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Régulation post-transcriptionnelle

Chapitre 1 : Introduction

1.3 Substrats de la voie Ras-MAP Kinase

1.4.1 Rôles dans l’expression des gènes

1.4.1.3 Régulation post-transcriptionnelle

Outre la modulation de la transcription des gènes et de leur traduction, l’activité MAP Kinase influence le sort de l’ARNm de plusieurs manières. Un récent exemple est la phosphorylation par ERK1/2 de RAM, une protéine adaptatrice de l’enzyme RNA guanine-7 methyltransferase (RNMT) responsable d’apposer la coiffe à l’extrémité 5’ du transcrit primaire chez certains gènes impliqués dans l’auto-renouvellement (387, 388). Dans cette

dernière. Cette perte de l’activité de RAM induit la déstabilisation du transcrit primaire de gènes liés à l’auto-renouvellement et, ultimement, un changement de l’équilibre entre l’expression de ces gènes et ceux liés à la différenciation neuronale. Similairement, un groupe suggère l’implication de la voie MAP Kinase dans le processus de polyadénylation du transcrit primaire de la MMP-9, ce qui permet de le stabiliser (389).

Épissage alternatif

Suite à la transcription des gènes, le transcrit primaire d’ARNm subit plusieurs étapes de maturation dont l’ajout d’une coiffe à l’extrémité 5’, l’ajout d’une séquence de polyadénylation en 3’, la méthylation, pseudouridylation et thiolation de certains de ses nucléotides ainsi que l’excision des introns par épissage. La maturation de l’ARNm est essentielle à son transport du noyau vers le cytoplasme et permet l’élimination de séquences aberrantes via la dégradation de l’ARNm par le mécanisme de dégradation non-sens (NMD) (390, 391). L’épissage est le processus permettant l’excision de certaines séquences (introns) du transcrit d’ARNm et la ligation des exons. Alors que certaines séquences introniques sont systématiquement éliminées de l’ARN pré-messager, ce que l’on appelle l’épissage constitutif, une grande majorité des gènes sont épissés de manière alternative et permettent la génération de plusieurs transcrits à partir d’une même séquence. Ces séquences alternatives permettent la génération d’une vaste gamme d’isoformes dont l’expression varie en fonction du contexte cellulaire. On estime que près de 95% des gènes subissent un épissage alternatif chez l’homme (392).

Ce processus est effectué par un complexe macromoléculaire nommé le spliceosome, formé de cinq principales ribonucléoprotéines (snRNP) ainsi que de nombreuses protéines régulatrices (393). Celui-ci s’assemble à la surface du transcrit d’ARN pré-messager suivant la reconnaissance d’une séquence spécifique en amont de l’intron par la snRNP U1 (394). La séquence en aval de l’intron est quant à elle reconnue par la snRNP U2. Un trimère composé des trois ribonucléoprotéines U4, U5 et U6 vient ensuite se lier à U1 et U4 afin de former le

complexe B. La maturation du complexe se poursuit par l’éjection de U1 et U4, résultant en une forme nommée le complexe C qui est catalytiquement active. Le spliceosome procède ensuite à deux étapes de transestérification de part et d’autre de l’intron, la première permettant la coupure du transcrit d’ARN et la formation d’une boucle rapprochant les deux sites qui seront ligués, puis une seconde qui clive le deuxième site et ligue les deux extrémités des exons. L’étape finale consiste au relargage du spliceosome ainsi que de l’intron du transcrit d’ARNm. Un résumé du processus d’épissage est présenté à la figure 1-6.

Figure 1-6 Assemblage du spliceosome et excision de l’intron

Adapté de Matera, A et al. (2014) (395)

De nombreuses protéines régulatrices sont aussi impliquées dans le processus d’épissage, tant pour permettre l’assemblage et la fonction normale du spliceosome que pour moduler la spécificité de celui-ci vis-à-vis une séquence donnée (Revue dans (396) et résumé à

la figure 1-7). Parmi celles-ci se retrouvent des hélicases de la famille DExD/H-box dont la fonction consiste notamment au réarrangement de la structure d’ARN et à l’appariement correct du spliceosome au transcrit tout au long du processus d’épissage (396-398). Il existe aussi plusieurs classes de protéines capables de lier l’ARN (RBP) qui régulent ce processus, que l’on regroupe sous le nom de facteurs d’épissage. Ces protéines reconnaissent de courtes séquences près des sites d’excision qui augmentent ou diminuent l’affinité du spliceosome pour un intron donné. Historiquement, deux grandes familles sont principalement impliquées dans ce processus; les protéines SR, caractérisées par un domaine de liaison à l’ARN riche en sérines et en arginines, et les ribonucléoprotéines hétérogènes (hnRNP) (399, 400). La liste complète des facteurs d’épissage dépasse largement le spectre de ces deux classes et continue de s’allonger encore à ce jour. Parmi ces autres facteurs d’épissage existent notamment les membres des familles RBFOX et MBNL, Sam68, NOVA, Quaking et les familles de kinases SRPK et CLK. On estime que plus de 170 RBP sont potentiellement impliquées dans la régulation de l’épissage via la reconnaissance de plus d’une centaine de séquences consensus d’ARN différentes (401, 402). Plusieurs facteurs d’épissages peuvent ainsi reconnaitre une multitude de séquences au sein d’un même transcrit primaire d’ARNm, et la somme des interactions dicte le profil d’épissage qui sera observé. Une approche bio-informatique élégante et systématique pour identifier comment ces éléments s’intègrent afin de prédire un résultat d’épissage donné a notamment été énoncée par le groupe de Yoseph Barash sous forme de « code de l’épissage » (401, 403).

Figure 1-7 Sélection du site d’épissage en fonction d’éléments de régulation

La surexpression, l’inhibition ou la mutation de certains facteurs d’épissage a été observé dans de nombreuses maladies, dont le cancer (404-409). Effectivement, la somme des interactions à l’ARN provenant de différents facteurs d’épissage permet la génération d’un vaste spectre de profils d’épissage qui varie en fonction des différents types cellulaires ainsi qu’en réponse aux stimuli extracellulaires. Considérant que certaines isoformes issus du même gène possèdent des fonctions opposées, il n’est pas surprenant qu’un profil d’épissage aberrant entraîne de graves conséquences biologiques. Un exemple classique est l’épissage du produit du gène BCL2L1, où l’isoforme long Bcl-xL occupe une fonction cellulaire anti-apoptotique alors que l’isoforme court Bcl-xS induit l’apoptose (410). Une modulation dans la balance de ces deux isoformes est ainsi observée dans plusieurs types de cancers, où la forme anti- apoptotique se trouve exprimée de manière prédominante (411-413). Le cas de Bcl-X est complexe puisque plusieurs facteurs d’épissages sont impliqués dans cette balance, incluant mais non limité à Sam68, hnRNP A1, SRSF9 et hnRNP K (343, 414, 415).

L’importance de l’épissage alternatif dans le cancer n’est plus à démontrer, il a même été proposé qu’une régulation aberrante de ce processus soit intégré aux caractéristiques du cancer telles que décrites par Douglas Hanahan et Robert Weinberg (416-418). Un point d’intérêt devient ainsi la régulation des facteurs d’épissage en amont de ces changements. Par exemple, plusieurs études ont démontré que le facteur d’épissage SRSF1 semble être surexprimé dans plusieurs types de cancers et que de nombreux transcrits d’ARNm sont affectés par son activité (419-421). Similairement, Tra2-β1 et SRSF3 sont deux autres facteurs dont l’expression est élevée dans le cancer (422-424). La régulation de ces facteurs dépasse cependant le simple niveau de leur expression, et des modifications post-traductionnelles peuvent influencer leur activité au même titre que ce qui est observé dans la majorité des voies de signalisation. Par exemple, la phosphorylation du domaine SR de SRSF1 par la kinase SRPK1, surexprimée dans certains cancers colorectaux, promeut l’inclusion de l’exon 3b dans le transcrit primaire de Rac1, générant une plus grande proportion de l’isoforme constitutivement active Rac1b (425, 426). Outre leur activité, la localisation intracellulaire de certains facteurs d’épissage est altérée suivant la phosphorylation de leur domaine SR par des

Contrôle de l’épissage alternatif par la voie MAP Kinase

À l’instar de tous les autres processus biologiques, le contrôle de l’épissage par ces facteurs dépend aussi de l’apport d’une signalisation intracellulaire. Considérant que plusieurs voies de signalisation, notamment celle des MAP Kinases, sont fortement activées dans le cancer, il va de soi que l’épissage alternatif risque d’être modulé de manière similaire par la signalisation en amont. Conséquemment, la compréhension du rôle des voies de signalisation dans le processus d’épissage alternatif a une importance capitale.

Plusieurs substrats directs des kinases ERK1/2 ayant un rôle dans le processus d’épissage ont été identifiés au cours des années. Ceux-ci ont par ailleurs été traités à la section 1.3.3, de pair avec les fonctions associées. De manière plus indirecte, l’induction de la voie MAP Kinase impacte la phosphorylation de protéines SR via activation de la voie PI3K/Akt. Akt possède en effet plusieurs substrats liés à l’épissage alternatif dont hnRNP L, SRSF1, SRSF5 et SRSF7 (429-432). Ces modifications post-traductionnelles causent notamment l’épissage différentiel de la caspase 9 et de la kinase PKCβII. L’équipe de Xiang- Dong Fu a aussi élucidé un rôle plus large d’Akt, et par extension d’une activation de la voie MAP Kinase, dans le contrôle de l’épissage via la phosphorylation de SRPK1 (433). Akt induit l’autophosphorylation de SRPK1 suivant une stimulation à l’EGF, ce qui mène à la translocation nucléaire de SRPK1 et d’une phosphorylation accrue du domaine SR de nombreux facteurs d’épissage. Le mécanisme exact, indépendant de son activité kinase, selon lequel Akt stimule SRPK2 à s’autophosphoryler reste cependant inconnu. Un autre groupe a décrit une phosphorylation directe de la T492 de SRPK2 par Akt sur un autre résidu non conforme au motif accepté de phosphorylation, hypothèse qui a par la suite été rejetée et donc la kinase reste encore à ce jour inconnue (434). Par ailleurs, ce résidu n’est pas plus conforme au motif de phosphorylation de ERK1/2. Bien que les changements exacts de patrons d’épissage causés par ce mécanisme ne sont pas caractérisés en profondeur à ce jour, la

surexpression de SRPK1 et l’activation d’Akt ont été observées dans plusieurs types de cancer (432, 435-437).