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1. Introduction

1.1. L’expression génétique et son contrôle chez les bactéries

1.1.2. La traduction bactérienne

1.1.2.2. Régulation du démarrage de la traduction

Comme pour la régulation transcriptionnelle, il existe des contrôles traductionnels au niveau du démarrage, de l’allongement et de la terminaison de la traduction. Le démarrage est l’étape clé du contrôle car c’est une étape limitante et, de plus, réguler cette étape constitue une économie d’énergie. On peut noter que l’avantage du contrôle traductionnel est de répondre plus rapidement aux stimuli extérieurs. En effet, ce contrôle ciblant directement les messagers, il peut y avoir une

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modification plus rapide du niveau protéique que dans le cas d'une répression transcriptionnelle par exemple où les ARNm préexistants à la régulation peuvent encore être traduits.

La régulation traductionnelle est souvent basée sur la possibilité de démarrer la traduction et donc sur la structure de la région 5’ UTR de l’ARNm et la disponibilité du RBS (Romby and Springer 2007). La régulation traductionnelle fait intervenir des protéines qui se fixent le plus souvent à proximité du RBS et plus récemment il a été montré qu’elle pouvait être effectuée par des ARN régulateurs. Enfin l’ARNm peut servir lui-même de régulateur ; c’est le cas des riboswitches. Dans ce chapitre seule la répression de la traduction par les protéines sera détaillée. La régulation opérée par des ARN fera l’objet du chapitre 1.3.

Les gènes codant les protéines ribosomiques et les facteurs de traduction sont les principales cibles du contrôle traductionnel médié par des protéines. En effet, en condition de croissance rapide, les ribosomes représentent 50% de la masse sèche de la bactérie (Zengel and Lindahl 1994). Ainsi, selon la phase de croissance le nombre de ribosomes par cellule peut varier de 6700 à 71000 (Bremer and Dennis 1996). On comprend donc aisément l’intérêt de réguler la synthèse des différents constituants ribosomiques. Ainsi, dans chacun des opérons codants des protéines ribosomiques, une des protéines possède la capacité de se fixer à l’ARNm de l’opéron pour le réguler.

Deux mécanismes classiques de régulation du démarrage de la traduction existent et consistent en l’inhibition de celui-ci (figure 11) : la compétition avec le ribosome ou le piégeage de celui-ci.

Figure 11 : Mécanismes de régulation de la traduction par des facteurs protéiques. Classiquement, la fixation du ribosome peut être inhibée par des mécanismes de compétition ou de piégage. Il est également possible d’activer le démarrage de la traduction.

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19 Le premier mécanisme est basé sur la compétition entre la protéine régulatrice et le ribosome pour la fixation à la région de démarrage de la traduction. La protéine régulatrice étant fixée à proximité du RBS, celle-ci empêche l’accès du ribosome au RBS par simple encombrement stérique. Je me propose, pour illustrer ce propos, de détailler l’autocontrôle de la protéine ribosomique L20 qui a été étudié par des membres de notre laboratoire. L20 est une protéine de la sous-unité 50S du ribosome. Cette protéine est codée par le gène rplT qui fait partie de l’opéron IF3 constitué dans l’ordre des gènes thrS codant la thréonyl-t-RNA-synthétase, infC codant le facteur d’initiation de la traduction IF3, rpmI codant la protéine ribosomique L35 et rplT (figure 12A). L20 assure deux fonctions principales dans la cellule : elle est essentielle à l’assemblage de la sous-unité 50S et réprime la traduction des gènes rpmI et rplT.

Figure 12 : Autocontrôle traductionnel de la protéine ribosomique L20 A : Schéma de l’opéron IF3 d’E. coli B : Structure de l’opérateur de rpmI, le trait noir représente l’interaction à longue distance qui permet de former le pseudonœud.

L’expression des gènes rpmI et rplT est contrôlée négativement au niveau de leur traduction par L20. Ce contrôle passe par la fixation de la protéine à deux sites de l’ARNm de rpmI : les sites 1 et 2 (figure 12B). Le site 1 résulte d'une interaction entre deux régions distantes d'environ 300 nucléotides formant ainsi un pseudonœud. Le site 2 est une hélice irrégulière. Il a été démontré in vitro par des expériences de toeprint que L20 pouvait entrer en compétition avec la sous-unité 30S du ribosome pour la fixation à la région de démarrage de l’ARNm de rpmI, inhibant de ce fait la traduction de ce dernier (Haentjens-Sitri, Allemand et al. 2008). Comme les synthèses de rpmI et de rplT sont couplées, L20 autorégule donc également sa propre traduction. Il a été également montré que la présence des deux sites est indispensable à l’autocontrôle même si L20 ne se fixe

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qu’à un seul des deux sites et pas aux deux simultanément (Allemand, Haentjens et al. 2007). Ainsi une seule molécule de L20 se fixe à l’opérateur de l’ARNm de rpmI.

Le second mécanisme d’inhibition du démarrage de la traduction consiste à piéger le ribosome (figure 11). Dans ce cas, la fixation de la protéine régulatrice induit une modification structurale dans l’ARNm qui aura pour conséquence de bloquer le ribosome dans une étape précoce du démarrage. Contrairement au premier mécanisme le ribosome se fixe au RBS. Ce mécanisme a notamment été étudié lors de la mise en évidence de la régulation de l’ARNm rpsO par son propre produit, la protéine ribosomique S15 (Portier, Dondon et al. 1990).

Dans de rares cas, la fixation de la protéine régulatrice libère le RBS d’une structure secondaire permettant ainsi sa traduction par les ribosomes (figure 11). Il s’agit donc plus d’une levée d’inhibition que d’une réelle activation.