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1. Introduction

1.2. Les systèmes à deux composants

1.2.5. Le système EnvZ-OmpR : un système classique avec des propriétés inédites

1.2.5.2. La protéine régulatrice : OmpR

OmpR est une protéine cytoplasmique de 239 acides aminés. Elle est présente à environ 3500 copies par cellule durant la phase exponentielle de croissance (Cai and Inouye 2002). Deux domaines la composent : le domaine N-terminal (positions 1-124), site de la phosphorylation, et le domaine C-terminal (positions 137-239), site de fixation à l’ADN (Martinez-Hackert and Stock 1997). Ces deux domaines sont reliés par une région appelée également « linker » (positions 125- 136).

Hall et Silhavy ont proposé en 1981 que le rôle d’OmpR serait de réguler l’expression d’ompC et d’ompF au niveau transcriptionnel (Hall and Silhavy 1981). Sur la base de comparaison de séquences, OmpR partage une homologie avec plusieurs autres protéines de fixation à l’ADN comme le répresseur cro du phage lambda suggérant qu’OmpR présente aussi cette propriété de liaison à l’ADN (Wurtzel, Chou et al. 1982). Cette hypothèse a été confirmée en 1986 par des expériences d’empreinte à la DNAse I. Les auteurs ont ainsi déterminé les sites précis de fixation d’OmpR sur les promoteurs d’ompC et d’ompF (Norioka, Ramakrishnan et al. 1986). De nombreuses autres études ont pu mettre en évidence le nombre de monomères d’OmpR fixés sur chacun des promoteurs à basse et haute osmolarité (Maeda and Mizuno 1990; Huang, Schieberl et al. 1994; Harlocker, Bergstrom et al. 1995; Huang and Igo 1996).

Il est important de préciser que la phosphorylation d’OmpR par EnvZ est un élément-clé dans la régulation des cibles ompC et ompF. En effet, la phosphorylation d’OmpR augmente in vitro l’affinité de la protéine pour les régions promotrices d’ompC et ompF d’un facteur 10 (Head, Tardy et al. 1998). En phosphorylant sa protéine régulatrice, EnvZ module ainsi la capacité d’OmpR à se fixer à l’ADN et donc module le niveau de transcription des gènes cibles du système EnvZ- OmpR. Des expériences suggèrent qu’un changement de conformation entre OmpR et OmpR-P serait à l’origine de ce changement d’affinité pour l’ADN (Stock, Robinson et al. 2000). Plus récemment, il a été montré que la phosphorylation induisait la dimérisation d’OmpR (Barbieri, Wu et al. 2013).

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La phosphorylation d’OmpR par EnvZ a lieu dans le domaine N-terminal d’OmpR et plus précisément au niveau du résidu aspartate Asp-55 (Delgado, Forst et al. 1993). Des expériences d’empreinte à la DNAse I réalisées avec des fragments C-terminaux d’OmpR ont démontré que cette région était quant à elle impliquée dans la liaison à l’ADN et plus précisément était capable de se fixer aux régions régulatrices d’ompC et d’ompF. Par ailleurs, il a été montré que l’activation de la transcription d’ompC nécessitait l’interaction du fragment C-terminal d’OmpR avec la sous unité α de l’ARN polymérase. Il a été proposé que cette interaction stabilise celle qui a lieu entre les promoteurs et l’ARN polymérase ce qui in fine augmenterait la transcription des cibles positives d’OmpR (Kondo, Nakagawa et al. 1997).

Enfin, la région « linker » serait très importante dans la communication entre les deux domaines d’OmpR. En effet, des mutations dans cette zone empêchent l’activation du domaine C-terminal (Mattison, Oropeza et al. 2002). Contrairement à la version sauvage d’OmpR la phosphorylation du mutant G129D (dans le linker) ne permet pas l’augmentation de sa fixation au promoteur d’ompC. Le domaine C-terminal d’OmpR seul est également incapable d’activer la transcription d’ompC (Walthers, Tran et al. 2003). Ces différentes données sont en accord avec le fait que la phosphorylation du domaine N-terminal permet d’activer le changement de conformation du domaine C-terminal afin d’augmenter son affinité pour les promoteurs cibles. Cette activation serait en partie conduite par la région « linker ».

1.2.5.2.2. Structure cristallographique d’OmpR

La structure complète d’OmpR n’a pour le moment pas été résolue. Cristalliser une protéine telle qu’OmpR avec deux domaines reliés par un linker extrêmement flexible s’avère être une tache très délicate. A ce jour, le domaine de fixation à l’ADN a été cristallisé séparément.

Quant au domaine receveur N-terminal sa structure a été modélisée grâce à celle de CheY. En effet, la structure des domaines receveurs est fortement conservée entre les différents régulateurs de réponse rendant cette stratégie in silico possible (figure 24). Elle se représente sous la forme de cinq feuillets β parallèles entourés par cinq hélices α. Au centre se situe le résidu aspartate 55 phosphorylé par EnvZ.

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49 Figure 24 : Structure du domaine N-terminal d’OmpR modélisée à partir de celle de CheY (PDB 4QYW). Les résidus conservés requis pour la phosphorylation sont mis en évidence (aspartate 11/12/55, thréonine 83, lysine 102 et tyrosine 105). Les hélices α sont représentées en vert, les feuillets β en rouge et les boucles en gris. Issue de (Desai and Kenney 2017).

La structure du domaine C-terminal du régulateur OmpR (Martinez-Hackert and Stock 1997) met en évidence un motif de liaison à l’ADN qui a été nommé wHTH pour winged Helix Turn Helix (figure 25). Ce motif est formé de trois hélices α et de plusieurs feuillets β antiparallèles. L’hélice α3 (résidus 201-212) semble particulièrement importante car c’est elle qui reconnait l’ADN chez les autres régulateurs de la même famille qu’OmpR. La structure d’OmpR en présence d’un promoteur cible n’a pas été effectuée. Néanmoins des expériences de mutagénèse ont pu mettre en évidence le rôle clé des acides aminés « sérine 200 » et « valine 203 » pour la fixation d’OmpR à l’ADN (Russo, Slauch et al. 1993; Kato, Tsuzuki et al. 1995). Ces deux acides aminés se situant dans l’hélice α3 cela conforte donc le rôle clé de cette hélice. Plus tard, des expériences de cristallographie proposent que les résidus clé soient en plus de ceux-ci l’arginine 182 et la thréonine 224 situés respectivement dans l’hélice α3 et dans le feuillet β6 (Martinez-Hackert and Stock 1997). La boucle reliant les feuillets β6 et β7 semble également importante pour la reconnaissance de l’ADN.

Figure 25 : Représentation du domaine de fixation à l’ADN d’OmpR effectuée avec Pymol à partir de la structure 1OPC du domaine de fixation à l’ADN d’OmpR disponible dans la base de données PDB. L’hélice α3 et les feuillets β6 et β7 requis pour la fixation à l’ADN sont mis en évidence ainsi que les 4 résidus critiques pour cette fixation.

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1.2.5.2.3. Activation non classique d’OmpR

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1.2.3., OmpR peut être phosphorylé par d’autres régulateurs qu’EnvZ. A ce jour, deux régulations ont pu être montrées in vivo et ce dans des conditions particulières à savoir la phosphorylation d’OmpR par ArcB en condition d’anaérobiose (Matsubara, Kitaoka et al. 2000) et par CpxA en absence d’EnvZ et de CpxR (Siryaporn and Goulian 2008) suggérant qu’il s’agisse d’un phénomène relativement limité. Par ailleurs, il a été démontré qu’in vivo OmpR pouvait être phosphorylé par l’acétylphosphate, un métabolite présent dans le cytoplasme de la cellule (Matsubara and Mizuno 1999).