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Différenciation cellulaire

Chapitre 1 : Introduction

1.3 Substrats de la voie Ras-MAP Kinase

1.4.3 Différenciation cellulaire

Les MAP Kinases ERK1/2 sont parmi les plus importants régulateurs de la différenciation, et ce rôle est maintenant bien documenté depuis plusieurs années (483-487). Ce processus est particulièrement critique dans le développement embryonnaire, où une seule cellule totipotente est apte à générer toute la gamme de cellules spécialisées d’un organisme entier. Ce type de cellule souche embryonnaire est caractérisé par une forte expression des facteurs de transcriptions NANOG, Oct-4 et SOX2, ainsi qu’à un faible niveau de méthylation du génome (488). L’expression de ces facteurs est par ailleurs soutenue en partie grâce à leur propre activité, potentialisant une signalisation d’auto-renouvellement jusqu’à ce qu’un débalancement conduise à l’inhibition de leur expression (489). Lors de la différenciation des cellules en l’un des trois types cellulaires du feuillet embryonnaire, l’expression de ces facteurs de transcription diminue de façon concomitante à l’augmentation de l’expression de gènes liés à l’auto-renouvellement. De plus, une modulation épigénétique massive du génome survient, bloquant notamment l’expression de gènes spécifiques à d’autres types cellulaires (490). Ces changements sont dépendants de l’engagement de la cellule vers un destin cellulaire prédéterminé par un état « amorcé » de la cellule. Ce terme est utilisé pour distinguer les deux phases du développement embryonnaire, alors que la cellule se prépare à se transformer de manière irréversible, en opposition à l’état basal souche où les gènes d’auto- renouvellement sont exprimés aux plus hauts niveaux.

DNMT1, DNMT3a et DNMT3b dans la différenciation

DNMT3a et DNMT3b sont les deux seules enzymes capables de méthylation de novo dans l’organisme, inhibant de manière permanente l’expression de gènes par empreinte génomique via la méthylation d’ilots CpG à proximité de leur séquences promotrices. Cette empreinte génomique est conservée lors de la duplication du génome par l’activité de DNMT1, qui copie le patron de méthylation établi par les deux enzymes de novo. Il a d’ailleurs été démontré que la perte de DNMT1 dans les cellules ES mène à une perte massive de la méthylation du génome (491). Naturellement, la délétion de l’un de ces trois gènes mène à la mort embryonnaire (492). Une démonstration puissante de la corrélation entre le faible

niveau de méthylation du génome et du caractère « souche » des cellules est la génération d’une lignée de cellules souches embryonnaire murines génétiquement déficiente en DNMT1, DNMT3a et DNMT3b (493). La lignée triple KO générée par le groupe de Masaki Okano est viable et conserve un état souche basal caractérisé par une forte expression des gènes d’auto- renouvellement (493). Dans ce contexte, l’expression de ces méthyltransférases est essentielle au processus de différentiation normal de la cellule.

Plusieurs groupes ont cependant démontré que l’expression de la forme catalytiquement active de DNMT3b est absente dans une majorité de lignées cellulaires somatiques. DNMT3b possède effectivement une trentaine d’isoformes différents dont la portion catalytique est exempte pour certains d’entre eux (494). Il semble que l’expression massive de cette enzyme lors de la différenciation est transitoire, et que la forme épissée est l’isoforme prédominant dans un contexte physiologique normal du reste des cellules. L’hypothèse veut ainsi que la majorité des évènements de méthylation survenant dans un type cellulaire différencié soient effectués par DNMT1 dans le but de maintenir les patrons existants (495). Un groupe s’intéressant au rôle de l’isoforme DNMT3b3 dont la portion catalytique est excisée propose que malgré l’absence d’une fonction catalytique, l’enzyme inactive peut toutefois toujours lier l’ADN et moduler la méthylation du génome via interaction allostérique avec son partenaire DNMT3b possédant la portion catalytique de l’enzyme (496). Ceci est corroboré par deux autres études dans lesquelles l’expression des isoformes catalytiquement inactifs de DNMT3b induit des changements dans le patron de méthylation dans un mécanisme dépendant d’une liaison allostérique à DNMT3a (497, 498).

Rôle de la voie MAP Kinase dans la différenciation

Parmi les études s’intéressant spécifiquement au rôle de ERK1/2, la différenciation en mégacaryocyte de lignées cellulaires K562 et UT-7 suivant un traitement avec un agent mitogène s’accompagne d’une forte activation de ERK1/2, qui semble nécessaire au processus

est essentielle à ce mécanisme, puisqu’une induction transitoire de la voie relaie plutôt des signaux prolifératifs à la cellule (502). Ce rôle s’est ensuite élargi à la différenciation d’autres types cellulaires, dont le contexte spécifique à chacun dicte la mesure dans laquelle une activité de ERK1/2 est nécessaire pour proliférer ou induire la différenciation (503-506). Par exemple, un groupe a démontré que la localisation intracellulaire de ERK1/2 est critique dans la balance entre la prolifération ou la différenciation des myoblastes. Une accumulation nucléaire de ERK1/2 phosphorylé favorise la prolifération et la progression du cycle cellulaire, alors qu’une forte présence de ERK1/2 activé dans le cytoplasme est liée à la différenciation des cellules progénitrices musculaires (507).

Des études provenant de notre laboratoire ainsi que celui d’Austin Smith ont mis en évidence l’importance de ces MAP Kinases dans le développement embryonnaire normal de l’organisme (508, 509). Effectivement, des cellules souches embryonnaires murines obtenues à partir d’animaux génétiquement déficients en ERK2 peuvent proliférer et se diviser adéquatement, mais leur capacité à se différencier est largement tributaire de l’activation de la voie via une stimulation par le Fgf4. Il a été démontré que l’activité de la voie MAP Kinase dans un tel système contribue notamment à freiner l’expression de gènes liés à l’auto- renouvellement, dont OCT4 et NANOG, et à induire les cellules dans un état « amorcé » pour la différenciation (510). Ce rôle de ERK1/2 est accentué depuis la découverte qu’il est possible de maintenir des cellules souches embryonnaires de type sauvage dans un état perpétuel d’auto-renouvellement sans traitement aux cytokines via l’utilisation d’un inhibiteur de MEK1/2, bloquant le signal de différenciation, en combinaison avec un inhibiteur de GSK3 (511). L’expression d’ERK1/2 est effectivement indispensable à l’état de différenciation « amorcé » d’une cellule souche embryonnaire.

En opposition à ses rôles dans la prolifération et le contrôle du cycle cellulaire, les mécanismes d’induction de la différenciation par ERK1/2 restent relativement mal compris à ce jour. Dans les cellules leucémiques K562, un mécanisme dépendant de la phosphorylation de RSK1 et de l’activité de la voie NF-κB a été suggéré (512). Certains groupes ont identifiés

des régulateurs clés au processus, notamment des facteurs de transcription et des facteurs d’épissage, qui semblent agir de manière précoce dans la différenciation des cellules souches (513-515). Il reste cependant à déterminer comment l’induction de l’activité MAP Kinase, essentielle à la sortie de l’auto-renouvellement, est responsable de ces évènements. Les efforts de notre groupe afin de comprendre ces mécanismes seront présentés au chapitre trois.