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Notre questionnement porte sur l’usage que feront de ces tests d’autoévaluation des étudiants « embarqués » dans un dispositif de classe inversée « ouvert », correspondant à une classe inversée de type 3 dans la typologie des classes inversées proposée par Lebrun et al. (2017). Les étudiants (n=45) sont inscrits en 3e année de licence de Sciences de l’éducation, dans un cours intitulé « Initiation à l’épistémologie et à la méthodologie de la recherche ».

Dans la classe inversée de type 3, les étudiants ne doivent pas seulement, lors du temps à distance, acquérir les connaissances qui seront nécessaires à la mise en œuvre des activités qu’ils effectueront par petits groupes pendant la séance de cours : ce temps à distance est en grande partie consacré à des activités de recherche d’information.

Nous estimons que le dispositif est « ouvert » dans sa dimension pédagogique (Jézégou,2005) car il laisse aux étudiants de nombreuses libertés de choix : en l’occurrence, les étudiants étaient libres de choisir la thématique sur laquelle ils allaient travailler, la seule contrainte étant que celle-ci s’inscrive dans le champ de l’éducation/formation ; ils étaient également libres d’utiliser ou non les tests d’entrainement mis à leur disposition sur la plateforme d’apprentissage (LMS Moodle) de l’université pour tester la validité de leurs acquis en termes de recherche informationnelle.

À chaque étape de l’apprentissage méthodologique de la recherche d’information, un quiz d’entrainement, constitué de questions à choix multiples, leur était proposé afin qu’ils puissent faire le point sur ce qu’ils avaient retenu en mémoire. Les connaissances visées par ces quiz étaient essentiellement procédurales et liées à la recherche d’information.

Il convient en outre de préciser que les étudiants étaient libres d’effectuer les tests d’entrainement pendant leur temps libre, aussi longtemps et aussi souvent que nécessaire, en fonction de leurs besoins ; les scores obtenus à ces tests étaient simplement indicatifs et non pris en compte dans l’évaluation des apprentissages.

Notre hypothèse était que, plus les étudiants auraient une perception élevée de leur compétence en recherche d’information, plus ils auraient tendance à s’autoévaluer, en faisant usage des test d’entrainement.

Méthodologie

Pour mesurer les perceptions de compétence des étudiants en recherche d’information, nous nous sommes appuyée sur le référentiel de compétences du CREPUQ7 (2005) qui définit les compétences informationnelles pour adapter un questionnaire de Viau (op.cit.) portant sur les perceptions de compétence des étudiants concernant la recherche informationnelle. Le questionnaire de perceptions a fait l’objet de deux passations : une fois à mi-parcours et une fois enfin de dispositif (respectivement Q1 et Q2).

Nous avons ensuite relevé les traces numériques liées à l’autoévaluation : celles-ci étaient constituées des traces d’usage des quiz d’entrainement laissées sur la plateforme et des scores obtenus. Nous avons scindé les participants en deux groupes, selon leur usage ou non usage des tests d’entrainement (respectivement G1 et G2) et ensuite observé si une différence significative entre ces deux groupes en termes de perception de compétence (Q1) était visible. Enfin, nous avons recueilli des verbatims d’étudiants par rapport à leur expérience de la classe inversée, notamment par la question « quelles sont les trois choses que vous avez appréciées dans ce cours » afin de tester si les tests d’entrainement seraient cités spontanément par les étudiants.

Résultats

Sur les 45 étudiants participants, nous observons deux types de comportement face aux quiz d’entrainement : soit les étudiants effectuent tous les quiz (n=27), soit ils n’en effectuent aucun (n=18). Le nombre de tentatives par étudiant n’était pas limité, mais globalement, nous constatons que ces quiz n’ont été complétés qu’une à deux fois par étudiant.

En ce qui concerne l’usage ou le non usage de ces quiz d’entrainement, la variable liée aux perceptions de compétence ne semble pas pertinente : autrement dit, il n’y a pas de différence significative dans les moyennes des perceptions de compétences entre les deux groupes G1 et G2, ce qui invalide notre hypothèse principale.

En ce qui concerne les verbatims, seuls deux étudiants évoquent les quiz d’autoévaluation. Tous deux soulignent la rareté de la pratique. Ainsi, selon un étudiant , « l’auto-évaluation est

quelque chose que je n’avais pas eu l’occasion de faire pendant mes études (…) Peu d’enseignements proposent les modes d’évaluation et de notations formatives ou de l’auto-évaluation, préférant le système de notation standard, et je pense que ça manque à beaucoup d’étudiants et au système pédagogique » ; le deuxième étudiant suggère une plus large

diffusion de la pratique : « le fait de pouvoir évaluer le cours et s’autoévaluer (...) me permet

de comprendre mon évolution durant ce cours ».

Les autres verbatims évoquent des stratégies d’autorégulation mises en place, essentiellement sous la pression des délais : des travaux individuels à distance étaient à effectuer (recherches, notes de lecture) pour soutenir le travail collaboratif par petits groupes ayant lieu lors des séances de cours. Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble des verbatims recueillis ; disons simplement qu’une autorégulation semble se produire de manière un peu accidentelle, en réaction au dispositif proposé.

Conclusion

Cette expérimentation, pour décevante qu’elle soit au regard des résultats obtenus concernant l’activité d’autoévaluation proposée sous forme de quiz d’entrainement, nous renseigne cependant sur un point : l’autoévaluation reste peu pratiquée, malgré les travaux dont elle a fait l’objet et qui ont démontré son intérêt (notamment Allal, 1999) et quand elle est introduite, elle est peu utilisée par les étudiants, probablement par manque d’habitude.

S’il convient de rester prudent eût égard au caractère restreint de notre échantillon, notre expérimentation confirme les travaux précédents portants sur l’autoévaluation, qui avaient mentionné la nécessité de former les étudiants à l’autoévaluation (Scallon, 2000, dans Hadji, 2012, p. 120). Certes, dans l’expérimentation que nous avons présentée, les tests d’entrainement que nous avons introduits ne correspondent qu’au premier « niveau » de l’auto-évaluation, ce que Scallon (ibid.) appelle l’auto-contrôle. En prolongement de cette expérimentation, il pourrait être judicieux de proposer une autre forme d’autoévaluation, visant

davantage à favoriser l’auto-questionnement par des questions ouvertes qui inciteraient les étudiants à conscientiser les stratégies de régulation de la motivation qu’ils mettent en place quand ils sont confrontés à une situation d’apprentissage nouvelle et potentiellement déstabilisante, comme c’est le cas en classe inversée.

Une alternative serait de revoir le dispositif pour que ces activités d’autoévaluation soient effectuées pendant le temps du cours et non plus à distance et réintroduire par là un peu de contrôle : comme l’écrit Cosnefroy (2011, p. 142), on peut considérer que « style contrôlant et style soutenant l’autonomie sont les deux pôles d’un continuum » et que le dispositif a sans doute proposé une ouverture trop grande. Il conviendrait donc de le réajuster et de prévoir un dispositif d’aide afin de soutenir les étudiants dans leur apprentissage de l’autoévaluation, et ainsi favoriser l’apprentissage lors des activités à distance en contexte de classe inversée. Ce constat constitue néanmoins un défi de taille pour l’enseignement supérieur : il n’est pas certain que les enseignants sachent faire apprendre l’autoévaluation, ni même qu’ils connaissent les principes de l’autorégulation. Selon Dignath et Büttner (2018), peu d’enseignants du primaire comme du secondaire enseignent les stratégies d’apprentissage autorégulé quelle qu’en soit l’approche : ce constat vaut probablement aussi pour l’enseignement supérieur. Un accompagnement des enseignants semble donc à mettre en place, pour que se développe une approche pédagogique qui encouragerait plus explicitement l’apprentissage de l’autoévaluation et de l’autorégulation des étudiants de premier cycle, afin qu’ils deviennent des apprenants autonomes.

Mots-clés

Classe inversée, autorégulation, autoévaluation, compétences informationnelles, pédagogie universitaire.

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