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27 L’essentiel de la réglementation est basé sur l’arrêté ministériel du 15 mai 1986 qui fixe des listes d’oiseaux, de reptiles et de mammifères faisant l’objet de statuts particuliers (Richard-Hansen, 2003). Pour chaque classe précitée sont listées les espèces totalement protégées  (article 1) : parmi les mammifères, les félins (jaguar, puma, ocelot), des

La forêt guyanaise, entre valorisation et protection des ressources écosystémiques 9

VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Hors-série 14 | septembre 2012

singes (kwata, saki/Pithecia pithecia), des édentés (grand fourmilier ou tamanoir, tatou géant/Priodontes maximus), etc. Parmi les 140 espèces d’oiseaux protégées sur un total de plus 700, les aras (Ara ararauna, Ara macao, Ara choroptère), l’ibis vert (Mesembrinis cayanensis), le coq de roche (Rupicola rupicola), etc. Une certaine souplesse a été introduite avec une catégorie intermédiaire (article 2), qui se situe entre les espèces totalement protégées et les espèces autorisées à la chasse et à la commercialisation14. Il s’agit d’espèces autorisées

à la chasse, mais pas au commerce, qui ne peuvent être chassées que pour la consommation familiale : les toucans ou d’autres oiseaux comme le hocco, le marail ou l’agami, des singes comme le singe hurleur, le tamarin (Saguinus midas) ou le saïmiri (Saïmiri sciureus), ainsi que le tapir depuis 2007. En effet, jusqu’à cette date, ce dernier était autorisé au commerce et il n’était pas rare d’en trouver dans les surfaces commerciales. La commercialisation des espèces autorisées est plus précisément réglementée par l’arrêté ministériel du 27 mars 1995, et des arrêtés préfectoraux peuvent définir des périodes pour la commercialisation. Toutes ces mesures de protection ont un impact sur le commerce formel puisqu’on ne voit plus dans les restaurants que la chair des animaux autorisés au commerce, grâce aux contrôles de la DSV (Direction des services vétérinaires) et de l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) ; mais le commerce informel reste important.

28 En Amérique du Sud, certains pays comme le Brésil, l’Équateur ou la Bolivie ont une politique extrêmement protectionniste, qui interdit pratiquement toute chasse autre que de subsistance et tout commerce de faune sauvage. Mais la politique orientée vers une combinaison de la protection et de l’utilisation rationnelle des ressources se renforce actuellement dans la plupart des pays, reflétant la politique internationale d’utilisation durable des ressources.

29 Cependant, le décalage entre la réglementation et les traditions reste fort, car la problématique de la ponction sur la faune correspond, dans certains cas, à des traditions alimentaires et culturelles, voire cultuelles. C’est le cas du singe atèle ou singe araignée, appelé kwata en Guyane, dont la chair est consommée particulièrement chez les Businenge15, lors du rite

funéraire du « puubaaka » ou lever de deuil. Cette pratique pose problème puisque cet animal est totalement protégé. Il pourrait être possible de défendre un dossier de dérogation auprès du ministère de l’Environnement, à condition qu’il soit suffisamment étayé, notamment sur le plan des besoins quantitatifs. Bien entendu, les « intégristes » de l’écologie ne veulent pas entendre parler de dérogations qui peuvent effectivement déboucher sur des dérives. Concernant les espèces consommées traditionnellement par les populations amérindiennes ou businenge, l’ONCFS serait prête, semble-t-il, à étudier des possibilités de dérogation, si les demandes s’avèrent raisonnables. D’autant plus que ce ne sont pas les mêmes espèces qui sont consommées par les différents groupes. Par contre, l’unanimité se fait pour le kwata dont la chair est appréciée par tous.

30 Les moyens d’action pour la gestion et la conservation de la faune forestière sont de deux ordres, une meilleure connaissance des populations animales et des pratiques cynégétiques d’une part, et une éducation à l’environnement d’autre part. Face au manque de données sur la dynamique des populations animales, des outils scientifiques peuvent être mis en place, s’appuyant sur les diagnostics sur l’impact de la chasse et des modes de gestion expérimentaux progressivement mis au point dans les pays voisins amazoniens et, en Guyane, même si le contexte sociologique est différent, les données écologiques sont comparables. Par ailleurs, le ministère chargé de l’environnement a financé, entre 1999 et 2002, un programme placé sous la responsabilité du centre de recherche Silvolab-Guyane et intitulé « La chasse en Guyane aujourd’hui : vers une gestion durable? » dans la perspective d’apporter une aide à la décision aux autorités compétentes

31 L’information du public est une composante à part entière de la gestion et de la protection de la faune. Le travail est mené par la Direction régionale de l’environnement (DIREN) et aussi par d’autres acteurs (ONCFS, associations). Les associations ont une importante activité d’éducation à l’environnement, notamment dans les écoles. Parmi elles, on peut citer la SEPANGUY (Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature en Guyane), créée dès 1971, reprenant l’ancienne « Société zoologique de la Guyane française » qui existait depuis 1964, le GEPOG (Groupement d’études pour la protection des oiseaux de Guyane), mis

en place en 1993 par un groupe de naturalistes, ou encore l’association Kwata, qui voit le jour en 1994 et a surtout comme objectif des travaux d’étude de la faune à des fins de conservation. 32 En 2009, la DIREN a cherché à rencontrer les chasseurs dans les différentes communes puisque ce sont les principaux acteurs concernés par les réglementations et les menaces que leur activité peut faire peser sur l’avenir de la ressource. Mais les réunions et les discussions, très inégales selon les secteurs, ne se sont pas avérées constructives. Les chasseurs constatent eux-mêmes que la diminution de la faune est une réalité, mais il n’est pas toujours facile de trouver un équilibre entre le respect des modes de vie traditionnels et la législation. En Guyane, la problématique de conservation et de gestion de la faune sauvage est généralement confrontée à une argumentation mettant en avant les spécificités régionales, aussi bien celles de la faune que celles du contexte social, rejetant par là même la pertinence de la législation française en matière de contrôle de la chasse. La restitution aux communes d’un foncier forestier conséquent pourrait permettre l’organisation associative d’une chasse viable, en responsabilisant des chasseurs sur un territoire et une population animale donnée. À l’heure actuelle, la possibilité pour chacun d’accéder à toutes les zones sans distinction favorise une utilisation individualiste et anarchique, qui exclut toute notion d’économie et de gestion de la ressource.

33 Pour diminuer la pression sur la faune sauvage, des essais d’élevage de certaines espèces chassées ont été expérimentés, notamment pour le pécari et le hocco, dans la station Soukoumou de l’INRA à Kourou. Les résultats semblent assez satisfaisants, mais l’organisme souhaite qu’une entreprise privée prenne le relais de l’opération. Se posent aussi des problèmes culturels : ainsi, certaines communautés, comme les Aluku par exemple, ne mangent pas les animaux qu’ils élèvent.

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