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Phosphorylation de plusieurs facteurs d’épissage par ERK1/2

Chapitre 2 Nouveaux substrats des MAP Kinases ERK1/2 impliqués dans l’épissage alternatif

2.5 Discussion

2.5.1 Phosphorylation de plusieurs facteurs d’épissage par ERK1/2

Dans cette étude, nous avons identifié plusieurs nouveaux substrats in vitro de ERK1/2 ayant des rôles connus dans l’épissage alternatif. Ces résultats ont été générés par essai kinase in vitro, qui est une technique robuste afin de valider ou infirmer qu’un substrat puisse être phosphorylé par une kinase. La production bactérienne du substrat, de pair avec l’utilisation d’enzymes purifiées commerciales, élimine la possibilité qu’une kinase externe intervienne dans la réaction de phosphorylation. Bien que des effets hors-cibles soient toujours théoriquement possibles, l’essai kinase in vitro est une méthode particulièrement puissante pour identifier des substrats de manière systématique ainsi que les sites de phosphorylation associés.

Nous avons identifié la protéine RNPS1 comme substrat potentiel de ERK1/2 dans l’analyse phosphoprotéomique publiée par notre groupe en 2013, et observé une phosphorylation de la protéine recombinante complète par ERK1 in vitro. Cette protéine est extrêmement riche en sérines et, selon la banque de donnée Phosphosite, hautement phosphorylée. Plusieurs séquences au motif consensus minimal de ERK1/2 existent ainsi, notamment les sérines 27, 155, 157, 251 et 266 qui ont été observées chacune dans plus d’une quinzaine d’études phosphoprotéomiques différentes. Néanmoins, une seule étude publiée porte sur la modification post-traductionnelle de RNPS1 par une voie de signalisation (645). Selon cette dernière, la caséine kinase II phosphoryle la sérine 53 de RNPS1 et stimule l’épissage in vitro du gène de la beta-globine en présence de SRSF1, ainsi que l’épissage in vivo de la construction rapporteur TN24. Les auteurs indiquent que la phosphorylation de la sérine 53 n’affecte pas la localisation nucléaire de la protéine. Le rôle de cette phosphorylation dans la capacité d’export de l’ARNm après le dépôt du complexe exon-jonction, de la dégradation d'ARNm induite par mutation non-sens ou l’épissage de transcrits cibles connus n’a pas été validée à ce jour. Un point intéressant que ces auteurs soulèvent est que la phosphorylation de la S53 par CKII semble promouvoir la phosphorylation in vivo de RNPS1 par d’autres kinases. Effectivement, une dizaine de peptides tryptiques phosphorylés a été

détectée par chromatographie bidimensionnelle sur couche-mince, et ce signal est réduit de manière générale lorsque la sérine 53 est mutée en alanine.

Un aspect intéressant d’une potentielle phosphorylation de RNPS1 par ERK1/2 est la possibilité d’un nouveau mode d’autorégulation quant à l’expression de ERK1/2. Effectivement, le groupe de Marc Therrien a identifié les composantes du complexe d’exon- jonction, dont RNPS1 est un facteur auxiliaire, comme régulateur de l’épissage et de l’expression de MAPK chez la drosophile (160). Dans cette étude, la déplétion de RNPS1 suggère qu’une modulation de l’épissage du transcrit primaire de MAPK survient, suivi de sa dégradation subséquente. RNPS1, dont l’activité est connue pour être régulée par la phosphorylation de certains résidus, semble avoir un impact sur les niveaux d’expression de MAPK lorsque déplété, de pair avec les autres composantes de l’EJC (645). Bien qu’une hypothèse intéressante expliquant pourquoi les niveaux de MAPK sont si stables dans un contexte cellulaire donné pourrait être la régulation de l’activité de RNPS1 par MAPK, aucun groupe n’a observé à ce jour une modulation des niveaux de celles-ci en réponse à leur propre activité, suggérant qu’une phosphorylation de RNPS1 par ERK1/2 est sans effet sur leur niveau d’expression.

Néanmoins, il importe de continuer la validation de la phosphorylation de RNPS1 par ERK1/2 et d’identifier les résidus impliqués. L’analyse en spectrométrie de masse que nous avons effectuée sur la protéine phosphorylée in vitro couvre la région des sérines 153 et 155 identifiés originellement, mais n’a pas confirmée la phosphorylation. À ce stade, la mutation de ces résidus, ainsi que ceux dont le motif correspond à la séquence consensus minimale de ERK1/2, est l’étape clé nous permettant de passer à la caractérisation in vivo. Ceci nous permettra de valider par des méthodes protéomiques et biochimiques l’existence d’une phosphorylation de RNPS1 par ERK1/2 au sein de la cellule et, conjointement, d’analyser l’impact d’une mutation de ce(s) résidu(s) sur la fonction de la protéine.

Une autre cible intéressante que nous avons validé in vitro est la kinase SRPK2. Similairement à RNPS1, plusieurs études protéomiques ont observé la phosphorylation de sérines et thréonines mais peu ont caractérisé le mécanisme ou la kinase en amont. Un groupe a observé la phosphorylation de la T492 par Akt, mais cette conclusion a ensuite été rejetée puisque le motif de phosphorylation ne concorde pas avec celui généralement reconnu pour Akt (433, 434). Le groupe de Xiang-Dong Fu a aussi suggéré que Akt puisse induire l’autophosphorylation de SRPK1 par un mécanisme allostérique, modulant ainsi son activité ainsi que sa localisation (433). Nous avons aussi observé que SRPK2 est aussi capable d’autophosphorylation, tel que démontré par l’utilisation de la kinase WT produite en bactérie. Nous remarquons que le signal de phosphorylation de la forme WT n’augmente pas lorsqu’on incube cette kinase en présence de ERK1, en opposition à l’augmentation de phosphorylation observée lors de l’utilisation d’une forme KD de SRPK2. Pour expliquer cette différence, deux hypothèses peuvent être émises. Une première hypothèse moins plausible est que le résidu de phosphorylation soit le même chez les deux kinases, qui compétitionnent pour le site de phosphorylation et ainsi ne présentent pas une action additive de leurs activités combinées. Plusieurs substrats connus de SRPK2 ont cependant des motifs largement différents de ceux de ERK1/2, donc les possibilités qu’une même séquence soit la cible de ces deux kinases est faible. Une seconde hypothèse implique la phosphorylation d’un site distinct par ERK1 sur SRPK2 qui induit une diminution de son activité catalytique. Conséquemment, la hausse du niveau de phosphorylation induit par ERK1/2 serait compensée par la baisse d’autophosphorylation de SRPK2.

Sans égard à ce mécanisme, nous avons tout de même démontré la phosphorylation de SRPK2 par ERK1/2 sur au moins l’un des cinq sites dont la séquence est conforme au motif minimal S/T-P. Nous savons aussi que les kinases SRPK1 et SRPK2 ne semblent pas phosphorylées par ERK1/2, ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on compare les séquences de ces trois kinases qui ne partagent qu’un unique site TP conservé chez SRPK1 et SRPK2. Il importe donc à cette étape de poursuivre la validation de ce substrat par mutagénèse dirigée et spectrométrie de masse afin d’identifier un ou plusieurs résidus responsables de cette

génération d’outils permettant la caractérisation in vivo de cette phosphorylation. Il serait ainsi intéressant d’étudier l’activité kinase ainsi que la localisation cellulaire de SRPK2 WT et mutants pour les sites identifiés.