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12 Force est de constater que le développement urbain des cinq dernières décennies met en exergue la difficulté de concilier les principes de développement durable avec les stratégies d’aménagement et de planification. Il semble pourtant que les territoires urbains puissent être des terrains privilégiés pour l’impulsion et la mise en œuvre de nouvelles conceptions et pratiques en faveur d’un urbanisme plus durable (Maupu, 2006). Les collectivités disposent généralement de nombreux leviers d’action, et ce à tous les stades de l’aménagement urbain et à toutes les échelles. À cet effet, que ce soit en amont avec l’élaboration des documents de planification (Plan local d’urbanisme, Schéma de cohérence territoriale…), lors des phases de réalisation d’opérations d’aménagement (lotissements…) ou dans le cadre de la gestion et de l’exploitation des espaces urbains (Opération programmée d’amélioration de l’habitat…),

Le paysage au service de la biodiversité dans la ville durable 4

VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Hors-série 14 | septembre 2012

il apparaît possible et indispensable de promouvoir une approche environnementale de la recomposition et de l’extension urbaine (Guillaumet J.L. et al., 2009).

13 Il apparaît ainsi aisé d’agir directement en élaborant ou révisant les documents d’urbanisme (GRIDAUH, 2006) pour qu’ils formalisent concrètement des règlements et des orientations d’aménagement faisant état des principes de durabilité clairement édictés, réhabilitant de fait la nature dans les zones urbanisées. Il conviendrait alors de veiller à ce que ces principes soient déclinés de manière pragmatique dans les opérations d’aménagement qui traduisent ensuite la stratégie adoptée. L’approche environnementale de l’urbanisme ou AEU ® (Ademe, 2006) a pour vocation de favoriser cette conception sans que ses axes fondateurs soient repris du point de vue réglementaire dans la lettre du législateur. Dès lors, la démarche demeure volontariste, voire très isolée, donc de moindre efficience.

14 En urbanisme, la biodiversité peut faire non seulement l’objet de mesures incitatives (mares de récupération des eaux pluviales au lieu d’un bassin de décantation stérile et dangereux), mais aussi de dispositions réglementaires. Ainsi, l’obligation de végétaliser chaque entité bâtie dans des proportions bien arrêtées permet de garantir la nature en ville. À cet effet, la ville de Berlin a introduit la notion de coefficient de biotope à l’échelle de la parcelle (végétalisation en pleine terre des espaces libres), concept repris par la ville de Paris dans le cadre de son Plan local d’urbanisme (PLU). Cette disposition est aussi une composante efficace dans le cadre des Plans climat territoriaux, ayant pour vocation l’élaboration d’une stratégie pour l’adaptation au changement climatique (atténuation des effets d’une canicule grâce à l’évapotranspiration et aux zones d’ombres générées). Les toitures et les façades végétalisées sont comptabilisées comme pouvant pallier le déficit de pleine terre dans les quartiers où le potentiel de recomposition est faible et les « dents creuses » peu présentes. L’absorption et la rétention temporaire des eaux pluviales minimisent le ruissellement et régulent les rejets, limitant ainsi la saturation des réseaux (30 à 60 % des eaux pluviales annuelles peuvent ainsi être évaporées par ce biais). Les revêtements semi-perméables des voiries et la végétalisation des parcs de stationnement s’offrent également comme des dispositifs d’hydraulique douce efficaces en milieu urbain (quartier d’Hammarby, Stockholm, Suède).

15 Il convient enfin de ne pas négliger la capacité des végétaux à piéger les microparticules, provoquant une diminution d’un tiers de ce qui est habituellement véhiculé par l’air ambiant. Il reste cependant à évaluer les effets de ce piégeage au regard des affections respiratoires liées à la pollution de l’air.

16 Force est de constater que la conception d’une majorité des projets actuels relève des méthodes du siècle passé et que le XXIème siècle ne s’est pas encore doté d’une ingénierie urbaine

adaptée aux ambitions affichées. Les principes et objectifs pour une ville durable (Rogers et Gumuchdjian, 2008) sont rarement adoptés dans leur globalité, empêchant toute réflexion systémique propice à la ville désirable. Quelques retours d’expérience démontrent déjà le caractère obsolète et inapproprié de certaines réalisations, leur conception n’ayant été en rien conforme aux principes développés ici. La mise en œuvre des projets et programmes devrait privilégier la cohérence territoriale au lieu de la seule entité administrative, s’employer à mutualiser les équipements au lieu de les multiplier et promouvoir les stratégies territoriales collectives au lieu de reporter chez le voisin les contraintes qui gênent son propre fonctionnement (circulation, eaux pluviales).

17 De ce fait, les principes et objectifs visant à allier ville et nature doivent être définis lors de la phase d’élaboration des projets pour ensuite être déclinés par des programmes d’actions démontrant le caractère soutenable de l’opération. En ce sens, les divers plans directeurs contractualisés (master plans) devraient être complétés par des plans d’action de durabilité (PAD), concrétisant en France l’obligation de la loi Grenelle 2 à définir des objectifs chiffrés et les moyens de mise en œuvre. Un tel PAD constituerait alors le cahier des charges dans lequel les modalités de biodiversité seraient clairement édictées et non pas seulement déclarées intentionnelles.

18 Plusieurs démarches existantes sur les territoires constituent des points d’ancrage stratégiques pour promouvoir la nature en ville. De tels dispositifs ont pour vocation de prolonger utilement les dispositions réglementaires par des plans d’action donnant une nouvelle place à la nature

dans les politiques urbaines (Dancert et Arnaud, 2001). À titre non exhaustif, il est utile de citer les schémas directeurs de quartiers qui assurent, à l’échelle de la zone agglomérée, une continuité d’ensemble, les plans localisés de quartier (Ambilly, Genève), les plans territoriaux climat-énergie, les démarches d’Agenda 21 local (Lorach et de Quatrebarbes, 2002) et celles de protection biologique intégrée (Grenoble). Enfin, il apparaît justifié de signaler le plan « Restaurer la nature en ville » (engagement n° 76 du Grenelle de l’environnement, France) qui a pour ambition de faire profiter les villes des bienfaits de la biodiversité urbaine. Ce dispositif, décidé en juin 2009, mais concrétisé en novembre 2010, devrait favoriser l’émergence de la ville durable (Vergnet-Covo, 2007) en préconisant le redéploiement de la nature au sein des quartiers et dans la vie des habitants.

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