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Réorienter les aides publiques à la recherche privée

IV - CRÉER LES CONDITIONS D'UNE RELATION RECHERCHE/ENTREPRISES

1. Réorienter les aides publiques à la recherche privée

En 2017, la DIRDE na ionale s abli 33 milliards d'euros ; l effor de recherche des en reprises fran aises, mes r par le ra io en re la DIRDE e le PIB, s l e ainsi à 1,44 %136, ce qui place notre pays seulement à la 11e place parmi les États de l'OCDE (sur la base des montants de 2016)137. En outre, la hausse globale en volume de la DIRDE, de 1,7 % par rapport à 2016, retranscrit mal l'hétérogénéité des situations sectorielles : les services connaissent une hausse de 8,3 %, ce qui les amène à représenter 24,5 % de la DIRDE, alors q e l in es issement en recherche stagne dans l'industrie manufacturière (+0,1 %, après -0,4 % en 2016 par rapport à 2015) et diminue nettement dans le secteur primaire, l'énergie et la construction (-4,7 %). En particulier, les trois secteurs clés de la R&D industrielle (qui représente toujours 71 % de la DIRDE), poursuivent leur baisse : -0,8 % pour l'industrie automobile, -1,8 % pour l'industrie pharmaceutique et -4,2 % pour l'industrie aéronautique et spatiale. Ces statistiques apparaissent comme le reflet de la désind s rialisa ion e de l e ernalisa ion des ac i i s de R&D. Ce n es pas sans rapport avec la place de notre industrie ainsi que les stratégies et les ambitions économiques à se donner dans ce domaine. Il ne peut y avoir de R&D forte sans une industrie forte et réciproquement. Les données provisoires de la DIRDE 2018138 indiquent un effort stable à 1,44 %. Si la dépense dans l'automobile et l'aéronautique augmente légèrement, ce n'est pas le cas pour l'industrie pharmaceutique qui recule encore de 3,7 %. Plus inquiétant, la baisse du secteur R&D des télécommunications préjuge très mal des enjeux de la 5G, voire de la 6G. En conséquence, bien que certaines industries françaises constituent des leaders mondiaux dans leur domaine (principalement dans les secteurs aéronautique et pharmaceutique), les classements in erna iona s r l inno a ion r len n posi ionnemen intermédiaire de la France (16e dans le classement 2019 de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) ; notre pays a créé de nombreuses start-ups (10 000 en dix ans) mais

136 Mesri-Systèmes d'information et études statistiques, « Note d'information du SIES - Dépenses de recherche et développement en France, résultat détaillés pour 2017 et premières estimations pour 2018 », 20 janvier 2020 : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24800/notes-d-information.html.

137 Mesri, « L a de l Enseignemen s p rie r, de la Recherche e de l Inno a ion en France n 12 [ di ion 2019] », juillet 2019, p. 89 : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24804/etat-de-l-enseignement-superieur-et-de-la-recherche.html.

138 MESRI-SIES, « Les dépenses de R&D des entreprises en 2018 (données provisoires) », Note Flash SIES, avril 2020 : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid151314/les-depenses-de-r-d-des-entreprises-en-2018-donnees-provisoires.html.

Avis

ne compte que 4 licornes, contre 8 en Allemagne et 17 au Royaume-Uni139. De plus en France, une grande partie des start-up ayant développé un concept innovant et intéressant, sont rachetées et vont se développer hors du territoire. La recherche est en effet un élément majeur pour la croissance et la compétitivité de nos entreprises, notamment à l'export.

Pourtant, en dehors de l'autofinancement et des ressources externes privées, la R&D des entreprises françaises est fortement soutenue par deux types de dispositif, pour un total d'environ 10 milliards d'euros :

- des aides publiques nationales directes à hauteur de 2,9 milliards d e ros en 2017 (+ 0,2 milliards d'euros par rapport à 2016), soit 8 % de la DIRDE, bénéficiant largement à l'industrie 140 ;

- des inci a ions fiscales comme le cr di d imp recherche (CIR) o le s a de je ne en reprise inno an e (JEI). Le CIR es de en le principal canal d aides publiques au secteur privé pour la R&D : en 2016, 15 400 entreprises ont bénéficié du CIR141, pour un montant total de créance de 6,1 milliards d'euros142.

Ces montants sont en effet particulièrement volumineux au plan international, surtout au regard du trop faible effort de recherche des entreprises françaises : le taux de financement des dépenses de R&D du secteur privé par le secteur public (en pourcentage du PIB) est le 3e au monde, derrière la Russie et la Belgique ; il est seulement le 5e en ne prenant en compte que les aides directes mais il monte à la 2e place au regard des incitations fiscales143.

En outre, il apparaît que le CIR profite surtout aux grands groupes plutôt qu'aux PME, par son calcul basé uniquement sur le volume de dépenses de recherche. Un rapport sur les dispositifs de soutien à l'innovation en France, qui a été remis au Gouvernement en janvier 2016 par la Pr Suzanne Berger, du MIT144, a interrogé de nombreux dirigeants et dirigeantes d'entreprises françaises et mis en avant ce constat, comme nous l'ont confirmé les auditions de dirigeants et dirigeantes de PME technologiques145. Or, si les grandes entreprises représentent 60 % de la DIRDE, et les ETI presque 25 %, ce sont les PME (y compris les micro-en reprises), lorsq elles son ac i es en R&D, q i consacren la par la pl s impor an e de le r chiffre daffaires

139 CB Insights, recensement au 8 mai 2019. Les licornes sont définies comme les sociétés privées valorisées à plus de 1 Md$ e a an moins de 10 ann es d e is ence. Les q a re licornes fran aises sont des entreprises de services : OVH, Deezer, Blablacar et Doctolib.

140 MESRI-Systèmes d'information et études statistiques, 20 janvier 2020, op. cit.

141 hors cr di d imp inno a ion e cr di d imp collec ion.

142 MESRI-Systèmes d'information et études statistiques, op. cit.

143 MESRI, op. cit., pp. 102-103.

144 S. Berger, Reforms in he French ind s rial ecos s em, janvier 2016 : https://www.enseignementsup- recherche.gouv.fr/cid99081/rapport-de-suzanne-berger-sur-les-dispositifs-de-soutien-a-l-innovation-en-france.html.

145 Notamment l'audition le 27 février 2019 de M. André Genton, PDG de Porcher Industries.

AVISANNEXES à la R&D (8 % contre 3 % en moyenne). En comparaison avec leurs dépenses

in rie res de R&D, les PME mobilisen a ssi pl s d emplois : l origine de 17 % de la DIRDE, elles regroupent 24 % du personnel de R&D. Le rapport de la Pr Berger, ainsi que la « contribution de l'Académie des sciences à la préparation de la LPPR »146, constatent cependant que le CIR incite au recrutement de personnels de recherche en réduisant leur coût, ce qui favoriserait l'activité de R&D dans les entreprises bénéficiaires et l'attractivité de la R&D française.

En ce qui concerne le soutien public direct, ce sont les ETI qui sont les moins ciblées au regard de leurs dépenses de R&D, puisque seulement 2,4 % de leur DIRD est financée de cette façon, contre 10,3 % pour les PME et 10,6 % pour les grandes entreprises147.

Dans son RAEF 2019, à la suite de ses avis « Quelle politique pour les pôles de compétitivité ? », adopté en 2017, et « Industrie : un moteur de croissance et d'avenir », adopté en 2018, le Cese appelle de nouveau à un meilleur fléchage du CIR pour renforcer son efficacité148 : « L importance des masses financi res en jeu que soul ve le CIR, deuxi me d pense fiscale du budget de l État qui représente 60 % de l ensemble des aides publiques l innovation, suscite des interrogations sur son efficacité au regard de la très lente progression du niveau global de dépenses R&D, alors que l Allemagne se rapproche de l objectif de 3 % sans recourir à ce type d aide. » Les r cen es des s n h is es dans l a is de la Commission na ionale d' al a ion des poli iq es d'inno a ion (Cnepi) s r l impac d CIR p bli e r s récemment en mars 2019, concluent globalement à un effet positif du CIR. Toutefois, ce a is so ligne q e l al a ion m ri e d re po rs i ie ra ers d a res des d impac , car celles disponibles ne perme en pas de concl re q an a degr d efficaci d disposi if s r n cer ain nombre de poin s impor an s.

La commission détudes spécialisées du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), dans une note sur le CIR (en date du 16 avril 2019), indiq e q e o es en reprises confond es, le CIR n a pas e d effe posi if s r la DIRDE depuis la réforme de 2008, et précise que le comportement des entreprises diffère selon leur taille quant à l a gmen a ion des d penses R&D, d nombre de chercheurs et de chercheuses comme sur le recrutement des jeunes docteurs et docteures. Cette note évoque un effet posi if d CIR o n effe d a baine selon la taille des entreprises, les plus petites étant plus vertueuses. La stratégie de certains groupes internationaux en France soulève des questions légitimes en rapport avec des pra iq es d op imisa ion fiscale.

146 academie-sciences.fr/fr/Rapports-ouvrages-avis-et-recommandations-de-l-Academie/contribution-academie-des-sciences-preparation-loi-programmation-pluriannuelle-recherche.html

147 MESRI, op. cit., p. 94.

148 Bien qu'elle justifie la pertinence économique du CIR, l'Académie des sciences propose également de

« r aj s er les cri res d a rib ion du CIR en prenant en compte les besoins spécifiques des PMI/PME ».

Avis

Le volume du CIR tranche avec la diminution de certaines aides directes à la R&D privée : le budget de l'État accordé aux aides à l'innovation de Bpifrance, prévues pour des PME/ETI de 2 000 salariés et salariées au plus, est passé de 265 millions d'euros en 2011 à 103 millions d'euros en 2018149. Or, comme l'a souligné M.

Fournier, directeur exécutif de l'innovation chez Bpifrance, ces aides (prêts, subventions, avances remboursables) sont indispensables pour aider les start-up, TPE et PME à leur démarrage, compte tenu de leur effet de levier lorsque celles-ci ne bénéficient pas encore de la solidité suffisante pour obtenir un soutien bancaire privé. Ces entreprises sont ensuite des créatrices de valeur et d'emploi sur leur territoire. Lors de son audition, le Pr Coutard a mis en avant l'efficacité du fonds unique interministériel (FUI), qui finance des projets collaboratifs, associant au moins deux entreprises et un organisme de recherche ou de formation, et labellisés par un pôle de compétitivité ; ce fonds qui s'insère dans des co-financements avec les entreprises et les collectivités territoriales, n'a représenté que 57 millions d'euros pour le budget de l'État en 2018, contre 189 millions d'euros en 2011. Le Cese a déjà préconisé le maintien du FUI dans son avis de 2017 sur les pôles de compétitivité (« Quelle politique pour les pôles de compétitivité ? »).

Le Cese réitère donc l'une de ses préconisations du RAEF 2019 :

Préconisation 15 :

Le Cese demande plus de visibilité sur les financements et leurs impacts. Il recommande de mettre à plat les aides publiques directes et indirectes à la recherche et de les flécher plus efficacement pour permettre aux entreprises d investir dans la R&D :

- en d finissant des crit res d efficacit : les conditionner à la création d emplois dans la recherche, au recrutement de personnes formées par la recherche, à la réalisation de grands projets industriels, à des investissements suppl mentaires dans la R&D de l entreprise, qui attestent d un effet de levier sur l autofinancement ;

- en s assurant qu elles b n ficient aux entreprises qui en ont le plus besoin, notamment aux PME et ETI (accès, visibilité, raisons du non-recours) ; - en les assortissant d engagements contr l s, certes l galement mais aussi socialement a priori et a posteriori, pour une réelle effectivité ;

- en incluant dans l valuation, une quantification des dépenses thématiques et notamment la part associée aux transitions écologique et numérique.