• Aucun résultat trouvé

Boucles de rétro-inhibition

Chapitre 1 : Introduction

1.2 Régulation de la voie Ras-MAP Kinase

1.2.3 Mécanismes d’inhibition de la voie

1.2.3.2 Boucles de rétro-inhibition

Afin d’exercer une réponse biologique adéquate et temporelle, l’activation de la voie conduit à plusieurs mécanismes de rétro inhibition à court et à long terme. Ces boucles sont dépendantes de l’activité de ERK1/2, et se déclinent en deux types de réponse : la phosphorylation d’effecteurs de la voie MAP Kinase, dont l’effet est presque instantané, et l’expression de régulateurs négatifs de la voie, qui prend forme à plus long terme. Un résumé de ces boucles est présenté à la figure 1-5.

Boucles de rétro-inhibition par phosphorylation d’effecteurs de la voie

L’activité de ERK1/2 permet la phosphorylation et l’inhibition des composantes de la voie à presque tous les niveaux (228). À la membrane, ERK1/2 peut phosphoryler notamment la portion juxtamembranaire cytoplasmique du récepteurs EGFR sur la thréonine 669, ce qui perturbe sa capacité de dimérisation et son activité subséquente (229, 230). Ceci se traduit aussi par une diminution de la phosphorylation des tyrosines dans la portion cytosolique des récepteurs tyrosine-kinase indispensable à leur activité (231). La phosphorylation de sites similaires par ERK1/2 a aussi été observé pour les récepteurs ERBB3 et FGFR1, suggérant que ce mécanisme est bien conservé et potentiellement présent pour d’autres récepteurs (232, 233). Le rôle de ERK1/2 pour tempérer l’activité de ces récepteurs ne se limite pas qu’à la phosphorylation de ceux-ci. Effectivement, une étude rapporte que ERK1/2 phosphoryle et active la phosphatase Cdc25c, dont l’un des substrats est la tyrosine 1068 du récepteur à l’EGF (234). D’autres études suggèrent que la phosphorylation de la protéine d’échafaudage FRS2

par ERK1/2 limite sa capacité à associer GRB2 au RTK phosphorylé, bloquant ainsi la transmission du signal. Ce mécanisme a été observé à la fois pour la liaison à l’EGFR et à FGFR1 dans deux études distinctes (230, 235).

Les acteurs en aval des RTK sont aussi sujets à la rétro inhibition de la voie. Plusieurs sites de phosphorylation par ERK1/2 ont ainsi été identifié dans la queue C-terminale du facteur d’échange de nucléotides guanyliques SOS (236). Ainsi, la phosphorylation de plusieurs sérines au sein du domaine riche en prolines (PR) de SOS diminue sa capacité à lier GRB2 ainsi que la petite GTPase Ras. Il est à noter que le changement de conformation causé par ces phosphorylations ne semble pas diminuer l’activité GEF de SOS vis-à-vis Ras. De manière intéressante, il a été démontré que la MAPKAPK RSK est aussi apte à phosphoryler et diminuer l’activité de SOS mais sur des sites différents de ERK1/2, ajoutant une strate supplémentaire de régulation négative à cette voie (237, 238). Ce mécanisme est plutôt dépendant de la création d’un site de liaison à 14-3-3 par phosphorylation de SOS par RSK, séquestrant cette composante de la voie.

L’activation de ERK1/2 a aussi un impact sur les modules MAP Kinases de sa propre cascade. B-Raf et C-Raf ont ainsi été identifiés comme des cibles de ERK1/2, mais l’impact sur son activité dépend en grande partie des résidus phosphorylés. D’une part, la phosphorylation des sérines 289, 296 et 301 par ERK1/2 semble potentialiser une activation soutenue de C-Raf (239). D’autres sites aux rôles similaires furent par la suite identifiés chez A-Raf et C-Raf (240-242). Curieusement, à l’exception des T401, S750 et T753, ces sites ne semblent pas phosphorylés pour l’isoforme B-Raf, du moins par ERK1/2, et dans plusieurs cas ne présentent pas le motif consensus minimal de ERK1/2 S/T-P présent dans les deux autres isoformes (243). À l’opposé, la phosphorylation par ERK1/2 de la thréonine 401 dans la région charnière de Raf semble perturber la formation du dimère Raf-Raf (244). D’autres sites à l’action similaires ont été identifiés pour B-Raf, et s’appliquent aussi à A-Raf et C-Raf où ils sont conservés (244, 245). Finalement, la phosphorylation de S151 de C-Raf par ERK1/2 inhibe son interaction avec Ras, ce qui bloque ou inhibe la transmission du signal (244).

Trois sites de phosphorylation par ERK1/2 ont été identifiés simultanément chez MEK1/2 en 1994 par les groupes de Jacques Pouyssegur et Daniel R. Marshak (246, 247). Bien qu’il ait été rapporté que la phosphorylation de ces trois résidus (T286, T292 et T386) diminue l’activité kinase de MEK1/2, la phosphorylation des thréonines 292 et 386 en particulier empêche de plus la liaison de MEK à ERK ainsi qu’à la protéine adaptatrice Grb10 (248-250). Paradoxalement, la phosphorylation de la T386 de MEK est indispensable pour sa translocation au noyau. Effectivement, un mutant triple-alanine inactif de la séquence signal de translocation nucléaire (NTS) TPT, dont la T386 fait partie, démontre l’incapacité de MEK1/2 à transloquer efficacement au noyau (250). Il n’a cependant jamais été démontré de manière robuste qu’aucune autre kinase ne pouvait être responsable de la phosphorylation de la T386. Un motif similaire est décrit chez ERK1/2, sous la forme SPS, et il a été suggéré que la phosphorylation de ce motif soit effectué par CK2 (251).

D’autres composantes de la cascade Ras-MAP Kinase peuvent aussi tempérer le signal suivant une phosphorylation par ERK1/2. Un exemple bien caractérisé est celui de kinase suppressor of Ras (KSR), identifiée à la fois chez le nématode et la mouche en 1995 (252, 253). Cette protéine d’échafaudage lie MEK1/2 à l’état quiescent, mais converge à la membrane et regroupe les trois membres de la cascade MAP Kinase suivant une stimulation de la voie (254-256). Plusieurs sites de phosphorylation par ERK1/2 furent identifiés au sein de KSR1 et semblent, d’une part, causer une diminution de l’affinité de KSR1 pour B-Raf ou, d’autre part, relocaliser KSR1 de la membrane au cytoplasme. La phosphorylation de la sérine 443 de KSR1 par ERK1/2 présente un effet rétro-inhibiteur particulièrement puissant, puisque la mutation de ce résidu seul suffit à induire une activation forte et prolongée de ERK1/2 (257).

Contrairement à la phosphorylation d’effecteurs de la voie MAP Kinase, dont l’effet permet une rétroaction rapide, l’expression de régulateurs négatifs de la voie est un mode de contrôle qui est lent à s’établir et module les niveaux d’activation de la voie sur le long terme. L’expression de certaines des phosphatases traitées précédemment, dont les DUSP1, 2, 4, 5 et 6, est notamment modulée en réponse à l’activité MAP Kinase, inactivant ERK1/2 et formant ainsi une boucle de rétro-inhibition (217). Le cas de DUSP6 est particulièrement bien documenté, son expression dépendant de l’interaction directe d’ERK1/2 avec le facteur de transcription ETS1 (258, 259).

L’activation de ERK1/2 entraine aussi l’expression de protéines de la famille Sprouty (Spry) (260). Cette famille composée de quatre membres inhibe l’activation de la voie MAP Kinase à plusieurs niveaux (228). Parmi les mécanismes suggérés, lorsque phosphorylés sur les tyrosines 53 et 55, Spry1 et Spry2 compétitionnent pour un site de liaison aux RTKs avec la protéine adaptatrice Grb2, inhibant le recrutement de SOS et l’activation subséquente de la voie (261). D’autres groupes suggèrent de plus que ces protéines peuvent interagir directement avec Raf, bloquant son activité catalytique et bloquant la transmission du signal à la voie (262, 263).

Figure 1-5 Résumé de plusieurs des boucles de rétro-inhibition de la voie MAP Kinase

Adapté de Ryan, M et al. (2015) (264)