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La résolution de la crise et l’échec du remplacement du mythe

CHAPITRE 3 « Être un souvenir et une actualité » : l’échec du remplacement du mythe de 1929 à 1941

3.3 Mise en échec à Québec de l’« orientation nouvelle » d’Athanase Francoeur

3.3.2. La résolution de la crise et l’échec du remplacement du mythe

Afin d’assurer une issue heureuse à son projet d’orientation nouvelle, Athanase Francoeur invoqua divers arguments d’autorité, tout en faisant jouer des ressorts symboliques propres à son interprétation du récit de la croisade canadienne. À un premier niveau, sur le plan personnel, il fit valoir la profondeur et la sincérité de son attachement au régiment en sa qualité de fils de zouave. Puisqu’il avait « grandi avec l’amour et la

604 Lettre circulaire d’Athanase Francoeur, 1er mai 1941, AAQ, 5 CP. 605 Idem.

vénération envers le Zouave », comment pouvait-on mettre en doute que son intention ne visait pas les intérêts supérieurs du régiment ?606

À un second niveau, il fit valoir sa position et son rôle dans la hiérarchie du régiment. Outre son grade d’aumônier général, il disait tenir de l’état-major du régiment lui-même son mandat de rédiger une nouvelle constitution. D’autre part, sa mission avait été confirmée par le colonel Jules Dorion et donc, encore une fois, par l’autorité militaire de l’association. Ainsi rendait-il compte des derniers mots du colonel avant son décès :

Le cher colonel, directeur [du journal] l’"Action Catholique", disparaît au moment même où le régiment prend une orientation vers les mouvements spécialisés d’Action catholique. Les précieux conseils et la direction, qu’il n’aurait pas manqué de donner, font saisir toute l’ampleur de notre épreuve. J’aurai en mémoire la parole qu’il me disait sur son lit de mort : "J’ai aimé les zouaves de toute mon âme. Si Dieu m’appelle, je vous les confie. Fils de zouave, apôtre du Christ, vous les aimerez encore plus que je ne les ai aimés. Ayez confiance !"607

Ce faisant, non seulement Francoeur associait-il son entreprise à la hiérarchie zouave, mais il se faisait le dépositaire des dernières volontés du colonel mourant.608

À un troisième niveau, Athanase Francoeur s’appuya sur sa qualité de prêtre et de représentant de l’Église. Il affirmait ainsi exécuter la volonté du pape et de son plus haut représentant au Canada, le cardinal Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve : « Mon devoir […] est, comme Directeur Spirituel de l’Association, de voir à ce que nos membres puissent, selon la consigne de Son Éminence le Cardinal, devenir des chrétiens fervents et des apôtres rayonnants d’un mouvement subsidiaire d’action catholique […]. »609 Il disait aussi appliquer la plus

filiale obéissance envers la hiérarchie de l’Église : « si de la part de Son Éminence je recevais une autre directive, même modifiant foncièrement celle déjà donnée, soyez convaincus que, Dieu m’aidant, je donnerais à l’Association l’exemple d’une parfaite soumission, et ce sans aucune récrimination. C’est ainsi qu’un Zouave doit obéir à l’autorité religieuse. »610

Enfin, de manière générale, Francoeur usa abondamment d’une arme de propagande redoutable : le périodique Le Zouave, dont il assumait le rôle de rédacteur en chef depuis 1939. Dans ce petit mensuel de quatre pages, initialement voué à diffuser le récit de la croisade de 1868-70 et les activités des associations de zouaves, il publiait non seulement ses « Mots de l’aumônier », mais aussi les textes des sermons qu’il prononçait

606 Athanase Francoeur, « Rapport présenté à l’État-Major Général du Régiment par le R.P. Athanase Francoeur, o,m,i.

major-aumônier du Régiment des Zouaves Pontificaux Canadiens, aux Trois-Rivières, le 19 février 1939 », p. 1, AAQ, 5 CP.

607 Athanase Francoeur, « Sympathies », Le Zouave, vol. 9, no 1, avril 1939, p. 3.

608 Le docteur Jules Dorion, en effet, était un membre de l’élite sociale canadienne-française. Voir Dominique Marquis,

« Dorion, François-Xavier-Jules (F.-X.-Jules Dorion, Jules Dorion) », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003, [en ligne],

http://www.biographi.ca/fr/bio/dorion_francois_xavier_jules_16F.html(page consultée le 18 juillet 2018).

609 Lettre circulaire d’Athanase Francoeur, 1er mai 1941, AAQ, 5 CP. 610 Lettre circulaire d’Athanase Francoeur, 1er mai 1941, AAQ, 5 CP.

dans les différentes compagnies de zouaves, des comptes-rendus d’événements et des chroniques historiques sur l’histoire du régiment et des vétérans. Ainsi, grâce à cet outil, Francoeur contrôlait le discours officiel du mouvement zouave et pouvait, en toute impunité, propager son mythe de remplacement. Entre 1939 et 1941, il n’y eut pas un seul numéro qui ne contînt pas au moins une fois l’expression « Action catholique », jusqu’à ce que la Seconde Guerre mondiale mette fin à la publication en décembre 1941.611

Quoi qu’il en soit, malgré l’énorme travail qu’il consacra à consolider son influence et son autorité au sein du mouvement et malgré ses indéniables qualités politiques, Athanase Francoeur ne parvint pas à vaincre la résistance déployée par les zouaves de Québec. C’est pourquoi il sollicita l’intervention active de Mgr Villeneuve qui avait pour lui le poids de la hiérarchie ecclésiastique. Dans un premier temps, le cardinal se contenta d’identifier la direction que le mouvement se devait de prendre : « Que les zouaves comprennent bien que leur rôle est aujourd’hui d’être des soldats d’Action catholique et conséquemment de fervents chrétiens et des apôtres rayonnants. »612 Au vu des nombreuses lettres et des rapports de Francoeur sur l’opposition

acharnée à l’orientation nouvelle, Mgr Villeneuve résolut d’adopter une approche plus agressive. Le 27 janvier 1940, il porta un jugement fort sévère à l’endroit des zouaves de Québec en leur ordonnant de se conformer aux directives de l’aumônier général du régiment et en s’attaquant au militarisme :

On s’oppose à la Constitution parce que, dit-on[,] elle ne garde pas le caractère militaire de l’Association des Zouaves.

Évidemment, ici, il y a équivoque.

Par caractère militaire, veut-on signifier que l’Association des Zouaves Pontificaux canadiens soit le prolongement, la continuation du Régiment Pontifical ? [L]’on sait que le régiment, quelque temps après la prise de Rome, fut licencié et que SS. Pie IX, le Pape des Zouaves, écrivant aux membres de l’Union Allet à laquelle est incorporée, l’Association des jeunes Zouaves, les félicitait de ce que, après avoir déposé l’épée qu’ils avaient prise pour la défense du Vicaire de Jésus- Christ, ils aient concentré tous leurs efforts à se maintenir vaillamment sous les drapeaux d’une milice toute spirituelle.

Par caractère militaire, veut-on laisser entendre que l’Association des Zouaves soit un corps militaire canadien. Évidemment non. L’Autorité du pays ne l’a pas constitué, ni reconnue comme telle, et, elle la dissocierait aussitôt si elle apprenait qu’elle est un corps essentiellement militaire. Par caractère militaire, l’on veut signifier que l’Association des jeunes Zouaves, dans son organisation, est à base militaire comprenant toute la hiérarchie militaire […].

Par sa hiérarchie militaire et par le costume que portent ses membres l’Association des Zouaves est véritablement le SOUVENIR des Zouaves Pontificaux.

Or, la constitution nouvelle, dans ses principes généraux et dans son organisation, tient compte de cet aspect militaire.

611 Athanase Francoeur, « "Le Zouave" suspend sa publication », Le Zouave, vol. 11, no 12, décembre 1941, p. 1-2. 612 J.-M.-Rodrigue Villeneuve (Mgr), « Mot du patron du régiment », Le Zouave, vol. 9, no 5, août 1939, p. 1. Voir aussi la

[…]

Autrefois, le Pape demandait à ses zouaves de défendre ses États Pontificaux. Aujourd’hui, le Pape demande à tous d’être des apôtres de l’Action Catholique [sic]. […]

La nouvelle constitution est en conformité avec ces principes et mes directives.613

Par ce rappel à l’ordre, Mgr Villeneuve balayait tout l’édifice symbolique et mémoriel des zouaves canadiens érigé depuis 1868. Son jugement se terminait par un ultimatum : « […] je n’ai pas de prévention contre personne, et n’entends point déconsidérer ceux qui jusqu’ici n’ont pas partagé les vues que je viens d’exprimer. Mais comme il faut que les divisions finissent et qu’on n’ait point plusieurs sortes de Zouaves Pontificaux, tous ceux qui veulent l’être ou le devenir, sous l’égide de l’Église, dans l’Archidiocèse devront accepter le jugement que je viens de porter. »614

On sait que cette intervention n’eut pas l’effet escompté puisqu’elle ne fit pas faiblir la résistance des gens de Québec.615 On peut même penser qu’elle contribua à l’attiser. En effet, le 17 mai 1941, les huit

aumôniers du 1er bataillon réitérèrent leur appui aux zouaves de Québec « après entente unanime ».616 En

soutenant le rôle et la mission du régiment défendus par le commandant Henri Paquet, ils souscrivaient au mythe zouave et s’opposaient à son remplacement. De plus, en insistant tout particulièrement sur l’importance de l’aspect militaire, ils confirmaient que celui-ci constituait l’un des principaux – sinon le principal – ressorts de la sacralisation dudit mythe. Ils étaient d’avis « [q]ue la nouvelle constitution devr[ait] garder au Régiment des Zouaves Pontificaux Canadiens [sic] son caractère essentiellement militaire ou para-militaire [sic] avec son autorité et sa discipline militaires ». Plus encore, ils précisaient que « toutes les modifications devr[aient] être faites selon l’esprit et la tradition des Zouaves, esprit et tradition militaires, et non d’après les constitutions d’institutions civiles, voyageurs de commerce ou autres ». Aussi, afin d’assurer l’authenticité de cet esprit zouave ou militaire, les aumôniers affirmaient que « toute la partie militaire et administrative devr[ait] relever des officiers » et que l’on « devr[ait] éviter le plus possible de recourir aux élections pour la nomination des officiers ».617

613 J.-M.-Rodrigue Villeneuve (Mgr), « Copie d’un jugement de Son Éminence le Cardinal Villeneuve o.m.i.Archevêque de

Québec, en date du 27 janvier 1940, relatif au différend de la nouvelle constitution et du Club de Raquetteurs "Le Zouave" », 27 janvier 1940, AAQ, 3 CG. Souligné dans le texte.

614 Idem.

615 Par ailleurs, dans ce même jugement, Mgr Villeneuve ordonnait aussi la dissolution du Club de Raquetteurs Le Zouave,

accusé par Athanase Francoeur de favoriser des comportements immoraux parmi ses membres, d’organiser des soirées de danse où l’on consommait de l’alcool. Même en ce qui concerne la dissolution dudit club, le jugement de l’archevêque n’eut qu’un succès mitigé. Selon les propos de M. Albert Dorval, les zouaves de Québec contournèrent simplement l’interdit du cardinal en ouvrant un nouveau club de raquetteurs, mais sous une appellation plus discrète.

616 Avis des aumôniers du 1er bataillon, Québec, 17 mai 1941, AAQ, 3 CG. 617 Idem.

Concernant le rôle et la place des aumôniers au sein du mouvement, le rapport recommandait de les confiner autant que possible à la sphère spirituelle : « [ils] devront avoir la juridiction sur toute la partie spirituelle pour assurer la formation chrétienne et apostolique des zouaves et les orienter vers le service de l’Église et l’Action catholique, comme corps auxiliaire d’Action Cathlique [sic], tout en respectant la nature et le cachet militaire ou para-militaire [sic] de l’Association. »618 De plus, interdiction devait leur être faite « d’intervenir dans

les questions militaires et administratives, excepté lorsqu’une question religieuse ou morale s’y rattacher[ait]. » En bref, selon cet avis, les aumôniers devaient se cantonner à leur rôle de guides spirituels et non s’approprier le commandement du régiment. Ironiquement, les aumôniers du 1er bataillon respectaient ainsi davantage

l’esprit de l’Action catholique que ne le faisait Athanase Francoeur. Ce dernier, en effet, était tout pétri de ce cléricalisme, ce « péché mignon » de l’Église canadienne-française écrivait Nive Voisine619, qui avait fortement

teinté l’interprétation du catholicisme social au Canada français à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.620

Loin d’accorder aux laïques une plus grande autonomie pour leur permettre d’accomplir leur apostolat « en présence ou en l’absence du prêtre »621, la nouvelle structure promue par Francoeur rendait pratiquement toute

initiative impossible en dehors de l’autorité des prêtres. En ce sens, l’opposition à l’orientation nouvelle constituait également une opposition, ou tout au moins une réserve, à l’intégration plus ou moins forcée d’un mouvement laïc à l’Action catholique.

Mgr Villeneuve prit certainement conscience de l’erreur que représentait son attaque frontale contre l’édifice symbolique des zouaves canadiens, puisqu’il modifia substantiellement sa stratégie par la suite. Le 23 mai 1941, dans une lettre adressée à Athanase Francoeur, il recommandait « qu’un Comité formé exclusivement de zouaves, comme il sied à une association laïque qui a de par ses origines et son histoire son caractère propre, expose respectueusement ses remarques sur la dite [sic] Constitution et propose un projet qui puisse rallier tous les suffrages ».622 Obéissant à la suggestion de l’archevêque de Québec, le « "Comité des

Cinq" Zouaves laïques », composé des officiers supérieurs du régiment et des bataillons, se réunit effectivement le 7 septembre 1941 et soumit son rapport le 17 du même623, au grand soulagement de Francoeur – par ailleurs

618 Souligné dans le texte.

619 « L'ultramontanisme canadien-français au XIXe siècle », dans Nive Voisine et Jean Hamelin (dir.), Les ultramontains

canadiens-français, op. cit., p. 102-103.

620 Sur la lecture cléricaliste de l’encyclique : « Cependant l’École Sociale Populaire aborde Rerum Novarum, un exposé

de principes doctrinaux se prêtant à bien des interprétations et bien des applications, à travers le prisme déformant de l’idéologie clérico-nationaliste. Loin d’être un ferment qui renouvelle l’idéologie, c’est plutôt celle-ci qui affadit la doctrine, en orientant la doctrine sociale, comme l’a souligné P.-E. Trudeau, "dans une voie nationaliste étroitement bornée par le cléricalisme, l’agriculturisme et le paternalisme ouvrier." Perchés sur le promontoire des principes doctrinaux, – les principes avant les hommes, lisait-on dans la presse catholique – les commentateurs perçoivent mal les réalités du Québec qui les auraient sensibilisés à une interprétation plus souples [sic], plus réaliste du texte pontifical. » Nive Voisine, Histoire de l’Église catholique au Québec (1608-1970), Montréal, Fides, 1971, p. 61.

621 Gabriel Clément, Histoire de l’Action catholique au Canada français, Montréal, Éditions Fides, 1972, p. 23. 622 Lettre de Mgr Villeneuve à Athanase Francoeur, 23 mai 1941, AAQ, 5 CP.

623 « Résolutions et rapport du Comité des Zouaves Pontificaux Canadiens dit "Comité des Cinq" », Québec, 17 septembre

vieillissant et malade.624 Le rapport, en effet, était l’expression de « la volonté unanime du "Comité des Cinq" »

de réparation et de réconciliation.625 De plus, ledit comité remerciait « Son Éminence de l’intérêt qu’elle [avait]

manifesté à l’égard du Régiment », de même qu’il exprimait « son admiration et sa reconnaissance à l’adresse du R.P. A. Francoeur […] pour le travail immense qu’il s’[était] imposé dans l’intérêt du Régiment ». Quant aux recommandations, « [l]es trois Bataillons après consultations entre eux, et pra [sic] la voix de leur Commandant respectif, exprim[aient] […] l’opinion que le projet de Constitution et Règlements tel que préparé par le R.P. A. Francoeur [était] un peu volumineux, pas assez clair et ne [tenait] pas assez compte du caractère para-militaire [sic] du Régiment, non plus que des faits et de l’histoire de certaines compagnies, notamment la Cie No. 1. » Dans l’ensemble, les propositions du comité étaient presque en tous points semblables à celles exprimées dans le rapport des aumôniers du 1er bataillon.

Un seul élément original s’ajoutait, celui du nom : « le mot Régiment désigne l’ensemble des groupements de Zouaves à toutes fins, mais qu’au point de vue civile [sic], il admet les associations locales et les comités civils qui administrent ou collaborent à ces dites [sic] associations. » Cette recommandation était en fait une réaction à l’habitude que Francoeur avait prise de référer au mouvement associatif dans son ensemble par l’expression « Association des zouaves pontificaux canadiens » plutôt que par « Régiment des zouaves pontificaux canadiens ». Déjà en 1940, le commandant Paquet dénonçait cette façon de faire – ou plutôt de dire – dans sa lettre au chanoine Chamberland : « le R.P. Athanase Francoeur […] semble vouloir changer complètement l’orientation de notre Régiment, depuis le nom et le but jusqu’à son organisation […] ».626 Encore

une fois, l’importance accordée à la manière de nommer l’association renvoyait à la défense du mythe et en particulier à la sacralisation par le rituel militaire : si l’habit faisait le zouave, le nom faisait aussi le régiment.

Par la même occasion, le « Comité des Cinq » assurait la victoire de la résistance du mythe et l’échec du remplacement. « Les deux partis ont fait des concessions… héroïques. Ce qui importe c’est que l’espèce de dictature établie par le Colonel Rouleau n’existe plus […] et que le Régiment sera un corps auxiliaire de l’Action catholique : chrétiens fervents et apôtres rayonnants. »627 En vérité, le seul enjeu qui semblât véritablement

importer aux zouaves de Montréal – qui s’étaient joints les premiers à l’Action catholique – était celui de la « dictature » de la compagnie de Québec.628 « Le Commandant Lambert (Montréal) a joué tous ses atouts.

624 « […] l’entente est faite et la paix, rétablie ! J’en remercie le Ciel et plus que jamais je suis bien résolu à demeurer sous

ma tente, en [sic] cette question des constitutions et règlements. » (Lettre de Francoeur à Mgr Villeneuve, 1er octobre 1941,

AAQ, 5 CP.)

625 « Résolutions et rapport du Comité des Zouaves Pontificaux Canadiens dit "Comité des Cinq" », Québec, 17 septembre

1941, AAQ, 3 CG.

626 Lettre de Henri Paquet au chanoine Chamberland, 20 novembre 1939, AAQ, 3 CG. 627 Lettre de Francoeur à Mgr Villeneuve, 1er octobre 1941, AAQ, 5 CP.

628 En effet, les règlements généraux rédigés par Charles-Edmond Rouleau en 1926 stipulaient que le colonel du régiment

devait provenir de la Cie 1 de Québec. (Règlements généraux du Régiment des Zouaves pontificaux canadiens, Montréal, Imprimerie du Messager, 1926, p. 2, ACAM, 995 040 926.)

"Depuis 12 ans, disait-il, nous luttons pour la disparition de l’esprit de dictature dans le Régiment. Nous n’en voulons pas ; si non [sic], nous retournerons chez nous et nous continuerons notre travail sans vous. […]" Il a emporté le morceau et, ces points gagnés, il s’est montré très large pour les autres concessions proposées. »629

Ainsi, d’après le rapport du « Comité des Cinq » et le résumé que fit Francoeur de la réunion du 7 septembre, il est fort intéressant de constater que les zouaves de Québec n’étaient pas véritablement hostiles à ce que le régiment s’intègre en marge de l’Action catholique et que ceux de Montréal – les plus proches alliés de Francoeur selon sa correspondance avec Mgr Villeneuve – ne désiraient pas abandonner l’aspect militaire. De façon générale, le véritable enjeu de cette « crise existentielle » n’était pas de déterminer l’orientation du mouvement zouave, mais la préservation de son mythe fondateur et, ce faisant, de son identité. Cette « crise », donc, fut plutôt le reflet d’une tentative de remplacement du mythe qu’une véritable remise en cause du mouvement par les zouaves eux-mêmes.

À cet égard, la nouvelle constitution qui suivi les travaux du « Comité des Cinq » illustre bien l’importance accordée à la préservation du mythe et, en particulier, aux symboles et aux rituels – uniforme, exercices et hiérarchie militaires – témoignant de l’appartenance, de l’identité et de la mémoire des zouaves.630

Selon ce document, le régiment visait à « perpétuer le souvenir et les traditions des Zouaves Pontificaux, par le culte du Pape et l’uniforme zouave » et « présent[ait] un triple aspect à la fois religieux, social et militaire, mais [devait] être considéré à toutes fins comme étant militaire ou para-militaire [sic]. » Dans la lignée des écrits de Charles-Edmond Rouleau, en particulier de sa théorie militaire, l’uniforme constituait le principal vecteur de la mémoire et des vertus des zouaves : « Il fut troué de balles et taché de sang sur les champs de bataille à Catelfidardo [sic], à Monte Libretti, à Mentana, à Monte Rotondo et à Rome. Il est une relique de [sic] martyrs de l’Église et du Pape. »

Le geste et la parole avaient également une valeur éducative et mémorielle et, par conséquent, une fonction sacralisatrice liée à la répétition : « L’aspect militaire du Régiment [étant] un moyen formateur d’endurance, de développement physique et de discipline […] les exercices militaires commandés à la française, [seraient] de rigueur ainsi que la gymnastique et la discipline militaires. » Quant auxdits commandements et exercices, ils constituaient une forme de rituel mémoriel et participaient à la sacralisation du mythe : « La théorie des exercices militaires en usage au Régiment, toujours modelée sur la Théorie des Zouaves Pontificaux de 1860-70, devra garder son caractère ancien et dessuet [sic]. Toute modification à apporter à cette théorie dans

629 Lettre de Francoeur à Mgr Villeneuve, 1er octobre 1941, AAQ, 5 CP.

630 « Statuts du Régiment des Zouaves Pontificaux Canadiens », s.d., AAQ, 5 CP. Le document est sans date, mais un

croisement des noms de deux des officiers signataires avec la durée de leur mandat respectif me permet d’affirmer qu’il a été produit quelque part entre 1943 et 1949. D’abord, George Gagné fut colonel de 1939 à 1949 selon la liste des colonels du régiment contenue en annexe dans le livre de Diane Audy (p. 145). Quant au commandant du 2e bataillon, son mandat