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Partie III : Le district de Saint-Louis : description et analyse des disparités spatiales de

Carte 13 Répartition des principaux équipements de la ville

« Photographie non reproduite par respect du droit d’auteur »

Le quartier de Pikine II, que nous avons retenu pour l’étude, est, après Guet Ndar, le quartier le plus peuplé de la ville (22 178 hab.) et celui qui enregistre les plus fortes densités (306 habitants en moyenne par hectare). Comme beaucoup de quartiers à Sor, Pikine est une zone d’habitation spontanée où le tissu urbain est irrégulier. Sa situation juridique est particulière puisqu’il s’est établi sur un terrain privé et n’est officiellement pas reconnu par l’État : le découpage foncier a été réalisé de manière informelle et la plupart des occupants ne possèdent pas de titre régulier de propriété ou d’occupation222. Aussi est-il difficile pour la municipalité

d’y envisager un aménagement urbain et le quartier souffre de nombreux déficits : une seule voie est aujourd’hui carrossable, et de nombreuses zones ne sont reliées ni au réseau d’évacuation des eaux usées, ni à celui de l’eau, ni à l’électricité. Les voies de communication, quasiment impraticables en voiture, connaissent comme la plupart des logements qui s’y trouvent, des inondations importantes pendant l’hivernage.

Photographie 9 : Une construction sur déchets

Source : RAIMBAULT Luc et BOURJAILLAT Vincent (dir.), 2010, Saint-Louis 2030 : nouvelle métropole africaine, Saint-Louis, Sans Ed., p 32.

222 PLANCON Caroline, 2006, La représentation dans la production et l’application du droit : études de cas

dans le droit de propriété foncière au Canada/Québec, en France et au Sénégal, Thèse de doctorat de Droit, Université Panthéon-Sorbonne de Paris 1, 666 p.

Dans les zones de marécages, la population pikinoise a pris l’habitude de remblayer les terrains avec des ordures ménagères pour élever le niveau et stabiliser le sol. Les déchets sont alors brûlés et recouverts de sable jusqu’à ce que le niveau soit suffisant pour entamer la construction. Les occupants ne sont à ce stade que très rarement propriétaires mais le deviendront après la construction s’ils demandent une régularisation.

La plupart des habitations, malgré la précarité des conditions d’occupation, sont construites en matériaux solides (parpaings, toit en tôle et matériaux de récupération) selon les modèles d’habitat en cours et des maisons modernes.

« Du point de vue de la qualité de l’habitat, la plupart des constructions sont « en dur », les baraques ne représentant que 13 % de l’ensemble. En effet, Pikine a la particularité, bien qu’étant un quartier spontané, de ne pas être forcément le plus pauvre de Saint-Louis, 15 % des salariés de la ville y logent. (…) « Cela a une conséquence sur l’apparence globale du quartier qui n’a pas l’aspect d’un bidonville qui serait, si ce fut le cas, davantage à la merci d’une expulsion. » [Plancon, 2008]223.

Leur évolution est fonction des rentrées d’argent des occupants (adjonction de pièces ou de bâtiments), et de la précarité matérielle (manque de stabilité, de solidité et d’étanchéité des constructions) et juridique (terrains occupés et construits illégalement dans des terrains insalubres et inondables) des logements. Aussi peut-on distinguer deux types d’habitation. Les maisons de grand standing que l’on retrouve au bord de la nationale et qui reproduisent en général une architecture classique de la maison coloniale à étage avec balcon. Et les habitations plus modestes de maisons sur cour qui se dégradent à mesure que l’on s’éloigne des artères centrales. Le tissu urbain y est alors plus resserré et les maisons sont affectées par l’humidité.

Aujourd’hui, des travaux de restructuration prévoient de bétonner les rues de Pikine et des programmes de régularisation de l’habitat sont menés pour assurer une sécurité foncière aux habitants :

« L’État immatricule la totalité du terrain comme public et octroie un droit de superficie en échange d’une somme versée par l’habitant, fixée à Pikine à 1 200 Fcfa/m². » [Raimbault et Bourjaillat, 2010]224

223PLANCON Caroline, 2008, « Pratiques juridiques urbaines au Sénégal : ruptures et réappropriations du droit

foncier étatique », Droit et cultures, n° 56, paragraphe 26 [en ligne]. http://droitcultures.revues.org/204

224RAIMBAULT Luc et BOURJAILLAT Vincent (dir.), 2010, Saint-Louis 2030 : nouvelle métropole africaine,

Figure 18 :Un habitat sur cour majoritaire

© Flora Tomasso

En plus de sa fonction résidentielle, le quartier de Pikine II accueille un collège, un poste de santé et deux marchés. Le premier « Marché Pikine » se situe à l’est de la route nationale (RN2) et approvisionne les quartiers alentour en poissons, fruits et légumes. Favorisé par sa situation carrefour, il polarise près de 250 échoppes, 70 étals et une importante clientèle225. Le

second « Marché Anta Gaye » est plus secondaire, il borde la voie Angle Tall sur plus de 150 mètres de long. Les femmes y exposent leurs marchandises sur des étals ou sur des nattes ; elles les vendent au détail auprès de la population locale.

225 NDOYE Mamadou Moustapha, 2000, Genre et habitat, les incidences de l’occupation anarchique de

l’espace sur la vie socio-économique des ménages : problématique de la féminisation de la pauvreté à Pikine/Saint-Louis, Mémoire de master de Sociologie, Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, 125 p.

Très présent en Afrique occidentale, l’habitat sur cour est aussi le plus répandu à Pikine. Ce type de maison, généralement construit de plain-pied, est composé de plusieurs bâtiments organisés autour d’un espace central. Le nombre et la grandeur des bâtiments dépendent de l’étendue de la famille et du niveau social de leur chef. Ils sont divisés en plusieurs pièces et donnent sur une cour où se trouve en général un arbre à palabre ainsi qu’un espace cuisine et sanitaire. Plus qu’une entité physique, cet espace est le lieu de vie de la maison : on y fait la cuisine, la lessive, on y discute en famille ou entre voisins. Bien souvent ces habitations évoluent au fur et à mesure que la famille s’agrandit (rajout de pièces, de vérandas, de bâtiments) et laissent place aujourd’hui à des formules pluri-familiales où propriétaire et locataires partagent la cour centrale.

2) L’extension urbaine récente

C’est dans ce contexte de saturation de l’espace qu’est née l’idée de créer des zones de décongestion à l’est de la ville. Et c’est autour des villages traditionnels de Khor, de Dakhar Bango et de Ngallèle, récemment rattachés à la commune de Saint-Louis, qu’a été envisagée l’expansion urbaine.

Séparés de la zone continentale par le marigot de Khor, ces nouveaux quartiers constituent d’anciens noyaux de peuplement situés, à l’exception de Dakhar Bango, le long de la route nationale qui constitue la seule voie structurante.

Plus facile à urbaniser en raison des possibilités d’aménagement qu’elle offre sur le plan spatial, cette zone périphérique constitue la zone d’extension préférentielle de la planification urbaine : les terrains sont viabilisés, des plans de lotissements sont élaborés et les aménagements en infrastructures de base sont en cours de réalisation.

Le processus d’urbanisation, qui se traduit dans les zones centrales par une densification des quartiers préexistants et une verticalisation de l’habitat, se traduit en périphérie par l’étalement urbain et la persistance du mode traditionnel d’habitat en maison individuelle. Non seulement l’espace disponible le permet mais les prix attractifs du foncier incitent les particuliers à bâtir plus confortablement.

Ces portions de territoire bien qu’intégrés au fonctionnement de la ville de Saint-Louis, offrent aujourd’hui des paysages à caractère rural appelés à s’urbaniser. Moins dotés en équipements collectifs que la ville édifiée (bâtiments, voies de circulation, etc.) mais aussi moins peuplés (10 % de la population urbaine), ces villages excentrés du continuum urbain, côtoient de vastes espaces agricoles, naturels et forestiers.

o Khor : installé dans une zone marécageuse et séparé de Sor par la digue, le quartier de Khor abrite l’usine de traitement des eaux et quelques grands services administratifs tels que les Travaux Publics, le service des transports terrestres, les abattoirs et le poste de gendarmerie. Son activité maraîchère ainsi que ses fonctions de gérant et de distributeur d’eau en font un quartier fondamental dans le bon fonctionnement de la ville. Son urbanisation qui s’est effectuée le long du réseau routier est emblématique du modèle urbain pavillonnaire et laisse apercevoir en arrière plan l’étendue des zones agricoles qu’il occupe.

o Ngallèleet l’université Gaston Berger : la zone de Ngallèle qui se prolonge vers le pôle universitaire de Saint-Louis présente un potentiel considérable. Doté de terrains aptes à l’urbanisation, c’est d’ailleurs ici que le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) de 1975 espérait voir naître une ville nouvelle. Aujourd’hui, des lotissements ont bien été entrepris, mais le niveau d’occupation reste faible et les équipements collectifs dont elle devait être équipée n’ont pas été créés. Ni gare routière, ni collège, ni cimetière, ni même marché de gros n’ont vu le jour à Ngallèle, et les logements réalisés, censés reloger les habitants des quartiers les plus insalubres ou surpeuplés de la ville, n’abritent pour le moment que les employés de l’Université Gaston Berger. Faute d’incarner la nouvelle centralité urbaine de Saint-Louis, Ngallèle conserve un caractère villageois où les habitats de paille côtoient les nouvelles habitations en dur.

o Dakhar Bango : bien que situé à une dizaine de kilomètres seulement du centre-ville, le quartier de Dakhar Bango reste isolé de la ville. L’unique bretelle d’accès (goudronnée depuis 2006) qui le conduit à la route nationale, celle de l’aéroport (opérationnel depuis septembre 2011) et du camp militaire (créé dans les années trente), le rend difficilement accessible. En plus de cet enclavement, le quartier souffre de problèmes d’électrification et d’accès à l’eau potable. Installé en zone marécageuse, il fonctionne toujours comme un village autonome vivant de ses cultures maraîchère et fruitière (cocoteraie, sapotilliers, corossoliers, bananiers, manguiers, papayers, etc.). Quelques boutiques se sont installées sur le pourtour de la route goudronnée pour commercer avec les militaires mais son isolement géographique lui ôte pour l’instant sa capacité à alimenter les marchés de la ville. Sa prestigieuse école militaire accueille près de 13 nationalités et pourrait jouer un rôle important dans le développement de Dakhar Bango.

Photographie 10 :Le modèle pavillonnaire périurbain

Photographie 11 : Les installations temporaires

Sur les terrains de conquête récente, le modèle pavillonnaire et son jardin dominent largement parmi les nouvelles constructions urbaines. Les maisons individuelles, basses ou à étages selon les moyens, sont construites en ciment sur des terrains isolés qui finiront par établir des fronts bâtis de rues en continu.

En attendant de pouvoir construire leur maison en dur, les habitants mettent en place des installations précaires, souvent illégales, faites de matériaux légers et espèrent que celles-ci restent temporaires.

Source : Photographie prise en juin 2011, route de Khor.

3) Mpal : la ville secondaire du département

Le village de Mpal, récemment érigé en commune, est une autre manifestation de cette extension urbaine. Alors que les villages de Khor, de Dakhar Bango et de Ngallèle ont été absorbés par l’extension du périmètre urbain, le village de Mpal s’est développé à plus de 30 kilomètres du centre-ville en bénéficiant des interactions rurales-urbaines et de sa position stratégique sur la route nationale RN2.