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Protéines et lipides sont les composants chimiques principaux des membranes cellulaires. Les propriétés physico-chimiques des molécules de lipides vont en déterminer plusieurs caractéristiques dont leur organisation générale en bicouche. A la différence des membranes modèles, l’organisation des membranes biologiques est néanmoins maintenue dans un état très éloigné des conditions d’équilibre. Elles vont présenter à la fois une asymétrie transversale et une organisation latérale hétérogène.

Distribution asymétrique des lipides membranaires

La composition lipidique de chacun des feuillets de la bicouche lipidique est différente et varie en fonction de la nature de la membrane considérée. Il existe environ 500 espèces de lipides dans les membranes. Ils peuvent être regroupés en trois familles principales chez les mammifères : glycéro-phospholipides, sphingolipides (SL) et cholestérol (Devaux and Morris, 2004). Glycéro-

phospholipides [dont les principaux sont les phosphatidyl-choline (PC), -sérine (PS) et -éthanolamine (PE)] et SL sont substitués par des acides gras dont la longueur et le niveau de saturation des chaînes aliphatiques est variable. Dans les érythrocytes, PS et PE sont essentiellement concentrés dans le feuillet interne de la membrane plasmique tandis que PC et SL se retrouvent exclusivement dans le feuillet externe (Devaux, 1991; Devaux and Morris, 2004). Les phosphatidyl-inositol (PI), constituants mineurs des membranes (ils représentent moins de 1% de l’ensemble des molécules lipidiques) sont quant à eux essentiellement localisés dans le feuillet membranaire interne (De Matteis and Godi, 2004). La distribution asymétrique des lipides dans les membranes est assurée par différentes protéines, des flippases et des translocases (Holthuis and Levine, 2005). Les phospholipases et les lipides kinases (ex : Phosphatidyl kinases) en modifiant localement la nature des lipides vont également en influencer la concentration (De Matteis and Godi, 2004). Si phospholipides, céramides (le squelette moléculaire des sphingolipides) et cholestérol sont synthétisées dans le réticulum endoplasmique, la synthèse des différents sphingolipides (sphingo-myéline et sphingo-glycolipides) s’effectue au niveau de l’appareil de Golgi (van Meer and Sprong, 2004). Ces molécules dont l’accumulation dans la membranes débute dans la région trans-Golgienne, se retrouvent essentiellement au niveau de la membrane plasmique et des endosomes. Dans le cas du cholestérol, sa localisation est déterminée par son affinité pour les sphingolipides et glycérophospholipides saturés et sa diffusion libre au travers de la bicouche lipidique (van Meer and Sprong, 2004). Finalement, la localisation des différentes espèces de PI résulte d’une régulation complexe reposant sur l’activité de kinases et de phosphatases précisément localisées dans la cellule (Wenk and De Camilli, 2004; De Matteis and Godi, 2004). Cette répartition spécifique pourrait avoir plusieurs rôles : définir l’identité des domaines membranaires, constituer un moyen de communication entre les organelles ou encore assurer une directionnalité au transport membranaire (Caroni, 2001; Wenk and De Camilli, 2004). Dans tous les cas, la distribution précise de l’ensemble de ces molécules de lipides et leur capacité de liaison et de régulation de l’activité de nombreuses protéines, leur confère un rôle crucial en terme de signalisation. L’exemple des adaptateurs de clathrine, AP1 et

AP2, impliqués dans la génération de vésicules membranaires permettant le transport de protéines cargos entre différents compartiments cellulaires illustre cette notion. Leur rôle différentiel dans la voie d’export du Golgi vers la membrane plasmique ou dans le processus d’internalisation de la membrane plasmique vers les endosomes précoces, respectivement, reposerait sur leur affinité pour des espèces de PI spécifiques. AP1 lierait préférentiellement les PI4P (Wang et al., 2003) enrichis au niveau du trans-Golgi et des vésicules d’exocytose, tandis que AP2 lierait plus spécifiquement les PI(4,5)P (Collins et al., 2002) présents dans la membrane plasmique.

L’organisation des lipides dans la membrane

Au contraire des stérols dont le corps cyclique et rigide présente une nature hydrophobe intrinsèque, l’hydrophobicité des autres classes de lipides est déterminée par la chaîne hydrocarbonée des acides gras qui les substituent. Les acides gras sont caractérisés par des chaînes aliphatiques de 12 à 24 carbones dont la longueur et le niveau d’insaturation va déterminer le point de fusion (TM) des molécules qu’ils

substituent. A longueur de chaîne égale, le point de fusion est d’autant plus bas que la chaîne est insaturée. A niveau d’insaturation équivalent, le TM est d’autant plus bas

que la chaîne est courte. Il existe ainsi un parallèle entre le TM des lipides d’une

membrane et le niveau de fluidité observée de cette membrane.

La nature des acides gras et du groupement polaire exhibé par une molécule lipidique lui confère un volume stérique ou une forme particulière (cône, cône inversé ou cylindre). In vitro, les différents lipides vont ainsi spontanément s’associer en une bicouche phospholipidique dont l’organisation latérale tend à minimiser l’énergie libre selon un principe logique de compensation de forme (Chernomordik et al., 1995). En fonction de leur forme, de leur TM, de la température, de la concentration et

des conditions d’hydratation, les lipides vont adopter des agencements ou phases de types lamellaires (Lα ou LD, phase désordonnée ou Lβ ou LO, phase ordonnée) qui

sont les plus fréquemment retrouvées dans les membranes biologiques et des phases de types HI ou HII (micelles ou micelles inversées), essentielles lors des fusions

Figure 16. représentation schématique des différentes organisations adoptées par les molécules de lipide

La courbature élevée des membranes vésiculaires ou les remaniements nécessaires à la fusion membranaire vont être favorisées par des lipides présentant des forme non cylindriques tels que l’acide phosphatidique (HII), les lysophospholipides

(HI) ou les acides gras (HII) (Farsad and De Camilli, 2003; Wenk and De Camilli,

2004). Au contraire, des lipides présentant une forme cylindrique vont avoir tendance à s’organiser en un arrangement lamellaire (Lα ou Lβ). Les sphingolipides en sont un exemple. Dans le cas du cholestérol, sa structure particulière lui confère la capacité d’induire des remaniements dans l’organisation des lipides membranaires en favorisant la transition des bicouches vers des structures de type micellaire (L vers H). La régulation dynamique et locale de la concentration de certains lipides (notamment les lysophospholipides et l’acide phosphatidiques) par l’intermédiaire des différentes phospholipases A2 (de Figueiredo et al., 2001), C (Basanez et al., 1997) ou D (Ktistakis et al., 1996) va ainsi se révéler essentielle dans le contrôle des phénomènes de transport membranaire.