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- Revue Bibliographique -

B. Interactions plantes/agents pathogènes en conditions de stress multiples

3 Interactions stress abiotiques et infections virales

L’impact des facteurs environnementaux (stress abiotiques) sur les maladies/ravageurs (stress biotiques) correspond au concept formulé par George McNew en 1960, le triangle de la maladie(« Disease Triangle »). Les différents paramètres de ce triangle de la maladie sont en lien avec la sensibilité intrinsèque de la plante hôte, l’agressivité de l’agent pathogène et l’impact de l’environnement sur le développement de la maladie (Fig. R.15) (Scholthof, 2007).

Figure R.14| : Principales étapes des différentes voies de signalisation activées en réponse à la combinaison entre stress abiotique-biotique (D'après Atkinson & Urwin, 2012)

Les interactions entre stress abiotiques et biotiques sont complexes et mettent en jeu divers facteurs impliqués dans différentes voies de signalisation dont l’objectif est de conférer la tolérance/résistance aux plantes face aux stress. Certains de ces facteurs et de ces voies de signalisation sont communs dans la réponse des plantes à des stress abiotiques et biotiques. Les caractéristiques de certains de ces éléments ont été développées tout au long de ce paragraphe et sont signalés par le symbole sur le schéma

Les effets de la combinaison de différents stress abiotiques et biotiques sur les plantes vont dépendre de la nature, la sévérité et la durée de ces stress. L’impact sur la croissance, la physiologie, la productivité des plantes est donc fonction de la combinaison de stress abiotiques et biotiques en question se traduisant par des interactions négatives ou positives (Fig. R.16) (Mittler, 2006; Atkinson et al., 2013; Suzuki et al., 2014; Pandey et al., 2017).

L’étude de ces interactions est donc indispensable dans la compréhension des mécanismes mis en place par les plantes pour faire face à des situations de stress complexes. L’analyse des différentes revues scientifiques s’intéressant aux stress multiples permet de se rendre compte que la majorité des études développées s’intéressent le plus souvent à la combinaison de stress abiotiques. Par exemple, dans la revue de Suzuki et ses collaborateurs (2014), seulement 6 des 33 études recensées portaient sur l’étude de la combinaison entre stress abiotique et biotique (Suzuki et al., 2014). De plus, dans la cadre des combinaisons stress abiotiques/biotiques, les études impliquant des stress abiotiques et des infections virales sont moins nombreuses que celles impliquant des champignons et des bactéries. Des résultats majeurs de certaines de ces études ont été repris permettant de montrer la complexité de ces interactions justifiant d’autant plus leur importance.

Dans leur système multifactoriel, Prasch et Sonnewald (2013) ont testé la réponse d’Arabidopsis (accession Col-0) à deux stress abiotiques (la chaleur et la sécheresse) et un stress biotique (une infection virale par le Turnip mosaic virus). Ainsi, ils ont montré que ces stress abiotiques augmentaient la sensibilité d’A. thaliana au TuMV. Une analyse comparative de transcriptomique a été menée sur des groupes de plantes où les stress étaient appliqués de façon individuelle ou combinée (2 ou 3 stress de façon simultanée). Il ressort que l’expression des gènes en conditions de stress multiples ne peut être prédite à partir de l’expression des gènes caractérisée pour un stress unique. D’ailleurs le nombre de gènes impliqués dans la réponse augmente avec la complexité et la sévérité des stress appliqués. Onze gènes sont retrouvés en communs à l’ensemble des conditions de stress. Deux facteurs de transcription - Rap2.9 et GBF3 - déjà caractérisés en réponse à des stress ont été identifiés parmi ces gènes communs (Sakuma et al., 2002; Fujita, 2005). Cette étude a également permis de mettre en évidence des gènes qui vont être régulés de façon spécifique à une combinaison de stress. Ainsi, 29 gènes sont exclusivement exprimés lors de l’application simultanée des trois stress. (Prasch & Sonnewald, 2013).

Figure R.16| Effets des interactions stress abiotique-biotique dans la sensibilité des plantes à un agent pathogène (D'après Pandey et al., 2017)

Selon la combinaison des stress, les stress abiotiques peuvent avoir un impact négatif sur l’installation, développement de l’agent pathogène (a) ou au contraire le favoriser (b) avec des conséquences sur la sensibilité de la plante en réponse à ce stress biotique.

D’autres études se sont également intéressées à la combinaison entre stress abiotiques et infection virales. Ainsi, il a été montré sur une étude menée sur le blé, que de fortes concentrations en C02(650 µmol/mol alors que les concentrations normales sont de 400 µmol/mol) augmentent de 36.8% l’accumulation en systémie du Barley yellow dwarf virus

(BYDV) (Trębicki et al., 2015). Une étude similaire toujours sur ce même pathosystème blé/BYDV, a aussi montré une augmentation de la charge virale du virus chez des blés exposés à des températures élevées (Nancarrow et al., 2014). Chez le pathosystème Solanum tuberosum/Potato leafoll virus c’est la combinaison des concentrations élevées en C02 ainsi que des températures élevées (30°C) qui augmente le pourcentage de plantes infectées (Chung et al., 2017).

Les différents stress abiotiques peuvent avoir un impact à différents niveaux de l’infection virale. Ainsi, l’efficacité de transmission des virus est, comme la multiplication virale, impactée par ces stress. Une augmentation de la transmission par leur insecte vecteur (Myzus persicae) du Cauliflower mosaic virus (CaMV) et du Turnip mosaic virus (TuMV) a été montrée chez des navets soumis à des stress hydriques (van Munster et al., 2017). En revanche, une deuxième étude publiée par la même équipe montre au contraire que l’efficacité de transmission du

Turnip yellow virus (TuYV) est deux fois moins importante chez les plantes d’A. thaliana en condition de stress hydrique alors qu’il n’existe pas de différences significatives dans l’accumulation du virus entre les plantes soumises ou non à ce stress. Une des hypothèses pour expliquer les différences entre les deux études est en relation avec le fait que le CaMV et le TuMV sont des virus non-circulants alors que le TuYV est un virus circulant. Les virus circulants sont acquis et livrés directement au niveau du phloème par les pucerons. Or, en conditions de stress hydrique, les pucerons sont amenés à se nourrir plutôt au niveau du xylème. Cela pourrait expliquer la diminution de particules virales transmises par les pucerons (Yvon et al., 2017).

Ces deux études montrent bien la complexité des réponses des plantes face à des combinaisons de stress. Un autre exemple illustrant ces multiplicités de réponses est l’étude menée par Xu et ses collaborateurs (2008) où l’infection par le Cucumber mosaic virus (CMV) de différentes espèces de plantes améliore leur tolérance à la sécheresse. Cette protection conférée pourrait être en lien avec les changements physiologiques importants (notamment en ce qui concerne le métabolisme primaire) induits lors de l’infection virale. Ce résultat pourrait en être en lien avec l’idée que le virus a tout intérêt à prévenir la mort de son hôte dont il est totalement dépendant pour pouvoir accomplir son cycle de vie (Xu et al., 2008). L’ensemble de ces études combinant stress abiotiques et infection virale montrent au final une telle complexité et multiplicité de réponses qu’il n’est sans doute pas possible d’établir un seul et unique schéma de réponse des plantes en conditions de stress multiples. Il est donc nécessaire de poursuivre le développement de ces études afin d’acquérir un maximum de connaissances sur ces réponses.

Il est intéressant de noter que globalement l’ensemble de ces études ont été menées en conditions contrôlées. D’ailleurs, très peu d’études concernant les interactions plantes/virus ont été menées en conditions naturelles (Hily et al., 2016). Dans ces conditions contrôlées plusieurs questions peuvent se poser concernant l’application des stress abiotiques. En effet, il est pertinent de se demander comment un stress hydrique, salin, thermique peut être

appliqué afin de ne pas être trop intense de façon à se rapprocher au maximum des conditions au champ. Il ne faut effectivement pas oublier qu’en conditions naturelles, les plantes sont soumises à des stress de façon continuelle avec des variations plus ou moins importantes au cours de la journée (Mittler, 2006). De plus, la question concernant la chronologie d’application de ces stress se pose également : faut-il les appliquer en simultané, en séquentiel ? Par exemple, Coolen et ses collaborateurs (2016) ont analysé la réponse transcriptomique d’Arabidopsis à des stress appliqués de façon séquentielle. Il apparaît que dans le cas de deux stress appliqués de cette façon, les profils transcriptomiques obtenus sont similaires à ceux obtenus pour le deuxième stress même si des éléments de réponse caractéristiques du premier stress sont également retrouvés (Coolen et al., 2016). Finalement, en conditions extérieures, au champ, ces questions ne se posent pas puisque dans cette situation les plantes sont naturellement soumises à une combinaison de différents stress. Ce qui devient en revanche plus complexe c’est de caractériser ces stress (intensité, durée, variabilité) et donc de connaître leur impact réel sur les plantes.

C. Elargir le phénotypage de la réponse des plantes aux virus :