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- Revue Bibliographique -

A. Réponse des plantes aux agents pathogènes : les plantes font de la résistance

2 Mécanismes de défense contre les maladies virales

2.2 Les résistances dominantes

Une des stratégies dans l’immunité des plantes largement décrite en ce qui concerne les interactions plantes/virus concerne les gènes de résistance dominante appelés gènes R. Ces gènes R sont impliqués dans les résistances de type gène pour gène où le produit des gènes R permettra de reconnaitre de façon spécifique les protéines virales d’avirulence (avr) (Flor, 1971).

2.2.1 Les NB-LRR

La plupart des gènes R codent pour des protéines de la famille des NB-LRR (Nucleotide-binding Leucine-rich repeat). Les gènes NB-LRR constituent une famille vaste et diversifiée avec par exemple 149 gènes différents identifiés chez Arabidopsis (Meyers, 2003). Les protéines NB-LRR sont capables de reconnaître différents agents pathogènes (Cooley et al., 2000).

2.2.1.1 Structure des protéines R

Les protéines NB-LRR sont des protéines cytoplasmiques constituées principalement de trois domaines (Moffett, 2009; de Ronde et al., 2014) (Fig. R.5) :

- Au centre de la protéine, le « Nucleotide Binding Site (NBS) » qui est composé de trois sous-unités (NB, ARC1 et ARC2) comprenant une poche de liaison nucléotidique permettant la liaison et l’hydrolyse de l’adénosine triphosphate (ATP)

Figure R.4| Exemples de mécanismes de suppression du RNA silencing (D’après Pumplin & Voinnet, 2013) (a) La réplicase P126 du Tomaco mosaic virus (TMV) inhibe l’activité méthylase de la HEN1 ce qui conduit à la dégradation des siRNA après uridylation (U) (b) Séquestration des siRNA de 21 nucléotides par la protéine P19 des tombusvirus (c) Ubiquitination de AGO1 par les protéines P0 et P25 du Potato virus X ce qui conduit à sa dégradation par autophagie ou via la sous-unité 26S du protéasome

- En C-terminal, le domaine LRR – Leucine-rich repeat qui est impliqué dans la reconnaissance spécifique de l’agent pathogène

- En N-terminal, deux motifs différents peuvent être décrits permettant ainsi de distinguer deux classes de protéines NB-LRR :

o Le domaine TIR (« Toll and Interleukin-1 Receptor ») retrouvé uniquement chez

angiosperm dicotylédones. Ce domaine présente une homologie avec le domaine TLR (« Toll-like receptor ») impliqué dans l’immunité innée chez les animaux

o Le domaine CC (« Coiled-Coil ») attribué notamment aux protéines NB-LRR dont le

domaine en N-terminal n’a pas été encore décrit.

2.2.1.2 Modèles d’interaction avec les protéines virales

En réponse aux infections virales, 22 gènes de la famille des NB-LRR ont été clonés, pour certains d’entre eux les protéines virales d’avirulence Avr ont aussi été identifiées. La majorité de ces gènes codent pour des protéines de type CC-NB-LRR (de Ronde et al., 2014).

Les interactions entre les protéines R et les protéines virales d’avirulence Avr peuvent s’effectuer de façon directe, il s’agit dans ce cas du modèle d’interaction Ligand-Récepteur. Cependant l’interaction protéines R/Avr s’effectue majoritairement de façon indirecte faisant intervenir différents facteurs de l’hôte (Moffett, 2009; Dodds & Rathjen, 2010; de Ronde et al., 2014).

a. Interaction directe : modèle Ligand-Récepteur

Dans ce modèle la protéine R interagit de manière directe avec la protéine Avr. La transduction du signal est assurée par la protéine R (Fig. R.6a)

b. Interaction indirecte

Il s’agit du modèle le mieux décrit qui fait intervenir une protéine intermédiaire de l’hôte qui sera reconnue par la protéine Avr. Cette interaction induit un changement de conformation dans la protéine intermédiaire de l’hôte qui permet la reconnaissance par la protéine NB-LRR. Trois modèles différents ont été décrits sur la base de ce fonctionnement (Moffett, 2009; Collier & Moffett, 2009; Dodds & Rathjen, 2010; de Ronde et al., 2014) :

- Le modèle de garde : Dans ce modèle la protéine NB-LRR interagit avec une autre protéine, la protéine gardée, qui lorsqu’elle sera liée à la protéine Avr permettra d’activer la protéine NB-LRR activant de ce fait les mécanismes de défense (Fig. R.6b).

Figure R.5| Représentation schématique de l'architecture linéaire des protéines NB-LRR (D’après Collier & Moffert, 2009)

Les différents domaines des protéines NB-LRR sont représentés : le domaine LRR (Leucine-rich repeat et le domaine NB (« Nucleotide binding »). Entre ces deux domaines se trouve le domaine ARC (Apaf-1, R proteins, CED-4) qui peut être divisé en deux sous-unités : ARC1 et ARC2. En N-terminal, deux domaines différents constituent deux catégories de protéines NB-LRR : le domaine TIR (« Toll and Interleukine-1 Receptor homology ») et le domaine CC (« Coiled-Coil »).

- Le modèle « decoy » : Dans ce modèle, dérivé du modèle précèdent, le facteur de l’hôte qui interagit avec la protéine Avr agit comme un leurre (« decoy ») puisque son unique rôle est d’être une molécule perceptrice de la protéine Avr (Fig. R.6b).

Le modèle de garde et « decoy » sont difficiles à différencier puisque plusieurs protéines qui interagiraient avec des protéines d’avirulence pourraient correspondre à ces modèles d’interaction. Un exemple est la protéine NRIP1 qui interagit d’une part avec la protéine p50 du Tobacco mosaic virus (TMV) et d’autre part avec la protéine NB-LRR codée le gène N du tabac. L’activation du gène N nécessite la pré-reconnaissance du complexe NRIP1/protéine d’avirulence p50 (Caplan et al., 2008).

- Le modèle « bait-and-switch » : Ce modèle suppose qu’en l’absence de reconnaissance d’un agent pathogène les protéines NB-LRR seraient dans un état « off » avec une conformation repliée de telle façon que le domaine NB-ARC est en relation avec les domaines N-terminal et LRR. La protéine qui sert d’appât (« bait ») est quant à elle liée au domaine N-terminal. Lorsque cette protéine appât interagit avec la protéine Avr il y a un changement de conformation du complexe (« on ») permettant l’interaction de la protéine Avr avec le domaine LRR ce qui conduit à la transduction du signal de résistance (Fig. R.6c et Fig. R.7). Un exemple est le gène Rx mis en évidence chez la pomme de terre en réponse au Potato virus X. Des interactions intramoléculaires maintiennent le produit du gène Rx dans un état inactif. L’interaction avec la protéine virale effectrice provoque des changements de conformations qui activent les mécanismes de résistance en aval (Slootweg et al., 2013).

Figure R.6| Modèles de reconnaissance directe-indirect des NB-LRR (Dodds & Rathjen, 2010)

Les protéines NB-LRR interagissent avec les protéines d’avirulence (Avr) de façon directe ou indirecte.

a) Interaction directe, la protéine Avr (en vert) interagit avec le domaine LRR de la protéine R (en bleu) ; b) Modèles de garde et « decoy » où la protéine Avr (en vert) modifie une protéine accessoire de l’hôte (en rouge) qui peut être sa cible de virulence (modèle de garde) ou une imitation structurelle d’une telle cible (modèle « decoy ») ; c) Modèle « bait-and-switch » où l’interaction d’un effecteur avec une protéine accessoire de l’hôte (en rouge) facilite la reconnaissance directe par la protéine NB-LRR. Les protéines NB-LRR représentées ci-dessus sont constituées d’un domaine C-terminal LRR (en bleu), d’un domaine central NB (croissant orange) qui lie un ATP ou ADP (rond jaune) et d’un domaine N-terminal (ovale violet) de type TIR (Toll, interleukin-1 receptor) ou CC (coiled-coil)

2.2.1.3 Cascades de signalisation et réponses de défense

La première réponse classiquement attribuée à la résistance en lien avec les gènes R est la

réponse hypersensible (HR). Cette réponse entraîne une activation de la mort cellulaire programmée afin de limiter la propagation de l’infection. La HR est généralement liée à l’accumulation de l’acide salicylique (SA), jasmonique (JA), d’éthylène, de ROS et de calcium (Ca2+) et est aussi liée à l’expression de gènes codant pour des PR-protéines (« Pathogenesis Related proteins ») (de Ronde et al., 2014). En parallèle à cette réponse de défense localisée au niveau des sites d’infection, un signal de défense dans des tissus adjacents est également induit par les gènes R, il s’agit de la résistance systémique acquise (SAR). La SAR est liée à la voie du SA qui agit comme une molécule signal. Cette réponse se traduit par l’expression systémique de gènes codant pour les PR-protéines. La SAR perdure dans le temps et peut permettre ainsi d’assurer l’immunité des plantes vis-à-vis d’autres infections (Soosaar et al., 2005; de Ronde et al., 2014).

2.2.2 Autres résistances dominantes

Les gènes RTM (« Restricted TEV Movement ») ont été les premiers gènes à résistance dominante clonés et impliqués dans la réponse aux virus n’appartenant pas à la famille des NB-LRR. Ces gènes sont impliqués dans la réponse aux potyvirus tels que le Tobacco etch potyvirus (TEV), au Lettuce mosaic virus (LMV) et au Plum pox virus (PPV).La caractérisation génétique de différentes accessions d’Arabidopsis a permis de mettre en évidence trois gènes et deux loci à résistance dominante : RTM1, RTM2, RTM3, RTM4 et RTM5. Le gène RTM1 code pour une protéine appartement à une grande famille caractérisée par une sous-unité de lectine : les jacalines. Certaines protéines de cette famille ont été identifiées dans la réponse à des agents pathogènes ou des ravageurs (Chisholm et al., 2000). Le gène RTM2 code pour une protéine avec des domaines transmembranaires présentant des homologies avec les protéines heat shock. Cependant, RTM2 n’est pas inductible par la chaleur et ne contribue pas à la thermo-tolérance. RTM3 code pour une protéine présentant en N-terminal un domaine

Figure R.7| Modèle "bait-and-switch" d’interaction des NB-LRR (D'après Collier & Moffett, 2009)

a) La protéine LRR est auto-inhibée (état « off ») dans une configuration telle que le domaine NB-ARC est en relation avec les domaines N-terminal et LRR ; b) La protéine Avr (triangle orange) interagit avec la protéine appât (« bait ») du complexe (en gris) ; c) Cette interaction induit un changement de conformation du complexe (état « on ») qui conduit à une activation du signal de défense ; d) réinitialisation de la conformation de la protéine.

MATH-TRAF (meprin and TRAF homology) et en C-terminal un domaine coiled-coil. Les loci

RTM4 et RTM5 ont uniquement été génétiquement caractérisés (Cosson et al., 2012).

Le fait que l’expression des gènes RTM1 et RTM2 soit limitée au compartiment phloémien et qu’une interaction entre RTM1 et RTM3 ait été mise en évidence en double-hydride et in planta ont permis d’émettre l’hypothèse sur la formation par les produits des gènes RTM d’un complexe multi-protéique. Ce complexe serait impliqué dans des mécanismes de résistance qui bloqueraient le mouvement en systémie des potyvirus (Cosson et al., 2010).

Un autre gène appartenant à la même famille que RTM1 a également été identifié en réponse à une infection virale. Il s’agit du gène JAX1 (JACALIN TYPE LECTIN REQUIRED FOR POTEXVIRUS RESISTANCE 1) qui confère la résistance à un potexvirus Plantago asiatica mosaic virus (PIAMV). Cependant, contrairement au mode d’action de RTM1, JAX-1 semble conférer la résistance au PIAMV en agissant lors des premières étapes de l’infection. L’action de ces deux gènes montre le rôle important des lectines dans les résistances aux virus (Yamaji

et al., 2012).

Chez une espèce de tomate sauvage Solanum hirsutum le gène Tm-1 a été mis en évidence en réponse au Tomato mosaic virus (ToMV). Ce gène code pour une protéine qui présente un domaine TIM-barrel. C’est d’ailleurs ce domaine qui assure la liaison aux protéines de réplication du ToMV inhibant de ce fait la réplication de son ARN (Ishibashi et al., 2007; Ishibashi & Ishikawa, 2013).

De façon générale, ces gènes R n’appartenant pas à la famille des NB-LRR semblent intervenir à des étapes clés de l’infection virale ce qui permet de bloquer avec succès le développement de la maladie.

2.2.3 RNA silencing et résistances dominantes : « Le » modèle Zig Zag en réponse aux phytovirus

Le modèle Zig Zag illustre bien « la course à l’armement » entre les plantes et les agents pathogènes excluant au départ les virus de ce modèle. Cependant, les agents pathogènes viraux et non-viraux induisent des réponses immunitaires semblables telles que l’induction de la HR et la SAR dans les tissus non infectés. De plus, les virus produisent des protéines d’avirulence Avr (protéines de la capside, de mouvement, de réplication) reconnues par les gènes R de type NB-LRR (Zvereva & Pooggin, 2012). Un modèle de l’immunité des plantes face au virus a ainsi été décrit par Nakahara & Masuta (2014) en faisant le parallèle avec le modèle Zig Zag de Jones & Dangl (2006). Dans ce modèle, les virus produiraient des dsRNA qui agiraient comme des PAMPs (la notion de VAMP, « virus associated molecular pattern » a d’ailleurs était avancée par Pumplin & Voinnet, 2013). Les plantes activeraient de ce fait le RNA silencing qui correspondrait à une phase PTI-like. Les virus auraient la capacité de contre-attaquer en produisant des RNA silencing suppressor (RSS). Finalement, comme dans une phase ETI-like, les plantes activeraient des protéines R qui reconnaitraient spécifiquement les RSS produits comme des protéines Avr. Cette reconnaissance amenant à l’activation des mécanismes de défense avec notamment la HR et la SAR (Fig. R.8)

Cependant, il est important de noter qu’une particularité propre aux virus créée une réelle différence dans ces mécanismes d’immunité par rapport aux autres agents pathogènes. En effet, contrairement aux champignons ou bactéries qui possèdent différentes protéines d’avirulence, les virus présentent un nombre de protéines limitées qui sont toutes essentielles à la réalisation de leur cycle. Ainsi quand une protéine R reconnaît une protéine virale Avr, les virus auront plus de difficultés à pouvoir la remplacer. Cela va avoir un impact sur le nombre de cycles de la phase ETI qui seront moins nombreux par rapport aux autres agents pathogènes (Nakahara & Masuta, 2014).