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- Revue Bibliographique -

3 Métabolisme primaire et infection virales

En réponse aux infections virales, des changements importants concernant différentes voies métaboliques ont été décrits en particulier ceux concernant la photosynthèse et le métabolisme des carbohydrates. En raison du type d’interaction plante/virus analysé ainsi que des conditions d’étude du pathosystème (système d’expérimentation, caractéristiques des prélèvements, etc), une seule et unique description généralisée des réponses métaboliques déclenchées ne peut pas être réalisée (Llave, 2016). De plus, ces réponses métaboliques sont très complexes et dépendent de nombreux facteurs tels que le stade de développement des plantes, le moment de prélèvement, le type de prélèvement (feuilles, plante entière, prélèvement au niveau des sites d’inoculation ou en systèmie, etc). Ainsi, les quelques études menées pour essayer de comprendre la reprogrammation métabolique lors d’une infection virale ont analysé la réponse à différents moment de la maladie (Fernandez-Calvino et al., 2014; Sade et al., 2015; Stare et al., 2015; Kogovšek et al., 2016).

Les avancées en métabolomique ont permis d’avoir accès à différentes approches qui ont rendu possible la quantification d’un large spectre de métabolites sur de nombreux échantillons que ce soit chez des espèces modèles ou non (Gibon et al., 2012). Il est donc à présent possible de caractériser et d’évaluer la contribution des composés métaboliques intervenant lors d’une infection virale. Il est intéressant de noter que les résultats obtenus avec ces données relatives au contenu métabolique sont souvent associés à des données de transcriptomiques ce qui permet d’essayer d’identifier les voies métaboliques affectées par les infections virales en analysant la réponse à différents niveaux (Fernandez-Calvino et al., 2014; Sade et al., 2015; Stare et al., 2015; Kogovšek et al., 2016).

3.1 Infection virale et métabolisme des carbohydrates

Un phénomène important est observé au niveau des tissus infectés, c’est la transition source-puits caractérisée par une diminution de la photosynthèse et une augmentation de la demande en composés carbonés. La demande est principalement soutenue par le saccharose qui est synthétisé au niveau des feuilles sources et transporté via le phloème aux tissus puits. Ainsi des concentrations élevées en saccharose ou en sucres solubles ont été quantifiées dans certaines interactions plante/virus. Ces changements dans l’accumulation des carbohydrates sont souvent décrits en relation avec l’activité d’une enzyme membranaire, l’invertase. En effet, les taux élevés en sucres solubles relevés chez des tabacs infectés par le Potato virus Y

(PVY) sont corrélés avec une augmentation de l’activité de l’invertase qui permet de cliver le saccharose en glucose et fructose. D’ailleurs des plantes Arabidopsis surexprimant l’invertase, accumulent une grande quantité de sucres solubles et présentent une résistance contre le

Tobacco mosaic virus (TMV) (Herbers et al., 1996; Llave, 2016).

Cette augmentation des sucres solubles est retrouvée dans l’étude menée par Fernandez-Calvino et ses collaborateurs (2014) sur la réponse métabolique d’A. thaliana au Tobacco rattle virus (TRV). En effet, des concentrations plus importantes en glucose, fructose et

saccharose ont été quantifiées au niveau des plantes inoculées avec le TRV par rapport aux plantes non inoculées et ce au moment où l’infection était considérée maximale (Fig. R.20) (Fernandez-Calvino et al., 2014).

Dans leur étude concernant l’infection de S.tuberosum par le Potato virus Y, Kogovsek et ses collaborateurs ont montré une réponse dynamique de l’accumulation de ces sucres solubles au cours de l’infection. En effet, à un temps très précoce après inoculation (1 dpi) une diminution du contenu en hexoses est notée suivie d’une importante augmentation (3 & 6 dpi). Ce changement d’accumulation reflèterait la transition source-puits qui a lieu au moment où l’infection virale est maximale (Kogovšek et al., 2016).

3.2 Infection virale et respiration

Lors d’une infection virale, la respiration est stimulée afin de subvenir aux besoins énergétiques nécessaires à la mise en place des mécanismes de défense et/ou à la multiplication virale. Trois grandes voies métaboliques interconnectées assurant la production d’énergie peuvent être associées à la respiration : la glycolyse, le cycle de Krebs et la chaîne respiratoire mitochondriale (Fernie et al., 2004). Ainsi, une accumulation de composés intermédiaires du cycle de Krebs a été notée dans les feuilles inoculées de pomme de terre infectées par le PVY (Kogovšek et al., 2016). Comme le cycle de Krebs est sensible aux stress oxydatifs, les plantes ont la possibilité de l’éviter via le « shunt » de GABA (4-aminobutyrate). Ainsi, une augmentation de l’expression de la glutamate decarboxylase (GAD) l’une des trois enzymes majeures impliquées dans ce processus est constatée au cours de l’infection de

S.tuberosum par le PVY (Kogovšek et al., 2016).

D’autres processus métaboliques ont également été décrits comme impliqués dans la production d’énergie lors de la réponse des plantes à des agents pathogènes (la phase oxydative des pentoses phosphates, le cycle du glyoxylate, le processus de β-oxydation). Tout cela montre bien la reprogrammation du métabolisme primaire afin de pouvoir soutenir la demande énergétique nécessaire à la mise en place des mécanismes de défense et/ou probablement à la multiplication virale (Fig. R.21) (Bolton, 2009b)

(a) (b)

Figure R.20| Effet de l'infection par le TRV sur les concentrations en carbohydrates chez Arabidopsis

(D'après Fernandez-Calvino et al., 2014)

(a) Quantification de la charge virale par qRT-PCR à différents temps après inoculation, une accumulation maximale du virus est notée à 8 dpi (b) Concentrations en fructose, glucose et saccharose (sucrose) quantifiées par GC-MS à différents temps au cours de l’infection. Les mesures ont été effectuées en systémie sur des feuilles de plantes inoculées par le TRV (en rouge) et non inoculées par le virus (en bleu). Les astérisques représentent les temps où des différences significatives dans les concentrations en sucres ont été observées entre plantes inoculées et non inoculées par le TRV.

3.3 Infection virale et acides aminés

Les infections virales induisent d’importantes modifications dans le contenu en acides aminés qui semblent avoir un rôle important dans la mise en place des mécanismes de défense. En effet, la forte demande en composés carbonés dirige les acides aminés vers les voies métaboliques génératrices d’énergie tel que le cycle de Krebs (Bolton, 2009b). Dans l’étude de Fernandez-Calvino et ses collaborateurs (2014), des concentrations importantes en acides aminés sont relevées chez les plantes d’Arabidopsis infectées par le TRV au moment où l’accumulation virale est estimée maximale. Les données de transcriptomique à cette date montrent une sous-expression des gènes codant pour les protéines ribosomiques et une surexpression des gènes codant pour des composés impliqués dans le système ubiquitine/protéasome. Ces données suggèrent que le TRV induirait les mécanismes de protéolyse au niveau des tissus infectés (Fernandez-Calvino et al., 2014). Des changements de concentrations en acides aminés ont été mis en évidence au cours d’une infection par le

Tomato yellow leaf curl virus (TYLCV) de variétés résistantes et sensibles de tomate. En effet, à un temps précoce après inoculation (1 dpi) les variétés résistantes ont un contenu en métabolites dont le contenu en acides aminés est plus élevé que les variétés sensibles. Au cours de l’infection, le résultat s’inverse avec une accumulation en métabolites qui sera maximale chez les variétés sensibles à 7 dpi (Sade et al., 2015). Malgré l’accumulation en

Figure R.21| Voies du métabolisme primaire impliquées dans la production d'énergie lors de stress biotiques (D'après Bolton, 2009)

Dans cette représentation sont retrouvées les 3 principales voies métaboliques associées à la respiration : la glycolyse, le cycle de Krebs (TCA cycle) et la chaîne respiratoire mitochondriale (MET). L’alternative au cycle de Krebs, le shunt de GABA est également représentée. D’autres voies métaboliques permettant également de produire de l’énergie figurent aussi sur le schéma : la phase oxydative de la voie des pentoses phosphates (OPP Pathway) et la β-oxydation.

Abréviations : HK, hexokinase ; Glc- P, glucose 6-phosphate ; Fru-P, fructose 6-phosphate ; PPi-PFK, pyrophosphate : fructose 6-phosphate 1-phosphotransferase ; PFK, phosphofructokinase ; Fru-1,6P, fructose-1,6-biphosphate ; G3P, glyceraldehyde-3-phosphate ; GAPDH, glyceraldehyde-3-phosphate dehydrogenase ; PGK, phosphoglycerate kinase ; PEP, phosphoenolpyruvate ; PK, pyruvate kinase ; LDH, lactate dehydrogenase ; PDH, pyruvate dehydrogenase ; AD, acyl-CoA dehydrogenase ; HAD, 3-L-hydroxyacyl-CoA dehydrogenase ; ID, isocitrate dehydrogenase ; α-KG, α-ketoglutarate ; α-KGDH, α-ketoglutarate dehydrogenase ; S-CoA, succinyl-CoA ; OAA, oxaloacetate ; GDH, glutamate dehydrogenase ; GAT, 4-aminobutyrate aminotransferase ; SSDH, succinic semialdehyde dehydrogenase ; DH, internal/external NADH dehydrogenase ; Q, ubiquinone ; AOX, alternative oxidase ; Cyt c, cytochrome c.

acides aminés qu’il semble y avoir lors d’une infection virale, la fonction précise de ces composés métabolique dans la réponse à ce stress biotique reste peu connue (Llave, 2016).

3.4 Infection virale et lipides

Les lipides sont des molécules présentant de multiples fonctions biologiques. En effet, ils fournissent des composants structurels pour les parois et membranes cellulaires, ils sont source d’énergie pour le métabolisme. Ils sont impliqués dans divers processus tels que les réarrangements cytosquelettiques, le trafic membranaire, les transductions du signal. Ils sont donc également impliqués dans la réponse à des stress biotiques.

Pendant l’infection, les virus interagissent avec le métabolisme des lipides et des acides gras dans le but de faciliter son entrée dans les cellules, sa réplication/multiplication, son assemblage et sa sécrétion. Par exemple, les virus vont être capables de réorganiser les membranes cellulaires afin d’établir des sites pour sa réplication. D’ailleurs, les virus à ARN positif peuvent former des complexes de réplication à partir des membranes de différents organites (réticulum endoplasmique, appareil de Golgi, endosomes, lysosomes, mitochondries) (Heaton & Randall, 2011). Ainsi, l’inactivation chez N. benthamiana des gènes

SMO1 et SMO2 impliqués dans la biosynthèse des phytostérols conduit à une réduction de l’accumulation virale d’un tombusvirus le Tomato bushy stunt virus (TBSV) (Sharma et al., 2010). Lors de l’infection d’Arabidopsis par le TRV, des différences majeures du contenu en lipides entre plantes inoculées et non inoculées sont observées uniquement à 8 dpi c’est-à-dire au moment où l’accumulation virale est maximale (Fernandez-Calvino et al., 2014).

3.5 Infection virale et polyamines

Les polyamines sont des composés ubiquistes avec une activité biologique. Il s’agit généralement de molécules contenant deux voire plus de groupements amines dont les plus communes sont la putrescine, la spermidine. Ces molécules semblent avoir un rôle important dans la réponse à des infections virales. En effet, un certain nombre d’études ont mis en évidence leur fonction dans la transduction des signaux de défense. (Llave, 2016). Ainsi, Fernandez-Calvino et ses collaborateurs dans leur étude de la réponse métabolique lors de l’interaction Arabidopsis/TRV ont mis en évidence des taux en putrescine deux fois plus élevés dans les plantes infectées, dès les phases précoces de l’infection, qui corrélaient avec la surexpression de gènes de la biosynthèse de ces polyamines (ARGININE DECARBOXYLASE 1 & 2). Des études précédentes avaient montré un rôle de la putrescine dans la résistance au froid, les auteurs ont voulu tester l’hypothèse que des plantes infectées par le TRV soient plus tolérantes aux basses températures du fait de l’accumulation de la putrescine. Les résultats ont été concluants puisque les plantes infectées par le TRV présentaient une meilleure tolérance au froid par rapport aux plantes contrôles (Fernandez-Calvino et al., 2014).