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Dans les membranes cellulaires, la diffusion des composés membranaires, lipides et protéines, est diminuée de 5 à 50 fois par rapport à celle observée dans des liposomes. En outre, une polymérisation minime de ces composés, in vivo, induit un ralentissement supplémentaire de leur diffusion d’un facteur 5 à 40, en fonction du composé observé (Iino et al., 2001; Murase et al., 2004). Selon un modèle brownien, la diffusion latérale, dans une bicouche lipidique continue, d’un composé subissant une tetramérisation devrait être diminué par 1,1, tandis que celle d’un polymère de 100 molécules devrait être diminuée de 1,4 (Kusumi et al., 2005). Le déplacement des éléments constitutifs des membranes dans des conditions cellulaires est donc en apparence radicalement différent de celui observé dans des conditions artificielles. Ces conclusions qui reposent sur des données de FRAP (Fluorescence recovery after

photobleaching) ou de SPT (single particle tracking) à basse résolution (1 images /

30 ou 300ms), ont été bousculées par la publication de nouveaux résultats obtenus par SPT à une résolution considérablement augmentée. En un tour de force technique permettant l’acquisition de 40000 images par sec (1 image /25µs), le groupe de Kusumi a clairement démontré que la diffusion latérale d’un lipide insaturé localisé dans le feuillet extracellulaire, DOPE, était inhomogène. Son comportement peut être décrit en deux phases : une phase répondant aux caractéristiques d’un mouvement brownien classique circonscrit au sein de domaines de la membrane plasmique; une autre phase beaucoup plus lente qui correspondrait au saut du composé d’un microdomaine membranaire à un autre (modèle hop diffusion) (Fujiwara et al., 2002). Au sein d’un domaine membranaire donné, la diffusion latérale de la molécule DOPE atteint une vitesse de 9µm2/s, similaire à celle observée dans des liposomes

reconstitués. Cette vitesse est considérablement diminuée par le passage de la molécule entre deux compartiments adjacents. Un traitement rapide à la cytochalasine D induit une augmentation de la zone de diffusion rapide de DOPE d’un coefficient 4 (Murase K 2004 Biophys J), suggérant que la diffusion compartimentalisée de DOPE dépendrait de l’intégrité du cytosquelette d’actine. En fonction de la densité du réseau sous-membranaire d’actine, spécifique à chaque type cellulaire, la maille du réseau varierait de 30 à 230nm, définissant en conséquence la taille des compartiments membranaires (Murase K 2004 Biophys J). De manière intéressante, le déplacement latéral de la molécule n’est pas dépendant de l’existence de rafts dans la membrane, de domaines protéiques extra-membranaires ou encore de composés présents dans la matrice extracellulaire. Le fait que des protéines membranaires diverses, récepteur à la transferrine (Sako and Kusumi, 1994), CD44 (Kusumi et al., 2005), les E- cadhérines (Sako et al., 1998) ainsi que les récepteurs à 7TM, ste2 et δ-opioïde (Kusumi et al., 2005; Suzuki et al., 2005) présentent toutes des déplacements latéraux similaires à celui décrit pour la molécule DOPE, rend probablement généralisable le modèle de hop diffusion. Ces données suggèrent en outre que la présence d’une protéine dans des zones ordonnées de la membrane ou nanorafts ne limite pas sa diffusion latérale dans la membrane quand bien même sa mobilité au sein du nanodomaine peut, elle, s’avérer contrainte. Il est cependant aiser d’imaginer que la stabilisation transitoire des rafts par l’intermédiaire de leur liaison au réseau cytosquelettique sous membranaire, aura des conséquences importantes sur la mobilité des protéines contenues dans ces structures. Comme nous l’avons évoqué précédemment, la fugacité de l’existence de ces structures constitue probablement un frein important à l’évaluation de leur impact sur la diffusion latérale des protéines qui y sont localisées.

L’une des difficultés du modèle de hop diffusion réside dans la localisation cytosolique du cytosquelette. Comment le réseau cytosquelettique cytosolique peut-il circonscrire la mobilité de composés présents dans le feuillet externe de la membrane plasmique? Nakada et al. ont récemment proposé un modèle décrivant la contrainte transmembranaire apposée par le réseau cytosquelettique au cours du développement

neuronal (Nakada et al., 2003). Les neurones présentent deux domaines membranaires distincts, somato-dendritique et axonal. Chez le rat, une barrière physique membranaire, le segment initial, est constituée à la base de l’axone, une dizaine de jour après la naissance. La diffusion d’une molécule de DOPE est radicalement supprimée par la formation du segment initial. Ce phénomène est corrélé à l’expression et la concentration au niveau du segment initial de molécules de G-ankyrin et de canaux sodiques immobiles à 85% (type II/Nav1.2) (Nakada et al., 2003). En liant des molécules de G-ankyrin, les molécules de canaux sodiques s’associent au réseau d’actine et sont en conséquence immobilisées. Cette perte de mobilité des protéines transmembranaires à l’issu de leur liaison au cytosquelette pourrait stériquement propager la contrainte diffusionelle appliquée par le réseau d’actine sur la face cytosolique de la membrane. Le temps de résidence d’un composé, dans une région donnée de la membrane, devrait en conséquence, s’en trouver augmenté. Dans le cas du segment initial, la contrainte générée par l’immobilisation de canaux sodiques, le long du squelette d’actine, semble relativement stable. Une immobilisation transitoire des protéines membranaires devrait cependant avoir des conséquences stériques similaires sur la diffusion locale des composés de la membrane (Théorie des membrane skeleton fences and the

anchored-transmembrane protein pickets) (Kusumi et al., 2005; Suzuki et al., 2005).

De ces différentes données, émerge un modèle de membrane compartimentalisée par le réseau d’actine sous membranaire. La liaison stable ou transitoire des protéines membranaires à ce réseau résulterait en la formation d’une barrière physique transmembranaire (anchored-transmembrane protein pickets) circonscrivant chacun des compartiments membranaires. Protéines et lipides présentent une diffusion répondant aux critères browniens au sein d’un domaine donné et une diffusion ralentie lors de leur passage vers un compartiment adjacent. La capacité de ces composants à passer une barrière va être étroitement dépendante de leur niveau de polymérisation. Les complexes multimoléculaires verront leur temps de résidence au sein d’un compartiment d’autant augmenté qu’ils seront d’une taille importante (Kusumi et al., 2005; Murase et al., 2004).

Les protéines d’échafaudage