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Les contraintes imposées par le réseau cortical sous-membranaire limitent la mobilité latérale des complexes protéiques. En plus d’assurer l’efficacité de signalisation, l’oligomérisation des récepteurs membranaires et la formation de signalosomes favorise leur immobilisation dans des régions particulières des membranes. L’organisation des synapses neuronales et plus particulièrement des zones post-synaptiques reflète l’importance fonctionnelle de ce phénomène. Dans le cas des synapses excitatrices, les récepteurs au Glutamate, métabotropiques et ionotropiques (GluR) (NMDA et AMPA) sont en perpétuel mouvement entre des zones extra-synaptiques et la grille synaptique (Choquet and Triller, 2003). Leur stabilisation à ce niveau dépend en grande partie de leur liaison à une variété de protéines d’échafaudage à domaine PDZ, PSD95, SAP97, GRIP/ABP, PICK1, Homer ou Shank. La liaison de GluR2, une des sous unités des récepteurs AMPA, aux protéines GRIP/ABP va ainsi stabiliser sa localisation au niveau de la grille synaptique (Osten et al., 1998; Osten and Ziff, 1999). Au contraire, sa liaison à PICK1 favorise, selon un mécanisme dépendant de PKC, la redistribution extra- synaptique du récepteur et permet son internalisation. PICK1 lie GluR2 par l’intermédiaire de deux séquences distinctes dans sa portion terminale cytosolique. Une séquence c-terminale classiquement reconnue par les domaines PDZ (SVKI) et capable d’interagir également à l’état basal avec GRIP/ABP (Daw et al., 2000); une autre non-PDZ (KRMKVAKNAQ ou pep2m), liant PICK1 (Hanley et al., 2002) et une protéine AAA ATPase classiquement impliquée dans la régulation du processus de fusion membranaire, NSF (Nishimune et al., 1998; Noel et al., 1999; Osten and Ziff, 1999). Les qualités de chaperonne moléculaire de NSF lui confère la capacité de dissocier les interactions protéiques (Whiteheart and Matveeva, 2004). Dans le cas présent, NSF et son co-facteur SNAP (soluble NSF attachement protein) dissocieraient constitutivement PICK1 de GluR2 (Hanley et al., 2002) garantissant sa localisation synaptique. En déstabilisant l’interaction entre un échafaudage protéique et un récepteur, NSF modulerait, entre autre, la capacité de diffusion latérale du

récepteur GluR2 entre la zone extra-synaptique et la grille synaptique (Gardner et al., 2005; Steinberg et al., 2004) (Fig 22).

Figure 22. Mécanisme de regulation de l’expression à la surface des récepteurs AMPA au glutamate contenant les sous unités GluR1 et GluR2.

Le récepteur GluR2 lie les protéines à domaines PDZ, GRIP et PICK1 par l’intermédiaire d’une séquence concensus présente dans sa queue c-terminale (SVKI) (Bredt and Nicoll, 2003). GRIP va stabiliser l’expression des récepteurs AMPA au niveau de la grille synaptique, comme d’ailleurs la protéine 4.1 qui en reliant GluR1 au cytosquelette immobilise le canal. La liaison de PICK1 à GluR2 serait initiée par la phosphorylation de la S880 du site concensus PDZ par PKC. La formation du

complexe PICK1/GluR2 favorise l’internalisation du canal et le phénomène de dépression à long terme (LTD). PICK1 lie également GluR2 au niveau d’un décapeptide interne de sa queue c-terminale qui constitue également un site de liaison pour la AAA ATPase NSF. Le recyclase du récepteur à la surface serait dépendant de cette dernière et de son cofacteur βSNAP, qui en dissociant le complexe PICK1/GluR2 (Hanley et al., 2002) permettraient la diffusion latérale de ce dernier jusque dans la grille synaptique (Gardner et al., 2005; Steinberg et al., 2004). NSF interviendrait également dans l’insertion initiale du récepteur dans la grille synaptique à l’issu de sa synthèse.

Si les cellules neuronales illustrent particulièrement bien l’importance de la compartimentation membranaire et de la mobilité latérale des protéines, il est évident que la régulation de ces phénomènes est probablement essentielle dans tous les types cellulaires. Le canal échangeur Na+/H+ NHE3 qui régule l’absorption du Na+ dans le

tubule proximal du rein ou dans l’intestin présente également une localisation membranaire que son association à de méga complexes protéiques va réguler (Li et al., 2001). En liant le domaine PDZ2 de NHERF1 et NHERF2 (Yun et al., 1997)), le canal NHE3 va se voir impliqué dans différents complexes déterminant subséquemment sa fonction. En reliant le canal à PKC (Lee-Kwon et al., 2003) et à α- actinin-4 (Kanai et al., 2000), NHERF2 sensibilise NHE3 au calcium. Dans les tubules proximaux rénaux, NHERF1/2 permettent également l’association de NHE3 à la protéine Ezrin qui va lier le cytosquelette d’actine et recruter avec une basse affinité PKA (Yun et al., 1998). La modulation de l’interaction de NHE3 à NHERF va réguler la taille des complexes protéiques impliquant le canal et en conséquence son activité et sa mobilité (Yun et al., 1997; Cha et al., 2004).

NHERF participe également à la régulation de l’activité d’autres protéines, dont des GPCR. Par l’intermédiaire d’un motif consensus de reconnaissance de domaine PDZ (DSLL), NHERF interagit avec le récepteur β2AR (Cao et al., 1999; Hall et al., 1998) et la protéine RAMP3 (Bomberger et al., 2005a), une protéine liée constitutivement au récepteur CRLR et régulant le transport membranaire et les propriétés pharmacologiques de ce dernier. Dans les deux cas, NHERF paraît impliqué dans la régulation du recyclage de ces récepteurs (Cao et al., 1999; Gage et al., 2001; Bomberger et al., 2005a) vers la surface membranaire à l’issu de leur désensibilisation et de leur internalisation. De manière intéressante, le β2AR et le CRLR via son association à RAMP3, intéragissent également avec NSF (Cong et al., 2001; Bomberger et al., 2005b), qui régulerait lui aussi le routage membranaire de ces deux récepteurs à l’issu de leur internalisation. Ces observations sont réminscentes du lien fonctionnel observé dans le cas de la régulation de la diffusion membranaire latérale du récepteur GluR2 par PICK1 et NSF (Hanley et al., 2002) qui contrôleraient la localisation du canal au niveau de la grille synaptique (Fig 22). Bien qu’aucune donnée n’établissent un rôle direct de NSF dans la modulation de

l’interaction du β2AR ou du CRLR à NHERF, ce parallèle pourrait refléter l’existence d’une inter-connection fonctionnelle entre NHERF et NSF dans la régulation de la distribution membranaire latérale de ces deux récepteurs.

Les protéines à domaine FERM

La propriété de NHERF à lier par son domaine c-terminal, des protéines de la superfamille des protéines à domaines FERM (Four point one, ERM) telles qu’ezrin, illustre le lien entre cytosquelette et protéines d’échafaudage dans la compartimentation membranaire. Les protéines à domaine FERM peuvent néanmoins interagir directement avec certaines protéines membranaires. L’interaction de GluR1 (Fig. 21) ou des récepteurs D2/D3 dopaminergiques (D2/D3R) à la proteine 4.1 régule leur expression à la surface cellulaire (Binda et al., 2002; Coleman et al., 2003). La phosphorylation des protéines ERM par PKC (Simons et al., 1998), PI4P5K (Matsui et al., 1999) ou encore GRK2 (Cant and Pitcher, 2005), conduit à leur activation. Dans cette conformation active, elles peuvent alors lier la F-actine et diverses protéines NHE1, CD43, CD44, ICAM1, ICAM2, Syndecan2 (Bretscher et al., 2002a). De manière intéressante, certaines protéines constitutivement présentes dans les fractions membranaires résistantes aux détergeants, telles que la protéine Cbp (Itoh et al., 2002), recruteraient la protein ezrin dans les rafts.

Les filamines

D’autres protéines liant l’actine présentent la capacité de relier les protéines de la signalisation au réseau cytosquelettique, par exemple la famille des filamines (Stossel et al., 2001). Leur interaction à des GPCR a été plusieurs fois rapportée dans la littérature et on y retrouve les récepteurs dopaminergiques D2 et D3 (D2/D3R) (Li et al., 2000; Li et al., 2002; Lin et al., 2001), le récepteur de sensibilité au calcium (CaR) (Awata et al., 2001; Hjalm et al., 2001; Zhang and Breitwieser, 2005), mGluR7 (Enz and Croci, 2003) ou le récepteur à la calcitonine (Seck et al., 2003). Dans le cas des récepteurs dopaminergiques, la liaison à la filamine semble essentielle au couplage de ces récepteurs à la protéine G (Li et al., 2000; Kim et al., 2005b). Par ailleurs, en interagissant avec la caveoline, la filamine stabiliserait leur association à

des microdomaines membranaires de type raft/caveolae (Stahlhut and van Deurs, 2000). Une hypothèse similaire a également été proposée dans le cas du récepteur CaR (Kifor et al., 1998) et son interaction avec la filamine serait en outre essentielle à son couplage à la voie MAPK (Awata et al., 2001; Hjalm et al., 2001). Dans certains cas, comme par exemple pour le récepteur de l’insuline, la liaison du récepteur à la filamine va inhiber son couplage aux MAPK (He et al., 2003). Ces résultats illustrent la capacité des protéines d’échafaudage à assurer la spécificité du couplage de divers types de récepteurs, GPCR ou autres [ex : les récepteurs à l’insuline ou les intégrines (He et al., 2003; Calderwood et al., 2001)].