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Partie III : Le district de Saint-Louis : description et analyse des disparités spatiales de

Carte 12 Les quartiers de la ville de Saint-Louis

1) La ville dense saturée

De manière générale, on peut distinguer la ville dense de son extension récente. La ville dense regroupe les quartiers les plus anciens de la ville (plus de trente ans d’existence) et concentre 66 % de la population du département213. Il s’agit du centre historique (4 %) et de ses

quartiers périphériques situés sur la langue de Barbarie (21 %) et dans le faubourg de Sor (41 %). Avec la densification démographique, ces espaces qui ont eu pour fonction d’accueillir les nouveaux arrivants, sont aujourd’hui saturés et à forte spéculation foncière.

o L’île de Ndar : touristique et culturelle

Historiquement, c’est autour du fort de l’île de Ndar que la ville de Saint-Louis s’est constituée. Choisie à l’origine pour des raisons stratégiques liées à sa proximité avec la mer et aux facilités de défense que proposait le site pour asseoir un comptoir commercial, les Français s’y installent en 1659 et lui donnent le nom de « Saint-Louis » en hommage au roi de France.

La petite île, qui s’allonge, du nord au sud, sur environ 2,5 kilomètres et 350 mètres de large en moyenne, n’a pas de relief notable et est périodiquement menacée par les crues de l’hivernage. Ce n’est qu’au cours du XVIIIème siècle, après des aménagements successifs qu’apparaîtront les quartiers officiels de l’île, « Lodo » au nord et « Sindoné » au sud, situés de part et d’autre du fort. L’île de Saint-Louis commencera alors à se développer et à s’équiper.

On peut aujourd’hui distinguer trois fonctions urbaines géographiquement distinctes sur l’île : le Sud essentiellement résidentiel, le centre commercial et touristique et l’extrémité nord marquée par la présence du camp militaire, du quai des arts et de quelques services administratifs. Longtemps privilégié, le centre historique abrite l’essentiel des services administratifs, touristiques, commerciaux et socio-culturels214. Son paysage très imprégné des

pouvoirs de commandement (gouvernance, mairie et les services déconcentrés de l’État dans les domaines de l’eau, de l’électricité, de la poste, des impôts, etc.) se détache du reste de la ville : la voirie y est totalement bitumée ; les réseaux électriques, hydrauliques et

213Service régional de la statistique et de la démographie de Saint-Louis, estimation démographique de 2010.

214 Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Hydraulique Urbaine, de l’Hygiène Publique et de

l’Assainissement, 2008, Plan Directeur d’Urbanisme : PDU - Saint-Louis Horizon 2025, Dakar, République du Sénégal, 93 p.

d'assainissement fonctionnent et se répartissent équitablement sur l'île ; la trame urbaine, régulière et rectiligne, est conçue sur un plan en damier encerclé par un système de quais hérité des XIXèmeet XXème siècles; enfin le style des bâtiments renvoie lui aussi à l’époque coloniale. Les maisons à étage se situent pour la plupart au cœur de l’île alors que les extrémités nord et sud arborent essentiellement des maisons basses de type méditerranéen et des baraques. Celles-ci ont le privilège de côtoyer l’hôpital régional et le lycée Faidherbe qui demeure le plus prestigieux de la ville.

Alors que l’île de Saint-Louis conserve de son passé colonial une organisation urbaine caractéristique et un patrimoine architectural remarquable, le déclin commercial qu’elle subit a crée des quartiers aujourd’hui en ruines qui représentent de réels dangers en terme de sécurité publique215. Faute de moyens, les infrastructures urbaines sont généralement vétustes et les maisons familiales ne sont bien souvent pas rénovées par leurs héritiers, quand elles ne sont pas détruites. Les propriétaires les plus fortunés envisagent parfois de restaurer leur bien pour l’introduire sur le marché locatif (le prix de location d’une chambre est en moyenne de 30 000 Fcfa par mois dans le centre-ville, contre 15 000 Fcfa à Sor)216, les moins chanceux

cherchent à vendre pour s’installer à Sor.

Il faut dire que l’île concentre plus de 10 000 habitants (11 535 en 2010) sur un espace exigu (73 ha soit une densité d’environ 158 habitants à l’hectare). Les ruelles, à forte circulation piétonne et automobile, débouchent rarement sur de larges avenues. Les places publiques bien qu’existantes ne sont pas suffisantes. Enfin, l’élévation d’une partie du bâti (densification par logement des terrasses et parfois adjonction illégale d’étages aux maisons à étage) et la succession des parcelles d’habitation de plus en plus peuplées donnent à l’île un aspect compact qui ne laisse que peu de place aux nouvelles installations.

L’inscription de l’île au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en décembre 2000 va néanmoins permettre de relancer les démarches de sauvegarde et de valorisation du patrimoine. Le centre colonial, qui reste pour beaucoup la vitrine de la ville, joue un rôle important dans les représentations citadines. L’engouement occidental pour son patrimoine naturel et architectural va permettre à de nombreuses personnes de vivre des retombées économiques du tourisme. Si bien que les espaces et les établissements à vocation touristique

215SOW Abdoul, 2008, L'Île de Saint-Louis du Sénégal : formes sociales et formes spatiales : destinées d'une

ville, Thèse de doctorat de Géographie, Université de Paris X-Nanterre, 345 p.

216 Si certains propriétaires envisagent de louer leur maison ou leur appartement dans leur intégralité, de

nombreux autres n’hésitent pas à louer une chambre ou une partie de leur habitation. Les réseaux de connaissances sont déployés pour faciliter la location.

se multiplient : musées, centre culturel, expositions d’art et d’histoire, hôtels, bars, restaurants, commerces occidentaux et galeries de souvenirs sont aujourd’hui au cœur de toutes les attentions.

Photographie 7 : L’architecturecoloniale de l’île de Ndar

Source : Photographie prise en juin 2011, quartier Nord. Les maisons à étage du XIXèmesiècle, autrefois cédées en bail aux fonctionnaires, militaires ou employés de passage dans la colonie, ont été construites en brique et pensées autour d’une cour centrale pour y diffuser lumière et fraîcheur. Les logements situés à l’étage sont accessibles par une coursive et disposent côté rue de portes-fenêtres symétriques qui donnent sur un balcon. Les rez-de-chaussée, bien souvent occupés par des boutiques ou magasins de commerce, constituent avec la rue les principaux espaces d’animation du paysage urbain. Souvent ornées de bougainvilliers et d’arbres feuillus, les bâtisses les plus anciennes sont reconnaissables par leurs balustrades en bois ou en fer forgé, leurs enduits de couleur ocre ou rose et leurs entrées moulurées et peintes. Les boutiques d’art, les hôtels et les bars-restaurants insufflent aujourd’hui une nouvelle vie à ces bâtiments anciens.

o La péninsule de la langue de Barbarie : le rempart

Les problèmes d’exiguïté et le souhait d’étendre la ville en dehors de l’île vont aboutir au XIXème

siècle à la création des quartiers de Ndar toute, puis de Goxumbacc qui, avec le village de Guet Ndar (antérieur à la création de la colonie217), marquent les débuts de

l’occupation de la langue de Barbarie. Ces quartiers de pêcheurs, qui étaient autrefois limités au sud par le cimetière musulman, se prolongent aujourd’hui sur le cordon littoral qui abrite de manière anarchique de nombreux campements touristiques. Un chenal de délestage a été creusé plus au sud pour limiter les inondations de la ville.

Le cordon littoral, qui n’est large que de quelques centaines de mètres (250 m maximum), était jadis une digue naturelle qui empêchait les vagues de déferler sur la ville. La ville s’étant aujourd’hui déplacée sur la digue, les nombreuses habitations qu’elle abrite se trouvent menacées par les crues de l’océan. Les murs de protection qui entourent les maisons sont délabrés et ne permettent pas de repousser les colères de la mer. Aussi grignote-t-elle chaque jour davantage le rivage et engloutit-elle parfois les habitations.

Ces habitations, qui, paradoxalement, récupèrent l’espace perdu côté mer en remblayant avec des ordures ménagères et du sable les berges du fleuve, progressent aux dépens du petit bras, large d’une centaine de mètres en moyenne. Les maisons basses de petite taille dominent le paysage. Elles reproduisent l’organisation classique des concessions traditionnelles wolofs et répondent à une ancienne superstition qui veut que « la mer se fâche si des maisons à étages la surplombent » [Bruneau, 1970]218.

Néanmoins, la population s’accroît à un rythme soutenu (4,3 % par an en moyenne depuis 1988) et, mis à part dans le quartier de Goxumbacc qui comporte encore quelques réserves foncières, les habitations ne peuvent pas se développer en raison de l’exiguïté de l’espace. Le quartier de Guet Ndar, qui demeure le quartier le plus peuplé de Saint-Louis (23 484 hab.), enregistre aussi les plus fortes densités (320 hab./ha). Les autorités administratives ont bien incité les populations de Guet Ndar à rejoindre les quartiers de Goxumbacc ou de Sor, mais les habitants refusent parfois de se déplacer. Aussi voit-on de plus en plus apparaître des

217 SENE Abdoulaye, 1885, Les transformations sociales dans la pêche maritime piroguière : conditions de

travail et modes de vie des pêcheurs de Guet Ndar de Saint-Louis du Sénégal, Thèse de doctorat de Sociologie, Université de Toulouse le Mirail, 706 p.

218BRUNEAU Jean-Claude, 1970, Saint-Louis du Sénégal : les quartiers de l’île et de la langue de Barbarie,

extensions verticales dans le quartier et plus généralement sur l’ensemble de la langue de Barbarie.

Ces constructions en dur, reliées à l’île par le pont Moustapha Malick Gaye depuis 1990219,

s’organisent de part et d’autre d’un axe longitudinal, et d’une série de rues perpendiculaires qui relient la plage au fleuve. La plupart des ruelles sont étroites, non bétonnées, et ne peuvent être empruntées par des véhicules. Si le quartier de Ndar Toute, mieux loti et mieux structuré, garde les empreintes d’une époque coloniale qui avait aménagé l’espace pour les riches négociants, les quartiers de la langue de Barbarie souffrent d’une occupation anarchique et ne sont que partiellement reliés aux réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement. Au vu de leur forte population, ils ne disposent d’aucun établissement scolaire secondaire, les écoles élémentaires sont pour certaines délabrées et les dispensaires (un par quartier) ne disposent pas tous de maternité (Ndar Toute par exemple).

Les fonctions économiques de la langue de Barbarie, fortement marquées par la présence de l’océan, s’organisent autour de la pêche et de son commerce (entrepôt, transformation et conditionnement des produits en transit). La communauté wolof des pêcheurs de Guet-Ndar, qui est l’une des pionnières en matière de pêche artisanale maritime, joue un rôle moteur dans l’économie de la ville. Au printemps, avant que les marins ne migrent vers les eaux plus propices du Sud (Cayor, Ngor, la petite côte ou la Casamance), les femmes débitent les prises de la matinée qu’elles vont vendre dans la ville ou charger sur des camions pour l’exportation. Le reste sera séché, fumé et vendu sur les étals des marchands qui se trouvent, comme la plupart des commerces de la zone (bijoutiers, tailleurs, coiffeur, etc.), à proximité du marché de Ndar Toute (1,55 ha, 700 commerçants220), au centre de la langue de Barbarie.

219 La passerelle de la Geôle, qui permettait plus au nord de rejoindre l’île, s’est effondrée en 2004 et a été

remplacée par une pirogue qui fait le taxi en attendant sa reconstruction. 220

Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Hydraulique Urbaine, de l’Hygiène Publique et de

l’Assainissement, 2008, Plan Directeur d’Urbanisme : PDU - Saint-Louis Horizon 2025, Dakar, République du Sénégal, 93 p.

Source : Photographie prise en juin 2011, quartier Guet Ndar.

Photographie 8 :Les ruelles de Guet Ndar

o Le faubourg de Sor : au cœur de Saint-Louis

Alors que la ville s’étend peu à peu en dehors de l’île, le faubourg continental de Sor, comme les quartiers de la langue de Barbarie, va recueillir les populations que la ville insulaire n’est plus en mesure d’absorber. Il regroupe aujourd’hui 54 % de la population urbaine et peut être divisé en deux noyaux de peuplement.

Le premier est de formation plus ancienne, il se trouve au nord et concerne les premières zones d’extension urbaine (Balacoss, Tendjiguène, Darou, Ndiolofène Nord). Les quartiers qu’il regroupe ont accueilli, dès les années quarante, les nouveaux arrivants en ville et les habitants des zones saturées de l’île et de la langue de Barbarie. Ces quartiers, moyennement peuplés (7 000 habitants en moyenne), sont relativement stables depuis 1988 (2,7 % par an en moyenne) et enregistrent des densités plutôt modérées (163 hab./ha.). Ils concentrent l’essentiel du commerce et de l’activité urbaine et notamment le plus grand marché de la ville

Dans le quartier populaire de Guet Ndar, les maisons s’entassent et les ruelles sont de véritables fourmilières humaines. Sur la chaussée, les calèches sont nombreuses, quelques taxis clandestins et voitures personnelles essaient de se frayer un chemin pour rejoindre les plages de l’hydrobase. Les habitations, qui débordent sur la rue, sont vétustes et paraissent en perpétuelle construction. Les enfants jouent dans les petites ruelles de terre battue entre le linge qui sèche, les femmes qui portent leur bassine sur la tête, le bétail (mouton, chèvre, volaille) et les montagnes de charbon et de parpaings. Ils attendent les quelques 200 pirogues qui sont mises à la mer chaque matin et qui transformeront les rues en marchéaux poissons. Les entrailles du poisson, les défécations d’animaux, les mouches, les débris, les détritus et le vent qui souffle sur le sable viendront alors alourdir le bilan sanitaire des populations.

(1,67 ha, plus de 2 200 commerçants221), qui, depuis 1897, est relié à l’île par le pont

Faidherbe (carte 13).

Le second noyau est de formation plus récente, il prend forme dans les années soixante, alors qu’une deuxième vague d’urbanisation se dessine au sud de la ville à la suite des sécheresses que subissent les régions environnantes (Diamaguène, HLM-Léona, Eaux-Claires-Diaminar, Médina Courses-Péthiély-Guinao rail, Ndiolofène Sud et Pikine). Les quartiers qu’il représente se singularisent par leur développement très rapide (9,3 % par an en moyenne depuis 1988) et de plus fortes densités (187 hab./ha en moyenne). Avec ce rythme soutenu, la plupart d’entre eux poursuivent leur extension sans programmation urbaine. Et bien que des plans généraux de développement spatial et des projets de restructuration aient été mis en place, ils restent dans l’ensemble mal lotis en équipements collectifs et en infrastructures. La configuration du site, qui aujourd’hui laisse moins de place à une extension possible, tend à faire de ces quartiers, des quartiers à plus forte densité. Aussi n’est-il pas étonnant que les habitations, qui, encore récemment, se cantonnaient aux parties les plus stables de la zone deltaïque, ne cessent à présent de se répandre sur les vasières du fleuve plus ou moins remblayées. Comme la plupart des quartiers qui se trouvent le long des cours d’eau, ces habitations périphériques sont chaque année menacées par les crues et les inondations.

221

Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Hydraulique Urbaine, de l’Hygiène Publique et de

l’Assainissement, 2008, Plan Directeur d’Urbanisme : PDU - Saint-Louis Horizon 2025, Saint-Louis, Commune de Saint-Louis, 93 p.