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Des conséquences néfastes pour tout le système

II - FAVORISER CONTINUITÉ,

3. Des conséquences néfastes pour tout le système

de recherche, en particulier pour la recherche fondamentale et les sciences humaines et sociales

Le manque de crédits de base empêche de mener une politique scientifique de laboratoire, comme le soulignent 700 directeurs et directrices d'unités de recherche dans une tribune, parue le 10 février49, ayant débouché sur la création de l Assembl e des direc ions de labora oires (qui en réunit à ce jour plus de 800 ) afin de défendre notamment « une augmentation des budgets au profit des crédits récurrents des laboratoires pour que puisse continuer à se développer une recherche de temps long, sereine et véritablement attractive »50. Avec l'apparition d'un système à plusieurs vitesses, des universités, des pans de recherche et de nombreuses équipes de haut niveau sont l car de o financemen significa if51. La prise de risq e, l inno a ion, la c riosi 52 et la créativité scientifiques sont pénalisées par un système financé essentiellement par appels à projets ciblés sur le court-terme, et facteur de conformisme.

Quand la recherche sur projet devient le modèle dominant de financement, elle a pour effet de mettre en péril la possibilité de développer des recherches

47 CNRS, « La recherche publique en France en 2019 : Diagnostic et propositions du Comité national », juillet 2019.

48 Ce constat est largement partagé par les rapports récents des institutions de contrôle de l'utilisation des fonds publics (Cour des comptes, IGAENR, etc.).

49 https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/recherche-notre-politique-de-recherche-serait-elle-faite-par-et-pour-1-des-scientifiques_6029044_3232.html.

50 https://adl.frama.site/blog/communique.

51 Académie des sciences, « Le financement de la recherche : un chantier urgent », communiqué du 16 juin 2015.

52 Notamment, la « Blue sky research », recherche sans objectif clair, science guidée par la curiosité, est une recherche scientifique dans des domaines où les applications ne sont pas immédiatement apparentes.

AVISANNEXES originales (telles que l''évaluation et la prévention des risques en santé

environnementale) et des sujets que les décideurs politiques du moment ne consid ren pas comme impor an s o ren ables, alors m me q ils son j g s fondamentaux par les scientifiques. Po r l Acad mie des sciences, l insistance sur la recherche dite sociétale favorise trop souvent les thèmes de recherche à la mode ».

La production du savoir dans l'enseignement supérieur et la recherche ne doit pas être pilotée par la simple rentabilité, ni par une forme d'utilitarisme, mais permettre de construire une société respectueuse des individus, qui s'inscrit dans les transitions en cours pour la souveraineté économique du pays.

Le maintien d'une recherche fondamentale de qualité devient alors préoccupant53. Le court terme est préféré au temps long dont les découvertes scientifiques se nourrissent. Ainsi voit-on par exemple des laboratoires de mathématiques qui peinent à financer des recherches qui ne relèvent pas de l in elligence ar ificielle. Plus la recherche est fondamentale, plus elle est incertaine, prend beaucoup de temps avec des résultats non planifiables. La recherche appliquée et les transferts de technologies sont survalorisés au détriment de la recherche fondamentale, pourtant ferment des applications du futur, conduisant ainsi à terme, à une diminution des innovations technologiques et industrielles.

En référence à l mergence de la Covid-19, Étienne Decroly, directeur de recherche CNRS au laboratoire architecture et fonction des macromolécules biologiques, a rappelé la nécessité d'une recherche fondamentale : « Nous sommes le terreau de l'industrie pharmaceutique. On ne sait pas ce qui sera utile à la société de demain, quels nouveaux virus émergeront. D'où l'importance de chercher sans cesse dans toutes les directions. »54 Un mo en d an iciper les pid mies enir consiste à approfondir la connaissance de l ensemble des virus connus pour la transposer aux nouveaux virus. Cette recherche publique sur des programmes de long terme constitue le mo en d ob enir des d bo ch s h rape iq es rigoureusement validés, et pour ce faire, elle doi a oir a ssi la garan ie d re indépendante.

Ceci est vrai pour tous les domaines de la recherche, dont la diversité fait la force largement reconnue de la recherche française. Les laboratoires doivent pouvoir chercher dans diff ren es direc ions, sans sa oir l a ance q elles on re e d o vont venir les avancées majeures. Pour y parvenir, les équipes de recherche doivent pouvoir consacrer la majeure partie de leur temps à la recherche et disposer des dotations annuelles suffisantes.

Dans le système actuel, la place des sciences humaines et sociales (SHS) est remise en question. Alors qu'il s'agit d'un élément déterminant pour développer les capacités de notre pays à faire face aux défis qui l'attendent, elles sont

53 Académie des sciences, « Le financement de la recherche : un chantier urgent », communiqué du 16 juin 2015.

54 Thibert Cécile, « La recherche contre le coronavirus accélère », 27 mars 2020, Le Figaro.

Avis

devenues encore davantage le « parent pauvre » de la recherche. Elles sont moins financées que les autres domaines disciplinaires55, au niveau de la thèse56 comme a ni ea des emplois adminis ra ifs o d ing nierie de la recherche en écho avec le fait que leur utilité économique et sociale est souvent mise en question.

Ce constat entre en totale contradiction avec le deuxième article (L111-2) du Code de la recherche : « La politique de recherche à long terme repose sur le développement de la recherche fondamentale couvrant tout le champ des connaissances. En particulier, les sciences humaines et sociales sont dotées des moyens nécessaires pour leur permettre de jouer leur rôle dans la restauration du dialogue entre science et société. »

Elles sont deux fois moins financées que les sciences du vivant, ces dernières représentant 24 % (1er poste de dépenses) des crédits budgétaires alloués par la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires), contre 12 % pour les SHS, alors même que près de la moitié des inscriptions en première année de doctorat se fait dans ces disciplines57. Le fait que les sciences du vivant nécessitent des équipements de recherche qui peuvent être coûteux, ne peut justifier de tels écarts. D'ailleurs, comme l'a rappelé Antoine Petit, président du CNRS, lors de son audition du 24 avril 2019, les SHS nécessitent elles aussi des équipements informatiques qui traitent des métadonnées, eux aussi coûteux.

A la fin des ann es 1990, lIns i na ional d des d mographiq es a permis que soit réalisée une enquête quantitative de très grande ampleur sur les violences faites aux femmes, ne poq e o le s je n ai pas ins i ionnalis , ne faisai pas lactualité et n in ressai pas les poli iq es. Ce e enq e a o er n champ de recherche et le développement de compétences sur un sujet qui requiert des echniq es d enq e sp cifiq es. L ANR ne l a rai probablemen pas financ e avant que ce sujet ne fasse l'actualité.58 Autre exemple, le concept de

« glottophobie »59 développé par le Pr Blanchet, n'aurait certainement pas émergé

55 Selon un rapport publié en 2018, les sciences du vivant et naturelles bénéficient respectivement de 24 % et 14 % des crédits budgétaires alloués par la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires) en 2017. Le chiffre tombe à 12 % pour les sciences humaines et sociales, alors même que près de la moitié des inscriptions en première année de doctorat se fait dans ces disciplines.

56 Selon des chiffres publiés par le Mesri en 2016, seulement 38 % des doctorants et doctorantes en sciences humaines et sociales (SHS) inscrits en première année sont financés. Pour les autres, la seule solution reste de trouver, en parallèle, une activité rémunérée, sachant que 10 % des thésards et thésardes, toutes disciplines confond es, n on a c ne so rce de revenus. Pour les doctorants et doctorantes en sciences dites dures, la situation est sensiblement différente : les thèses sont financées à plus de 90 % (via des contrats doctoraux ou encore des fonds privés). A quoi cette différence est-elle due ? Pour Jean Francès, maître de conférences à l Ens a-Bre agne e a e r d ne h se s r les doc oran s et doctorantes, cela ien d abord a con en m me des thèses et des moyens nécessaires pour les réaliser (2). « Avoir accès à un labo en sciences expérimentales, en bio o en chimie, es presq e impossible sans con ra , po r des q es ions d ass rance.

Cependant, il y a quand même moins de financements en sciences humaines.».

57 « L a de l enseignemen s p rie r, de la recherche e de l inno a ion », n°12, 2019.

58 Audition de Mme Isabelle Clair le 19 février 2020.

59 Le socioling is e e professe r l ni ersi de Rennes 2, Philippe Blanche , a forg ce mo po r d signer

AVISANNEXES dans n s s me de financemen q i s app ie essen iellemen s r les appels

projets, el q il est pratiqué a jo rd h i.