. Dans ces classes aussi, des élèves apprécient le climat de classe et s’estiment être soutenus par l’enseignant. Leur propre représentation de l’évaluation converge chez certains seulement. Quant aux profils d’autorégulation, ceux-ci semblent être plus indépendants de la perception des pratiques évaluatives et le climat de classe. En comparaison avec l’étude concernant les élèves de fin de primaire, nous constatons qu’en fin du secondaire, les élèves captent mieux les messages provenant de l’environnement en classe (enseignants, élèves) sans pour autant s’y attacher ou être d’accord. Les mécanismes de leurs interprétations sont plus complexes et en lien avec leurs propres intérêts, objectifs, vécus et projets.

Les premiers résultats concernant l’étude par observation et entretien font dévoiler une grande variabilité et des éléments singuliers dans l’interprétation que font les élèves de la pratique de leur enseignant ainsi que dans leurs représentations, autoévaluations et comportements en classe. Toutefois des configurations peuvent être dégagées. Ainsi, dans l’une des classe dans laquelle l’enseignant présente une certaine régularité et cohérence du discours et des actions, caractérisée par la présentation explicite et précise des objectifs de la leçon et de l’évaluation, annonce des critères de réussite de la tâche, reformulation et/ou répétition des consignes, vérification de la compréhension, analyse de la procédure et des erreurs, explicitation de concepts, rétroactions positives et complexes fréquentes (d’ajustement ou d’enrichissement de la réponse initiale, encouragement), la majorité des élèves manifestent une compréhension qui reflète les éléments communiqués par l’enseignant en classe (et dans l’entretien), affichent une perception positive du climat de classe et une autorégulation sur le plan socio-affectif et relationnel très importante. Les représentations des élèves (de l’évaluation, de l’apprentissage, de leurs objectifs propres) ainsi que leurs stratégies cognitives et

métacognitives semblent plus variées et plus détachées de ce qui se passe en classe et des pratiques des enseignants. Ce résultat montre le caractère socio-dynamique de l’interprétation des élèves de la pratique de l’enseignant. Comme le soutient Doise (1986) les représentations des individus sont ancrées dans un contexte plus large mais certaines dépendent surtout des échanges interindividuels symboliques induites dans une situation donnée (micro-contexte).

Mots-clés

pratique évaluative, contexte, interprétation, autorégulation

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Communication 235.4 : Pratiques d’enseignement et résultats

d’évaluation à large échelle, d’impossibles synergies ? Une question de

régulation dysfonctionnelle ?

Yerly Gonzague, gonzague.yerly@unifr.ch, Université de Fribourg et Haute Ecole pédagogique Fribourg, Suisse18

Introduction

L’évaluation des acquis des élèves n’est aujourd’hui plus seulement l’affaire de l’enseignant dans sa classe, elle est également l’affaire de l’établissement scolaire et de la politique (De Ketele, 2006). Ces trois niveaux contextuels (micro, méso, macro) se retrouvent en interaction sur ce même sujet. Toutefois, existe-il un réel dialogue entre ces différents niveaux ? Des synergies sont-elles possibles entre pratiques d’enseignement et résultats d’évaluation à large échelle ?

Plusieurs éléments permettent d’en douter. Premièrement, le dialogue est essentiellement, voire uniquement, unilatéral. De manière top-down, il est attendu des enseignants et/ou des établissements scolaires – par des mécanismes divers – qu’ils prennent en compte les résultats de leurs élèves à des épreuves externes (EE) afin de « réguler » leurs pratiques d’enseignement (Allal, 2009 ; Mottier Lopez, 2009). Deuxièmement, le dialogue semble souvent rompu entre les différents niveaux contextuels. La littérature internationale montre que les enseignants confrontés à ces dispositifs ne procèdent généralement qu’à des ajustements mineurs ou symboliques de leurs pratiques et/ou mettent en œuvre des pratiques de préparation intensive aux examens en cas de conséquences importantes liées aux résultats (Au, 2007 ; Mons, 2009 ; Rozenwajn et Dumay, 2014). Surtout, si le format et le contenu des tests leur permettent un certain alignement de leurs pratiques – d’enseignement et surtout d’évaluation – sur certains contenus et/ou sur certaines méthodes attendues, les résultats ne sont que très peu mobilisés par les enseignants (Yerly, 2017b ; Yerly & Maroy, 2017).

Nos travaux précédents, inspirées par le concept de « validité unifiée » (Messick, 1989) ont montré qu’aux yeux d’enseignants québécois, ontariens et suisses, les résultats produits à large échelle ne leur permettent pas de développer leurs pratiques pour des raisons liées à la fois au manque de validité de la mesure, au manque d’implication pratique des résultats d’EE et à leurs conséquences souvent néfastes sur les acteurs de la scolarité (Yerly, 2017a). L’objectif de cette contribution est d’interroger spécifiquement l’une de ces facettes : le manque d’implication pratique des résultats d’évaluation externe. L’analyse porte spécifiquement sur la transmission des résultats issus des EE aux enseignants. Notre question de recherche est la suivante : Le faible usage des résultats d’EE par les enseignants est-il dû à une « régulation » dysfonctionnelle ?

L’originalité de notre analyse du regard des enseignants est de mobiliser deux concepts différents de régulation, issus de champs différents :

18 Cette recherche a été soutenue financièrement par le Fonds National suisse de le recherche scientifique (FNS), projet (P2FRP1_161705).

- Régulation « institutionnelle ». « Processus de production de règles et d’orientation des conduites de acteurs » (Maroy & Dupriez, 2000, p.73). « Le pilotage par l’évaluation peut être vu comme une façon de réguler les comportements professionnels au niveau collectif ou individuel en donnant le mesure la plus fiable possible de ce qui sépare les acteurs en situation des objectifs à atteindre » (Felouzis & Hanhart, 2011, p.13).

- Régulation « des apprentissages et de l’enseignement ». « La régulation désigne spécifiquement (…) les mécanismes qui assurent le guidage, le contrôle, l’ajustement des activités cognitives, affectives et sociales, favorisant ainsi la transformation des compétences de l’apprenant » (Allal, 2007, p.9). Pour qu’il y est régulation, une évaluation doit entraîner l’apprenant dans une boucle qui comprend (Allal, 2007 ; Laveault, 2007) : un but, un contrôle, un feedback (rétroaction) et une action (d’ajustement).