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La mise en place du complexe SNARE formé en trans (i.e. entre deux membranes différentes) permet non seulement l'arrimage des vésicules à la membrane plasmique mais constitue également une des étapes majeures de la préparation à la fusion de ces organites. En effet, comme cela sera décrit plus loin dans cette introduction, le complexe SNARE joue sans doute un rôle important dans le processus d'exocytose. Cette formation du complexe trans est un phénomène hautement régulé dont nous allons aborder quelques aspects dans ce qui suit.

1.1.5.1. Les protéines régulant l'assemblage du complexe SNARE

Les nombreuses protéines contrôlant l'assemblage du complexe SNARE agissent à des niveaux différents en inhibant ou en favorisant cet assemblage. Le rôle exact de beaucoup d'entre elles restent cependant à l'heure actuelle mal défini.

La protéine NSF (N-ethylmaleimide-sensitive factor), associée à sa protéine adaptatrice SNAP (soluble NSF attachment protein), aurait une fonction préparatoire à l'association du complexe

trans grâce à sa capacité à dissocier les complexes cis (i.e. formé sur la même membrane)

Bennett et al., 1993 ; Banerjee, Barry et al., 1996). Cette propriété de dissociation est spécifique des complexes cis et requiert l'hydrolyse d'ATP. Elle permettrait également un recyclage des protéines du complexe SNARE qui, lors de l'étape d'exocytose, passe d'une conformation trans à une conformation cis.

Une autre classe de protéines impliquées dans la régulation de l'assemblage du complexe SNARE sont les protéines Sec1/Munc18 (pour une revue, voir (Rizo and Sudhof, 2002)) qui se lient à la syntaxine 1. Une telle interaction n'a cependant lieu que dans le cas où la syntaxine 1 est dans une conformation dite fermée. Sachant qu'une telle conformation est incompatible avec l'assemblage du complexe SNARE, il a été proposé que Munc18 ait une fonction inhibitrice sur la mise en place de ce complexe via une stabilisation de la conformation fermée de la syntaxine 1. La protéine Munc13, en induisant la dissociation de Munc18 et de la syntaxine, permettrait alors l'ouverture de cette syntaxine favorisant ainsi l'assemblage du complexe trans. Ce modèle a cependant récemment été remis en cause à la suite de travaux sur des mutants de syntaxine ne pouvant adopter une conformation fermée (Han and Jackson, 2006).

Enfin, il est possible que les effecteurs de protéines Rab impliqués par ailleurs dans l'étape d'accostage des vésicules à la membrane plasmique jouent également un rôle dans la régulation de l'assemblage du complexe trans. Un tel mécanisme a notamment été mis en évidence dans le cas de la fusion homotypique entre endosomes précoces. Ainsi, l'interaction entre le facteur d'accostage EEA1 (early endosome antigen 1) et la syntaxine 13 semble contrôler ce processus de fusion (McBride, Rybin et al., 1999).

1.1.5.2. Le recrutement de protéines régulatrices via la synthèse locale de lipides

La préparation de l'étape de fusion est également marquée par une synthèse locale de lipides particuliers au niveau du futur site d'exocytose à la suite de l'activation d'enzymes spécifiques. Ainsi, par exemple, la synthèse de phosphatidylinositol 4,5-biphosphate (PIP2) par la phosphatidylinositol 4-phosphate 5-kinase (PIP5-kinase) serait stimulée par ARF6, une protéine à activité GTPasique passant de la surface des GS à la membrane plasmique lorsqu'elle est activée (Bader, Doussau et al., 2004). Ces lipides seraient impliqués dans le recrutement de nombreuses protéines telles que Munc13 ou les Mints, une famille de protéines se liant à Munc18. Ils interagissent également avec la synaptotagmine, considérée comme le senseur calcique potentiel de l'exocytose (voir la partie consacrée à cette étape). Ces lipides pourraient donc jouer un rôle non seulement dans la régulation de l'assemblage du

complexe SNARE mais également dans l'étape de fusion (pour une revue, voir (Klenchin and Martin, 2000)).

1.1.5.3. Le calcium et l'assemblage du complexe SNARE

La question cruciale de la dépendance au calcium de l'assemblage du complexe SNARE reste aujourd'hui encore largement débattue. En effet, s'il est clair que la fusion des vésicules avec la membrane plasmique, déclenchée par une élévation de la concentration de Ca2+ intracellulaire, nécessite la présence du complexe trans (voir la partie consacrée à l'exocytose), il reste à définir si ce complexe est déjà en place avant la montée de Ca2+.

Plusieurs études portant sur les effets des neurotoxines clostridiales (Hua and Charlton, 1999), d'anticorps dirigés contre certaines zones des protéines SNARE (Xu, Rammner et al., 1999) ou de mutations ponctuelles de ces protéines (Sorensen, Wiederhold et al., 2006) sur les cinétiques de sécrétion semblent ainsi montrer que le complexe trans existerait sous une forme au moins partiellement assemblée dans les cellules au repos. Toutefois, d'autres travaux suggèrent au contraire que l'assemblage du complexe SNARE est induit par la montée de Ca2+ (Chen, Scales et al., 1999).

1.1.6. L'exocytose

Le phénomène d'exocytose se caractérise par la fusion de la membrane vésiculaire avec la membrane plasmique permettant ainsi la libération des hormones ou des neurotransmetteurs contenus dans ces vésicules à l'extérieur de la cellule. Le déroulement exact de ce processus déclenché par une élévation de la concentration de Ca2+ intracellulaire est aujourd'hui encore sujet à controverse (pour des revues, voir (Mayer, 2002 ; Chernomordik and Kozlov, 2003 ; Jahn, Lang et al., 2003)). Deux hypothèses ont ainsi été proposées pour décrire la fusion entre les membranes vésiculaire et cellulaire.

1.1.6.1. La fusion via un pore lipidique

La première étape du processus de fusion consisterait en un rapprochement des membranes destinées à fusionner jusqu'à des distances de quelques nanomètres entre les deux feuillets lipidiques proximaux (i.e. ceux tournés vers le cytoplasme, voir Figure 8). Du fait notamment des répulsions électrostatiques entre ces deux feuillets, il est probable que ce processus

nécessite l'intervention de protéines capables de tirer les deux membranes l'une vers l'autre. Le complexe SNARE, en s'assemblant progressivement à la manière d'une "fermeture éclair", apparaît comme le candidat idéal pour effectuer un tel rapprochement (voir Figure 6).

Figure 8 : Fusion via un pore lipidique. (1) Rapprochement des deux membranes. (2) Formation du pédoncule

lipidique (3) Hémifusion. (4) Formation du pore de fusion. D'après (Chernomordik and Kozlov, 2005)

Il semble ensuite que les deux feuillets proximaux entrent en contact via la formation d'un "pédoncule" lipidique dont l'extension progressive permet d'accéder à un état dit d'hémifusion (Figure 8). A ce stade, les feuillets distaux sont toujours disjoints ("diaphragme" d'hémifusion) et par conséquent les échanges entre l'intérieur de la vésicule et le milieu extracellulaire sont bloqués. Si l'hypothèse du passage par un pédoncule lipidique est essentiellement fondée sur des études théoriques (Kozlovsky and Kozlov, 2002 ; Marrink and Mark, 2003), l'existence d'un stade d'hémifusion a en revanche été mise en évidence expérimentalement dans le cas de systèmes modèles (Heuvingh, Pincet et al., 2004 ; Giraudo, Hu et al., 2005 ; Xu, Zhang et al., 2005).

Contrairement à la question des protéines éventuellement impliquées dans cette étape d'hémifusion, celle du rôle des lipides dans ce processus a été étudiée en détail sur des systèmes modèles (Chernomordik, Chanturiya et al., 1995 ; Chanturiya, Leikina et al., 1999). Il semble ainsi que la présence de lipides en forme de "cône" (i.e. présentant de petites têtes polaires comme l'acide phosphatidique) au sein des feuillets proximaux puisse faciliter l'hémifusion en favorisant la courbure de ces feuillets (Figure 9). De tels lipides semblent effectivement être synthétisés au niveau du site de contact entre le GS et la membrane plasmique notamment via la phospholipase D (Bader, Doussau et al., 2004).

Figure 9 : L'hémifusion est favorisée par la présence de certains lipides au sein des feuillets proximaux. Les lipides à "petite" tête polaire

(représentés par des triangles oranges) favorisent l'hémifusion en induisant une courbure négative des membranes.

L'étape suivante du mécanisme se caractérise par la formation d'un pore de fusion, dont le diamètre a été estimé à quelques nanomètres, permettant de connecter l'intérieur de la vésicule au milieu extracellulaire (voir Figure 8, pour des revues, voir (Lindau and Alvarez de Toledo, 2003 ; An and Zenisek, 2004)) Du point de vue lipidique, l'apparition de ce pore est sans doute due à la déstabilisation du diaphragme d'hémifusion (Chernomordik and Kozlov, 2003). Suivant les auteurs, la durée de vie d'un tel pore de fusion varie de quelques millisecondes à plusieurs secondes (Aravanis, Pyle et al., 2003 ; Perrais, Kleppe et al., 2004 ; Han and Jackson, 2006), suggérant que ses caractéristiques exactes diffèrent d'un système à l'autre. S'il ne se referme pas, ce pore s'élargit progressivement conduisant ainsi à la fusion complète entre la vésicule et la membrane plasmique (Albillos, Dernick et al., 1997). Dans le cas des GS, l'origine de cet élargissement semble être le gonflement osmotique de la matrice intragranulaire induit par les échanges ioniques entre le contenu du GS et le milieu extracellulaire (pour une revue, voir (Amatore, Bouret et al., 2000)).

Plusieurs protéines semblent jouer un rôle d'une part dans l'ouverture du pore de fusion puis dans le contrôle de sa stabilité et de son éventuelle expansion mais leurs mécanismes d'action ne sont généralement pas définis avec certitude. Il semble ainsi que le complexe SNARE soit un acteur majeur du processus d'ouverture du pore en particulier via les domaines transmembranaires des protéines le constituant (Ungermann and Langosch, 2005). La tension exercée par ce complexe sur le diaphragme d'hémifusion pourrait en effet promouvoir sa déstabilisation (Chernomordik and Kozlov, 2003). D'autres acteurs protéiques pourraient cependant favoriser cette ouverture comme notamment la synaptotagmine (voir plus loin). Cette protéine, tout comme la dynamine, qui participe au recyclage des vésicules (voir la partie consacrée au recyclage), ou Munc 18, a également été impliquée dans le contrôle de l'expansion du pore de fusion (pour une revue, voir (An and Zenisek, 2004)).

1.1.6.2. La fusion via un pore protéique

Le modèle précédent impliquant la formation d'un pore de nature lipidique place les SNARE au centre du dispositif conduisant à la fusion. Ce modèle est cependant en contradiction avec certains travaux effectués chez la levure montrant que les complexes en trans semblent pouvoir se dissocier bien avant la fusion homotypique entre vacuoles (Ungermann, Sato et al., 1998). Des résultats similaires ont été obtenus dans le cas de l'exocytose de granules corticaux d'œuf d'oursin (Coorssen, Blank et al., 1998).

Un mécanisme alternatif de fusion faisant intervenir la mise en place d'un pore de nature protéique (Figure 10) a alors été suggéré à la suite des travaux réalisés dans le groupe de Mayer sur la fusion vacuolaire dans la levure (Peters, Bayer et al., 2001). Dans ce modèle, le complexe SNARE joue un rôle direct uniquement lors du rapprochement des deux membranes destinées à fusionner, le pore de fusion étant ensuite formé par l'accolement en

trans de deux secteurs V0 de l'ATPase vacuolaire (Figure 10). Ce serait alors la dissociation progressive des sous-unités de chaque secteur V0 qui permettrait l'invasion du pore par les lipides membranaires puis sa dilatation. Des travaux effectués sur le poisson torpille (Morel, Dedieu et al., 2003) ou la drosophile (Hiesinger, Fayyazuddin et al., 2005) suggèrent que ce mécanisme de fusion pourrait s'appliquer au cas de l'exocytose de neurotransmetteurs. Alternativement à cette implication des secteurs V0, il a récemment été proposé que la structure annulaire formée par les domaines transmembranaires des protéines du complexe SNARE pourrait constituer le pore de fusion (Han, Wang et al., 2004).

Figure 10 : Fusion via un pore protéique. (1) Formation du pore de fusion par accolement des secteurs V0 de l'ATPase. (2) Dissociation des sous-unités des secteurs V0 permettant l'invasion du pore par les phospholipides puis sa dilatation. D'après (Mayer, 2002).

Cette hypothèse du pore protéique reste aujourd'hui encore très controversée. Ainsi, l'étape d'invasion du pore par des phospholipides lors de la dissociation du complexe protéique à

l'origine de la formation de ce pore est vraisemblablement très couteuse en énergie. Au cours de ce processus, la partie hydrophobe des phopholipides se retrouve en effet au contact du canal aqueux formé par l'accolement des deux complexes protéiques (Figure 10). Ce modèle semble donc difficilement compatible avec l'expansion du pore observée expérimentalement.

1.1.6.3. Le senseur calcique de l'exocytose : la synaptotagmine

La fusion des vésicules avec la membrane plasmique est déclenchée par une élévation de la concentration de Ca2+ intracellulaire. De nombreuses études désignent la synaptotagmine 1 comme étant la protéine à l'origine de cette sensibilité au calcium du phénomène de fusion membranaire (pour des revues, voir (Koh and Bellen, 2003 ; Sudhof, 2004)). Cette protéine, présente sur la membrane des GS et des VS, possède deux domaines C2 pouvant lier chacun plusieurs ions Ca2+. Ces domaines ont la capacité de s'insérer partiellement dans les membranes en présence de calcium. Il a de plus été montré que la synaptotagmine 1 interagissait avec le complexe SNARE, cette interaction étant dépendante du niveau de Ca2+ intracellulaire. Enfin, il semble que le calcium puisse également induire l'oligomérisation de cette protéine.

Ces différentes propriétés de la synaptotagmine ont permis d'élaborer différents modèles permettant d'expliquer sa fonction lors de l'étape d'exocytose. L'un de ces modèles suggère que cette protéine serait impliquée directement dans l'ouverture du pore de fusion (Sudhof, 2004). Ainsi, avant la montée de calcium, les membranes vésiculaire et cellulaire seraient maintenues dans un état d'association métastable (peut-être dans un état d'hémifusion) grâce au complexe SNARE. L'élévation du niveau de Ca2+, en provoquant une insertion dans les membranes des domaines C2 de la synaptotagmine, induirait une déstabilisation de ces membranes et la formation du pore de fusion. Ce modèle, qui fait intervenir le calcium à une étape très tardive du processus d'exocytose, permettrait d'expliquer le délai très bref (< 1 ms) observé entre l'élévation de Ca2+ et la fusion des VS dans les neurones. Une étude récente analysant l'effet de mutants de la synaptotagmine sur la fusion des GS semble confirmer le rôle de cette protéine dans l'ouverture du pore de fusion mais montre également qu'elle serait impliquée dans la dilatation de ce pore (Wang, Bai et al., 2006).